Farang
France : 2023
Réalisation : Xavier Gens
Scénario : Xavier Gens, Magali Rossitto, Guillaume Lemans, Stéphane Cabel
Acteurs : Nassim Lyes, Olivier Gourmet, Loryn Nounay
Éditeur : StudioCanal
Durée : 1h39
Genre : Action
Date de sortie cinéma : 28 juin 2023
Date de sortie DVD/BR : 8 novembre 2023
Sam est un détenu exemplaire. À quelques mois de sa sortie de prison, il prépare assidument sa réinsertion sociale. Lors d’une permission, son passé le rattrape et il commet un meurtre qui ne lui laisse qu’un seul choix: la fuite. Cinq ans plus tard, il a refait sa vie en Thaïlande, où il a enfin fondé la famille dont il a toujours rêvé. Mais Narong, le parrain local, le fait plonger à nouveau dans la délinquance. Quand Sam veut tout arrêter, Narong massacre sa famille et le laisse pour mort. Sam va traverser la Thaïlande pour se venger de son bourreau…
Le film
[4/5]
Découvert en 2007 avec Frontière(s), grand festival gorasse made in France, Xavier Gens n’a pas chômé en l’espace de quinze ans et s’est même forgé une image de fier artisan de la série, mettant son indéniable sens de l’image au profit de divertissements populaires divers et variés, allant de la science-fiction (The Divide) au fantastique (Cold Skin) en passant par la comédie (Budapest) ou le film d’action (Hitman). Il s’est même récemment autorisé un détour par la série TV puisqu’il a réalisé, entre autres, trois épisodes de Gangs of London, la série musclée créée en 2020 par Gareth Edwards et Matt Flannery.
La rencontre avec Gareth Edwards semble avoir donné à Xavier Gens des envies de retourner au cinéma d’action. Le dernier acte de Farang, qui nous propose un véritable déluge de violence et d’action brutale, est d’ailleurs sans conteste un clin d’œil appuyé à The Raid, le chef d’œuvre ayant fait connaître Gareth Evans en 2012. Cette explosion de sauvagerie décomplexée arrive cela dit au terme d’une montée en puissance assez remarquable, le scénario jouant sur les codes traditionnels du film de vengeance en ayant pris le temps, auparavant, de nous présenter des personnages attachants ainsi que leur histoire personnelle.
Si le film se déroule principalement en Thaïlande, où les touristes blancs sont appelés « Farang », mot thaï signifiant « étranger », la première partie du film s’inscrit en revanche dans un certain réalisme social, avec une amorce de réflexion très intéressante sur l’impossible réinsertion des repris de justice en France. Farang fait le choix de l’ellipse concernant la « fuite en avant » de Samir, dit Sam (Nassim Lyes), à l’autre bout du monde. Pour autant, la violence sociale développée par le premier quart d’heure du film laisse des marques, sur le spectateur autant que sur le personnage principal.
Ancien champion de France Junior de kick-boxing, Nassim Lyes a le physique de l’emploi en tant que héros de film d’action, mais il s’agit également – et surtout – d’un acteur étonnant. Au fil des séquences nous présentant sa vie à Bang Chan, dans l’Est de la Thaïlande, Lyes parvient en effet à faire passer une émotion fébrile au spectateur, et ce en peu de mots. L’intensité de son regard triste et son jeu sont absolument remarquables, même dans le non verbal. C’est d’ailleurs son talent d’acteur, et le duo tendu qu’il forme à l’écran avec l’exceptionnel Olivier Gourmet, qui font la force de toute la première partie de Farang. La tension monte crescendo, avec les doutes et les interrogations du personnage principal, et quand la violence éclate, aveugle mais prévisible, le spectateur ne peut que se ranger du côté de Sam, et de sa quête de vengeance et/ou de rédemption.
Xavier Gens parvient de fait ici à trouver un équilibre assez impressionnant entre l’émotion et l’action pure, un peu à la manière de James Wan qui plaçait littéralement le spectateur dans la peau d’un père dévoré par la colère au cœur de son chef d’œuvre Death Sentence. Le rapport à « l’intime » et à la souffrance du personnage incarné par Nassim Lyes rend presque palpable la fébrilité de son désir de vengeance. Et surtout, elle permet également à la deuxième partie du film de prendre une coloration absolument jouissive, alors qu’on suivra Sam dans sa quête, traquant les responsables de la mort de sa femme et de l’enlèvement de sa fille et les tuant un par un, de la façon la plus brutale et la plus spectaculaire qui soit.
Bref, dans Farang, le sang coule, les os se brisent et les chairs sont tailladées, tout ça pour le plus grand plaisir de l’amateur d’action. Les scènes de combat sont très impressionnantes, et les cascades assez folles, d’autant qu’elles sont souvent mises en valeur par la réalisation extrêmement imaginative de Xavier Gens. La chorégraphie des combats est signée Jude Poyer (Gangs of London), et en partie mise en œuvre par les thaïlandais de The Action Guys. On notera par ailleurs que Nassim Lyes a réalisé lui-même toutes ses cascades. On espère que la réussite de Farang dans le domaine de l’action donnera des idées aux producteurs français : si le film n’a enregistré que 170.000 entrées en France, il devrait s’exporter à l’étranger beaucoup plus facilement que la grande majorité des films français actuels, qui bien souvent limitent leur exploitation à la Belgique et à la Suisse.
Le Blu-ray
[4/5]
Farang vient tout juste de sortir au format Blu-ray chez StudioCanal. Côté master Haute-Définition, c’est du tout bon : la sublime photo de Gilles Porte est rendue à la perfection par le transfert aux petits oignons mitonné par l’éditeur : le piqué est solide, le niveau de détail assez époustouflant, et les couleurs rendent hommage aux couleurs de la nuit de Bangkok tout autant qu’aux superbes compositions de plans imaginées par Xavier Gens. Du très beau travail ! Niveau son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui dépote sévèrement sur les scènes d’action. L’immersion est excellente, et la spatialisation joue la carte de l’efficacité, quitte à en rajouter dans les bruitages sordides. On notera également que StudioCanal n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, qui s’avérera probablement l’option la plus cohérente si vous visionnez Farang sur un « simple » téléviseur.
Du côté des suppléments, en plus de la traditionnelle bande-annonce, on trouvera tout d’abord un entretien avec Nassim Lyes (10 minutes), au cœur de laquelle l’acteur principal de Farang reviendra sur le film et sa fierté de tourner un film d’action made in France. Il évoquera également son entrainement pour le rôle, qui a nécessité une petite remise en forme, et le tournage de certaines scènes, telle que celle de l’ascenseur, faux plan-séquence composé de 57 plans qui a nécessité cinq jours de tournage, à l’issue desquels, lessivé, il avait perdu deux kilos. On terminera enfin par un entretien avec Xavier Gens (8 minutes), qui reviendra sur la genèse du film en nous expliquant qu’il avait d’abord abandonné son idée en découvrant le film Une prière avant l’aube. Finalement, sous l’impulsion d’un producteur qui lui proposait de faire « ce que Only God Forgives aurait dû être, soit un Drive en Thaïlande », il se remit au travail. On sera étonné d’apprendre que Nassim Lyes n’était pas son premier choix pour le rôle de Sam, et que ce dernier a en fait bénéficié du désistement d’un autre acteur, qui ne pouvait pas honorer sa promesse pour des questions d’emploi du temps. On serait vraiment curieux de savoir qui était cet acteur, mais Xavier Gens n’en dira rien.