Enragés
France, Canada : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Éric Hannezo
Scénario : Yannick Dahan, Éric Hannezo, Benjamin Rataud
Acteurs : Lambert Wilson, Guillaume Gouix, Virginie Ledoyen
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h30
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 30 septembre 2015
Date de sortie DVD/BR : 3 février 2016
Un braquage tourne mal… Les 4 criminels trouvent refuge dans un centre commercial où éclatent coups de feu et mouvements de panique. Cernés, ils abattent un homme et prennent en otage une femme. Acculés, ils arrêtent une voiture et prennent la fuite. À bord, un père et son enfant malade, qu’il doit emmener d’urgence à l’hôpital. Hors de contrôle, leur fuite va se transformer en traque sans merci. Désormais, il n’y a plus aucun retour possible pour ces chiens enragés…
Le film
[4/5]
Tel Saint Éloi, le cinéma de genre français n’est pas mort : il bande encore ! En 2015, alors que beaucoup le raillaient avec perfidie afin de mieux tenter de l’enterrer prématurément, deux distributeurs français, SND et Wild Bunch, ont eu les couilles de proposer une alternative au cinéma français « Césarisable » avec deux purs films orientés polar / action, Antigang et Enragés. Si le film de Benjamin Rocher a réuni presque 400.000 curieux dans les salles en plein cœur de l’été, le premier film d’Éric Hannezo Enragés, malgré ses immenses qualités plastiques et narratives, n’a pas eu cette chance, attirant malheureusement un peu moins de 50.000 personnes pour le découvrir sur grand écran. On imagine que le fait d’organiser la promo du film autour de Franck Gastambide, acteur catalogué « comédie », et de Virginie Ledoyen, réservée -si ce n’est mutique- sur les plateaux de TV, a probablement été une erreur. Cela dit, il sera difficile de blâmer les deux acteurs, dont la mission impossible était de vendre un polar très violent au milieu des vannes et des cotillons dans les ambiances bon enfant d’émissions telles que Touche pas à mon poste ou Le grand Journal.
Mais restons confiants : comme Antigang (lire notre article), Enragés finira par forger sa réputation grâce à la vidéo, et se construira sans doute en quelques années une solide carapace de film « culte ». Pour les spectateurs l’ayant loupé au cinéma, le premier long-métrage d’Éric Hannezo est en fait non pas un remake mais plutôt une « relecture » de Cani arrabbiati, film tardif de Mario Bava assez méconnu en France et toujours inédit en vidéo. Âpre, violent et très sombre, Enragés est co-écrit par Hannezo, Yannick Dahan et Benjamin Rataud, qui ont l’excellente idée de mélanger l’intrigue du film de Bava à celle d’une courte nouvelle signée Michael J. Carroll en 1971. Sans en dévoiler trop sur l’intrigue, disons simplement que le scénario est très malin et réservera à coup sûr quelques surprises de taille au spectateur.
Côté mise en scène, Hannezo a soigné son bébé et nous livre un film formellement sublime, auquel certains critiques ont reproché, pêle-mêle, son sadisme, son mauvais goût et sa tendance à l’hyperstylisation. Mais ce qui repousse les uns attire à coup sûr les autres, et autant dire que pour tout cinéphile déviant qui se respecte, ces trois « reproches » sonnent comme autant de promesses de passer un excellent moment, et à ce niveau là Enragés ne nous trompe absolument pas sur la marchandise. S’il n’est évidemment pas exempt de quelques défauts inhérents à tous les premiers films (quelques dialogues sonnent un peu faux, le personnage de Virginie Ledoyen ne sert à rien…), l’ensemble dégage un punch et une énergie qui font vraiment plaisir à voir et emmènent sans le moindre problème le spectateur avec lui dans cette mortelle cavale.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est donc à Wild Side que l’on doit la découverte d’Enragés en Blu-ray. Comme d’hab, l’éditeur a bien fait son boulot avec une image qui dépote à 100% : Définition, piqué, niveau de détail, tout est au taquet, on est vraiment en présence d’un très beau Blu-ray ; la profondeur de champ est bonne, les couleurs sont naturelles, et les noirs sont globalement bien gérés malgré les nombreuses scènes nocturnes. Côté son, le mixage est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, enveloppant et dynamique, et proposant de fait une immersion réussie au cœur de ce road movie prenant place dans un monde qui ne semble pas des plus hospitaliers pour les braqueurs de banques.
Malheureusement, tout n’est pas rose au pays des bisounours, car le Blu-ray a été encodé en 1080i, accélérant le défilement « cinéma » du film et réduisant sa durée d’1h33 à 1h29. Bien sûr, ce genre de pinaillage ne tracasse que quelques cinéphiles adeptes de la HD (soyons honnêtes, le commun des mortels s’en tamponne le coquillard), mais ces derniers n’ont pas fini de râler car on peut supposer que le 1080i risque de refaire son apparition en masse dans les mois qui viennent. En effet, si l’on en croit les études tombées ces dernières semaines, le marché du Blu-ray en France semble se réduire comme peau de chagrin, et on peut dés lors supposer que la logique économique la plus viable pour les éditeurs de l’hexagone sera bel et bien à l’avenir de travailler avec un seul master cadencé à 25 images / seconde et servant à la fois pour le DVD et le Blu-ray. Grand défenseur du Blu-ray depuis les débuts du support, Wild Side s’est toujours fait un point d’honneur à proposer au consommateur de belles galettes en 1080p. Mais depuis quelques mois, la logique économique semble frapper fort et les masters 1080i se succèdent avec régularité : Cold in July, La tête haute, Love, Sinister 2, Vampires en toute intimité, et maintenant Enragés. On note aussi une utilisation quasi-systématique du 1080i chez Free Dolphin Entertainment, France Télévisions Distribution, Showshank Films ou encore Arte Éditions (bien qu’il puisse s’agir dans certains cas tout bêtement d’une méconnaissance du support et de ses possibilités).
Côté bonus en revanche, l’éditeur nous propose une série de suppléments assez grandioses – on passera rapidement sur les traditionnelles bandes-annonces éditeur et même sur les quarante minutes d’interviews avec les acteurs (Lambert Wilson, Frank Gastambide, François Arnaud, Gabrielle Lazure, Guillaume Gouix et Laurent Lucas) pour se concentrer sur le gros morceau de ces suppléments : un making of monumental, d’une durée d’une heure trente (plus long que le film en 1080i donc), suivant Éric Hannezo jour après jour au cœur de la tourmente du premier film et des galères de dernière minute. Sans langue de bois, Hannezo partage ses doutes et ses angoisses liées à son manque d’expérience sur un plateau (qui plus est au Canada), mais témoigne d’une énergie fracassante et d’un véritable « œil » de metteur en scène.