Test Blu-ray : Emanuelle et les derniers cannibales

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Emanuelle et les derniers cannibales

Italie : 1977
Titre original : Emanuelle e gli ultimi cannibali
Réalisateur : Joe D’Amato
Scénario : Romano Scandariato, Joe D’Amato
Acteurs : Laura Gemser, Gabriele Tinti, Nieves Navarro
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h33
Genre : Erotique, Horreur
Date de sortie cinéma : 6 septembre 1978
Date de sortie DVD/BR : 7 juillet 2020

A New York, Emanuelle mène une enquête dans un hôpital psychiatrique quand elle voit une patiente dévorer le sein d’une autre. La dévoreuse possède une marque sur le ventre, un signe d’appartenance à une tribu de cannibales. Sentant le sujet d’un reportage sensationnel, Emanuelle s’entoure d’une équipe pour aller mener une expédition au cœur de la forêt amazonienne…

Le film

[3,5/5]

Dans les années 70 en France, il n’y a pas que La Septième Compagnie et Le Gendarme de Saint-Tropez à avoir donné naissance à de véritables « sagas » cinématographiques. Avec presque neuf millions d’entrées en France en 1974, Emmanuelle a en effet non seulement rencontré un immense succès public (et développé un véritable engouement populaire pendant de nombreuses années), mais a également généré plusieurs succédanés à travers le monde, et en particulier en Italie, où les grands esprits de l’époque ont choisi de lancer « Black Emanuelle », le plus souvent incarnée par l’indonésienne Laura Gemser. Pour de simples questions de droits, le prénom Emmanuelle ne comportait plus qu’un seul « M », mais au regard de certaines affiches d’époque, on se rend bien compte que la question de l’orthographe était finalement assez anecdotique, les affiches utilisant parfois bien Emmanuelle avec ses deux « M ».

Dans les années qui ont suivi la sortie d’Emmanuelle en France, on a donc vu fleurir dans les salles une large poignée de petites sœurs et autres cousines de Sylvia Kristel. Black Emanuelle, Black Emanuelle 2, Black Emanuelle en Amérique, Emmanuelle et Françoise, Black Emanuelle en Orient, Teenage Emanuelle, Black Emanuelle autour du monde, Emmanuelle et les filles de Madame Claude, Emanuelle et les collégiennes, Secrets érotiques d’Emmanuelle, Divine Emanuelle, Emanuelle à Tahiti, Emanuelle et Lolita, Yellow Emanuelle, Tendre et perverse Emanuelle, Karaté mortel pour Emanuelle, Emanuelle font du ski… Et puis il y a celui qui nous intéresse aujourd’hui, Emanuelle et les derniers cannibales, également connu sous le nom de Viol sous les tropiques, mais aussi sous les titres Emanuelle chez les cannibales, Emanuelle prisonnière des cannibales ou encore Emanuelle déesse de la jungle.

Mais en plus de s’inscrire dans la tradition érotique des différents dérivés d’Emmanuelle, genre au cœur duquel Joe D’Amato avait déjà largement fait ses armes, Emanuelle et les derniers cannibales fait également – et comme son titre l’indique – le choix d’intégrer un autre genre assez fourni du cinéma d’exploitation italien des années 70 : le film de cannibales, lui-même dérivé du genre mondo, initié par Umberto Lenzi en 1972 avec Cannibalis : au pays de l’exorcisme, et remis sur le devant de la scène par Ruggero Deodato en 1977 avec Le dernier monde cannibale, qui s’avérera un immense succès et incitera Joe D’Amato et son équipe au mélange des genres.

Quoique le terme « mélange » paraisse un peu impropre ici, dans le sens où l’intrigue est clairement divisée en deux parties, donnant d’avantage au spectateur l’impression d’avoir droit à deux films pour le prix d’un seul plutôt qu’à un mélange à proprement parler. Ainsi, Emanuelle et les derniers cannibales commence à la manière d’un film érotique traditionnel, avec quelques scènes de dialogues entrecoupant et introduisant – mal et très artificiellement – une poignée de séquences érotiques. La première partie sert donc en gros à introduire le prétexte général ainsi que le voyage en Amazonie : de visite dans un asile, Emanuelle (Laura Gemser), journaliste de son état, va s’entretenir avec une internée ayant voulu bouffer le nichon d’une infirmière. Alors bien sûr, ses méthodes ne sont pas celles d’Elise Lucet ni de l’équipe de Cash Investigation, Emanuelle est en effet une journaliste aux méthodes peu orthodoxes, mais qui fonctionnent. Ainsi donc, pour la faire parler, elle a la brillante idée de la masturber. Ah ah ! Voilà une façon de faire passer quelqu’un aux aveux bien différente de celles employées par Jean-Jacques Bourdin.

« Baissez votre froc, Castaner ! On va passer aux choses sérieuses ! »

Bref, la méthode porte ses fruits, et permet à Emanuelle de découvrir sur la folle rassasiée un étrange symbole, qui se trouve être celui d’une tribu cannibale d’Amazonie que l’on pensait éteinte depuis plusieurs années. Afin d’obtenir d’avantage d’informations sur ce symbole, elle s’en va voir un anthropologue (Gabriele Tinti, mari de Laura Gemser à la ville), qui la baise bien sûr, mais qui en contrepartie concède à l’accompagner en Amazonie pour se faire sucer en apprendre plus sur cette histoire rocambolesque. Comme Emanuelle est une fille correque, avant de partir, elle va quand même dire au revoir à son fiancé. Il la baise. Et c’est là qu’arrive le plombier… Nan, on déconne pour le plombier.

