Fata Morgana
Espagne : 1966
Titre original : Fata/Morgana
Réalisation : Vicente Aranda
Scénario : Vicente Aranda, Gonzalo Suárez
Acteurs : Teresa Gimpera, Marianne Benet, Marcos Martí
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h27
Genre : Thriller, Science-fiction
Date de sortie DVD/BR : 2 mai 2023
Dans une ville évacuée de sa population pour d’obscures raisons, quelques personnes ont décidé de rester. La mannequin Gim n’a pas voulu quitter son compagnon, Alvaro, qui vit dans une somptueuse villa avec des personnalités excentriques. On apprend alors qu’un assassin récidiviste a décidé de frapper à nouveau, et qu’il choisit ses victimes parmi les plus belles femmes de la ville. Le Professeur, un expert en criminologie, est le seul capable d’aider Gim à échapper au meurtrier…
Le film
[3,5/5]
Le cinéaste espagnol Vicente Aranda (1926-2015) s’est, tout au long de sa carrière, fait remarquer par le biais de films volontiers sulfureux, tels que le puissant À coups de crosse que nous avons récemment évoqué à l’occasion de sa sortie en Blu-ray. Pour autant, à l’origine, Aranda avait fait ses armes au sein de « l’école de Barcelone », un groupe de cinéastes catalans des années 1960, dont les affinités stylistiques sont inspirées des Nouvelles Vagues venues de France et de Pologne. Réalisé par Vicente Aranda en 1966, Fata Morgana s’inscrit donc dans ce mouvement cinématographique singulier : expérimental, cosmopolite, influencé par le Pop Art autant que par l’absurde, le film prenait ses distances avec le réalisme social généralement associé à l’époque au Nouveau cinéma espagnol.
A la découverte de Fata Morgana, il sera bien difficile en effet de ne pas penser aux contemporains européens du film de Vicente Aranda, et notamment à des films de Jean-Luc Godard tournés en 1965, tels que Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution ou Pierrot le fou. On pense également forcément un peu aux Petites Marguerites de Vera Chytilová (1966), même si le décalage et la perturbation de la vie quotidienne ne sont pas chez Aranda poussés à un niveau de folie comparable à celui du film polonais. Pour autant, en dépit de ces influences, Fata Morgana n’en trouve pas moins sa propre personnalité, notamment grâce à son histoire étrange, vaguement dystopique, autour d’une femme (Teresa Gimpera) traquée par des hommes et piégée par la folie du monde dans lequel elle se trouve.
Au-delà des images frappantes et parfois absurdes, au-delà de la profusion de références « pop » (bande dessinée, publicité…), Fata Morgana développe tout au long de son intrigue d’implacables sous-entendus féministes, les hommes qui suivent et harcèlent l’héroïne étant explicitement liés au sexisme véhiculé par la publicité. De fait, Vicente Aranda nous proposait déjà, il y a soixante ans, un commentaire assez acerbe sur l’obsession de la célébrité et la beauté. Du côté des personnages féminins du film, et il y a un sentiment général obsédant d’insécurité et de paranoïa, qui se voit encore amplifié par la façon dont chaque homme dans la rue arrête l’héroïne pour la toucher, lui parler, ou l’agresser. Bien sûr, l’exagération est une des caractéristiques de Fata Morgana, et l’ouverture du film sous forme de bande dessinée inscrit tout de suite le film dans une tonalité particulière, mais il y a plus qu’un peu de vérité dans le discours d’Aranda concernant la façon dont le monde traite les femmes.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est donc Artus Films qui nous propose aujourd’hui de découvrir Fata Morgana, qui s’offre une superbe édition Blu-ray présentée dans un classieux Digipack surmonté d’un fourreau aux couleurs du film. Comme d’habitude avec l’éditeur, il s’agit d’un objet soigné, qui ravira les curieux tout autant que les collectionneurs. Côté technique, et comme à son habitude, l’éditeur français nous livre avec ce Blu-ray de Fata Morgana une copie restaurée assez solide au format respecté, et nous propose un master propre, aux couleurs éclatantes et contrastes soignés, même si on pourra remarquer une légère pixellisation sur les aplats et les couleurs les plus sombres. Cela dit, la restauration 2K a débarrassé le film de (presque) tous ses défauts, et la granulation d’origine a globalement été préservée. Côté son, on retrouvera naturellement une piste LPCM Audio 2.0 mono d’origine en espagnol, collant toujours parfaitement à l’ambiance étrange du film.
Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord une présentation du film par Christian Lucas (23 minutes). Ce dernier reviendra sur la carrière de Vicente Aranda et replacera le film dans son contexte de tournage, avant d’évoquer ses particularités formelles et narratives. On continuera ensuite avec un générique alternatif du film (1 minute), toujours sous forme de bande dessinée, et on terminera avec la galerie de photos et la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition Blu-ray, rendez-vous sur le site de l’éditeur !