Foxtrot
Israël, France, Allemagne, Suisse : 2017
Titre original : –
Réalisation : Samuel Maoz
Scénario : Samuel Maoz
Interprètes : Lior Ashkenazi, Sarah Adler, Yonaton Shiray
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h52
Genre : Drame, Guerre
Date de sortie cinéma : 25 avril 2018
Date de sortie DVD/BR : 26 septembre 2018
Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent…
Le film
[4/5]
« Un dicton affirme qu’il faut se méfier de l’eau qui dort. En matière de cinéma, il faut, de même, se méfier des films qui donnent l’impression de s’intéresser à la situation d’un pays et de ses habitants, mais qui prennent de grandes libertés avec la stricte réalité et qui fricotent avec l’absurde même dans les situations les plus graves. Attention, entendons nous bien : ce ne sont pas les spectateurs qui doivent se méfier de ces films, bien au contraire, non, ce sont ceux qui tiennent les rênes dans le pays concerné. C’est ainsi que Foxtrot semble être un film sur l’armée israélienne, sauf que, dans la réalité, les postes de contrôle sont aujourd’hui dotés d’équipements très modernes et très majoritairement privatisés. Pour le pouvoir, qu’y a-t-il à craindre d’un film où l’absurde côtoie le tragique, où le burlesque semble prendre le pas sur le drame, d’un film dans lequel le bâtiment où vivent les soldats penche de plus en plus et où leur jeu préféré consiste à chronométrer le temps mis par une canette pour dévaler une pente de plus en plus prononcée ? Eh bien, c’est ce pas de côté effectué par Samuel Maoz qui lui permet, sans avoir l’air d’y toucher, en donnant l’impression d’être à côté de la plaque, de se montrer particulièrement caustique quant à la situation actuelle de son pays et quant à la façon dont sont traités les palestiniens.
Malgré les nombreuses récompenses engrangées par Foxtrot, ou, peut-être, à cause d’elles, ce film a fait l’objet d’une importante polémique en Israël. En cause, le jugement sans appel porté sur le film par Miri Regev, la Ministre de la culture israélienne, alors qu’elle n’avait même pas vu le film mais qui, en septembre dernier, clamait haut et fort qu’elle avait honte de ces récompenses israéliennes venant couronner une œuvre qui « salit l’image de l’armée» de son pays. Il est probable qu’on avait dû lui raconter les deux scènes les plus fortes du film : la fameuse bavure qu’on se gardera de « divulgâcher » et son prolongement, la dissimulation de cette bavure par un bulldozer. On aurait pu rajouter la parabole des chaussures, des chaussures de ville bien propres, bien cirées pour les chefs, les décideurs, ceux qui, le plus souvent, ne voient les zones de conflit que de loin, des rangers pleines de boue pour ceux qui passent leur temps dans le merdier créé par les premiers. En tout cas, Samuel Maoz a répondu à Miri Regev que c’était par amour et pour le protéger qu’il critiquait son pays, ajoutant que cette voiture qu’on enterre pour « effacer » la bavure était une métaphore d’un pays qui préfère enterrer la vérité plutôt que d’y faire face et de se poser les bonnes questions. (…)
Samuel Maoz est un réalisateur qui tourne peu et on est en droit de le regretter. En effet, que ce soit Lebanon ou Foxtrot, ses films s’avèrent tout à la fois très personnels, déroutants et d’une grande force. Dans Foxtrot, Samuel Maoz se montre l’égal d’un Aki Kaurismäki dans son art consommé pour faire cohabiter le drame et le burlesque.On peut espérer que la polémique lancée par la Ministre de la culture israélienne et qui vient s’ajouter aux nombreuses récompenses obtenues à Venise et dans son propre pays va donner à ce film le coup de pouce lui permettant d’en faire un succès dans notre pays. »
Extrait de la critique de notre chroniqueur Jean-Jacques Corrio. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est Blaq Out qui se charge aujourd’hui de sortir de l’ombre Foxtrot, le petit chef d’œuvre de Samuel Maoz sur support Blu-ray. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l »image est vraiment de toute beauté : précise et plein de détails, le master est superbe, avec un grain préservé, des couleurs et des contrastes aux petits oignons et un piqué d’une précision ahurissante. Un vrai bonheur de découvrir le film dans de telles conditions. Niveau son, la version originale est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1, au rendu acoustique riche et naturel.
Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord un très intéressant entretien avec le réalisateur Samuel Maoz, mené par Ariel Schweitzer, qui évoquera en un peu plus de vingt minutes les influences l’ayant mené au scénario de Foxtrot. Il évoquera par exemple une anecdote concernant sa fille ayant échappé à la mort parce qu’elle avait loupé son bus, ou encore sa volonté claire de structurer le film en trois actes, à la manière d’une tragédie grecque. Last but not least, nous aurons le plaisir de découvrir The end, un court-métrage de Samuel Maoz, très intéressant mais également très très court (une minute et trente-neuf secondes !).