Test Blu-ray : Embrasse-moi vampire

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Embrasse-moi vampire

États-Unis : 1988
Titre original : Vampire’s kiss
Réalisateur : Robert Bierman
Scénario : Joseph Minion
Acteurs : Nicolas Cage, Maria Conchita Alonso, Jennifer Beals
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 1h43
Genre : Horreur, Comédie
Date de sortie cinéma : 17 janvier 1990
Date de sortie DVD/BR : 16 septembre 2021

Agent littéraire à New York, Peter Loew collectionne les conquêtes féminines. Des relations brèves, sans aucun lendemain, qui lui laissent un tel sentiment de vide intérieur qu’il consulte une psy à l’issue de chacune de ses liaisons. Tout bascule pour lui lorsqu’il rencontre, lors d’une soirée dans une boîte de nuit, une mystérieuse inconnue. Une vampire ? C’est ce qu’il croit, convaincu d’avoir été mordu au moment de leurs ébats. Peu à peu, victime de crises psychotiques de plus en plus fortes, Peter Loew s’enfonce dans la folie, persuadé qu’il est devenu un disciple de Dracula…

Le film

[3,5/5]

Malgré les apparences, Embrasse-moi vampire n’est pas à proprement parler un film fantastique. Bien entendu, l’intrigue du film imaginée par Joseph Minion recycle bien des éléments du mythe du vampire, et utilise une poignée de codes formels typiques du cinéma d’épouvante. Pour autant, si l’on excepte les « visions » du personnage principal, qui sont parfois explicitées au spectateur par le biais de l’image, la lente déchéance de Nicolas Cage au cœur du film s’efforce pour l’essentiel de laisser le surnaturel en dehors de l’équation. Embrasse-moi vampire s’impose au final d’avantage comme le récit d’une descente aux enfers psychologique, avec en son centre un yuppie New-yorkais perdant complètement pied : sa solitude et son incapacité à se lier réellement à une autre personne finissent par avoir raison de lui, et à le faire basculer dans la folie.

Peter Loew, l’agent littéraire dérangé incarné par Nicolas Cage dans Embrasse-moi vampire, est donc convaincu d’avoir été « transformé » en vampire par l’une de ses conquêtes d’un soir, et cette prise de conscience se fera d’une façon relativement progressive. Le film suit le train-train de Peter, rythmé par ses visites chez son analyste, son travail et la vie dans son appartement New-yorkais. Ces trois parties de son existence s’avèrent extrêmement « cloisonnées » les unes par rapport aux autres : le récit de ses angoisses à la psy d’un côté, la pression au travail (et le harcèlement qu’il fait subir à sa secrétaire) de l’autre, et enfin, son « temps libre », qui ne lui apporte finalement pas d’avantage de satisfaction personnelle.

Le basculement du personnage dans l’irrationalité viendra justement du fait que les différentes parties de son existence commenceront à se « contaminer » les unes les autres. En observant les passants de la fenêtre de sa psy, Peter fera entrer le monde extérieur au sein du cabinet : le rôle de cocon protecteur de l’appartement de son analyste ne joue plus son rôle. Suite à cet événement déclencheur, tout se déréglera complètement : il commencera à parler boulot chez la psy, le travail sortira des limites de son bureau par l’intermédiaire de sa secrétaire (Maria Conchita Alonso), et finalement, les angoisses liées à sa solitude se fraieront doucement un chemin vers son univers professionnel. Ajoutez à cela le poids de l’aliénation sociale New-yorkaise, et le personnage incarné par Nicolas Cage dans Embrasse-moi vampire deviendra une véritable cocotte-minute, prête à exploser et à péter un câble à tout moment.

Et si la réalité du personnage vole en éclats, elle n’en conserve pas moins une espèce de cohérence, dans le sens où si Peter se convainc lui-même d’être devenu un vampire, c’est peut-être parce qu’à sa manière, il était déjà une créature de la nuit, terré dans son bureau sans voir la lumière du soleil le jour, et partant chaque nuit écumer les bars à la recherche d’une nouvelle « victime » pour la nuit. Une existence de vampire qu’il poussera jusqu’à son paroxysme…

Cependant, le discours social assez sévère vis-à-vis de l’Amérique Reaganienne développé par le scénario de Joseph Minion n’empêchera pas le recours à un certain humour – un humour très noir, qui sera principalement amené au spectateur par la prestation hallucinée de Nicolas Cage, qui parvient à donner à Embrasse-moi vampire une coloration saugrenue mais absolument unique. Roulant des yeux, hurlant son texte, gesticulant, courant, sautant, l’acteur prend son rôle à bras le corps, et livre au spectateur une interprétation complètement folle, excessive, surjouée, mais habitée par l’énergie du désespoir.

L’implication physique de Nicolas Cage au cœur du film est d’ailleurs telle qu’affirmer qu’Embrasse-moi vampire est porté par son interprétation tiendrait presque de l’euphémisme : Cage n’incarne plus seulement le personnage de Peter Loew, mais il incarne tout simplement le film dans sa totalité. Grâce à lui, le film de Robert Bierman dépasse son statut de réflexion désabusée et cynique sur l’aliénation de la société contemporaine. Il dépasse également l’influence évidente du Martin de George A. Romero, auquel un petit hommage est rendu par le biais du garage dans lequel bosse le frère du personnage de Maria Conchita Alonso. C’est au contraire le jeu extrême de Nicolas Cage, qui semble ici bien incapable de la plus petite once de modération, qui donne à Embrasse-moi vampire sa tonalité tellement unique qu’elle permit au film de traverser les années et de s’imposer, plus de trente ans après sa sortie, comme un OVNI filmique toujours aussi singulier et inclassable.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est donc grâce au talent des équipes de BQHL Éditions que l’on a récemment pu redécouvrir Embrasse-moi vampire sur support Haute Définition, et à l’occasion de la sortie de ce film culte pour les amateurs du jeu de Nicolas Cage, l’éditeur a vraiment soigné sa copie, avec une galette qui devraient satisfaire les amoureux du film autant que les maniaques de la technique. La définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, certains plans accusent des effets du temps, mais le master est dans l’ensemble d’une stabilité tout à fait étonnante. Côté son, VF et VO sont toutes deux proposées dans des mixages LPCM Audio 2.0 tout à fait satisfaisants. On notera que le doublage de Nicolas Cage est ici assuré par Nicolas Marié, inoubliable interprète de l’archiviste aveugle dans Adieu les cons d’Albert Dupontel.

Côté suppléments, BQHL Éditions nous propose une présentation du film par Vincent Nicolet (33 minutes). Ce dernier remettra bien entendu le film dans son contexte de tournage, tout en s’efforçant de le replacer dans la carrière de son interprète principal Nicolas Cage. Il reviendra également sur les thématiques principales du film, ainsi que sur sa nature de film largement « incompris », dont il nous proposera une lecture analytique intéressante. En plus de ce sujet vidéo, on trouvera également un intéressant livret inédit de 20 pages consacré au film et comme toujours signé Marc Toullec. L’ex rédac’ chef de Mad Movies reviendra de façon chronologique et précise sur la genèse et le tournage du film, en agrémentant son propos de nombreux extraits d’entretiens d’archives.

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