C’était un électricien.

Vu que les adieux sont consommés, nous voilà donc arrivés en Amazonie, et mine de rien, c’est là qu’Emanuelle et les derniers cannibales commence vraiment, du moins pour Joe D’Amato, qui soigne un peu plus ses transitions entre les scènes de gaudriole, et introduit une poignée de personnages et développe d’avantage de liens entre chacun des protagonistes. Nos héros seront donc secondés par la jeune Isabelle, 16 ans (Mónica Zanchi), par une bonne sœur, sœur Angela (Annamaria Clementi), et par un mystérieux couple de chasseurs, volontiers racistes, les Balkany McKenzie. Comme au temps des colonies de Michel Sardou, ils sont servis par Salvadore, leur homme à tout faire, noir. Vu que le mari est impuissant, il joue au voyeur pendant que Salvadore baise sa femme, et à l’occasion va également lui-même violer des femmes endormies. Vous l’aurez compris, les McKenzie sont les déviants de l’histoire : ils ont des relations étranges et perverses. A contrario, Emanuelle et son anthropologue sont l’image même d’une sexualité épanouie et consentante. Idem pour Isabelle qui se tapera Emanuelle dans son bain, alors qu’un singe les mate tranquilou en se fumant une petite clope. Et vu que je vous vois venir, NON la bonne sœur n’a pas de porte-jarretelles sous sa robe, c’est une nonne et les italiens ne rigolent pas avec ça. Elle gardera d’ailleurs son chasuble pendant une longue partie du film, même au milieu de la jungle.

Dans la deuxième moitié du film, les cannibales entrent en scène et Laura Gemser, omniprésente durant la première partie, se fera un peu plus discrète jusqu’au final. Il faut dire également que ce virage dans le récit permet à Joe D’Amato de se lâcher d’avantage, tournant nettement Emanuelle et les derniers cannibales vers le gore et les humiliations en tous genres, absolument typiques des films de cannibales de l’époque : sein découpé, éventration à partir du vagin, castration, éviscération… Beurk. C’est dégueulasse, les techniciens n’ont pas lésiné sur la barbaque, et on en a définitivement pour son argent. Un grand spectacle qui amuse visiblement beaucoup Joe D’Amato, qui semble bien déterminé à tourner un fumetti hardcore en live, et qui se terminera par un show Laura Gemser absolument taré et indispensable.

En bon héritier du mondo et du Dernier monde cannibale, le film s’échine d’ailleurs à faire croire au spectateur que ce tissu de fantasmes et de délires visuels sanguinolents est tiré d’une histoire vraie, et se terminera sur un monologue complètement WTF à visée humanitaire. En l’état, et malgré ses défauts, Emanuelle et les derniers cannibales reste tout de même encore aujourd’hui une référence incontournable pour les amateurs de Bis, d’autant qu’il vient de débarquer chez Artus Films dans une édition de référence.

Le Combo Blu-ray + DVD + Livre

[5/5]

Après une première édition DVD « collector » sortie en France en 2005, Emanuelle et les derniers cannibales s’offre enfin une édition digne de ce nom chez Artus Films. L’émotion est vive pour les amoureux de cinéma bis, d’autant que ce Combo Blu-ray + DVD + Livre permettra aux cinéphiles français de se débarrasser définitivement de leur vieille galette estampillée Neo Publishing ou de s’en servir comme épouvantails à moineaux. Le film de Joe D’Amato débarque donc ce mois-ci sous la forme d’un très beau coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre édité par Artus Films, le tout s’imposant dans un superbe Mediabook garni d’un livret de 64 pages intitulé « Emanuelle au pays du sexe… et du sang », et proposant un texte signé David Didelot, le tout étant naturellement accompagné de très nombreuses photos et documents d’archives. Le critique et créateur de « Vidéotopsie » abordera la genèse du film, en revenant largement sur le casting et la carrière de Joe D’Amato. C’est très complet, un beau boulot d’archivage et de contextualisation.

Côté Blu-ray, on sent bien qu’Artus Films tenait à livrer au consommateur non seulement un très bel objet de collection, mais également une édition magnifique s’imposant comme une véritable référence en termes de son et d’image. Bien sûr, le transfert d’Emanuelle et les derniers cannibales reste perfectible (taches et autres griffes demeurent), mais dans l’ensemble, on peut s’avérer assez satisfait du rendu Haute-Définition que nous propose l’éditeur. Le master Haute Définition est tiré d’une remasterisation 2K et affiche le plus souvent une forme excellente. La définition et le niveau de détails sont satisfaisants, et la granulation d’origine de la pellicule a été préservée ; on redécouvre littéralement le film ainsi que sa jolie photo signée Joe D’Amato lui-même. Le rendu des contrastes et la gestion des noirs ont également bénéficié d’un soin tout particulier, et l’image est dans l’ensemble plutôt propre et stable. Côté son, nous aurons droit à des pistes LPCM Audio 2.0 en VO et VF, qui ne présentent pas le moindre problème : le souffle est quasi-absent, et le tout est parfaitement équilibré, respectant parfaitement la dynamique acoustique d’origine. On notera bien sûr que la version française est présentée dans son doublage d’origine qui s’avère, il faut bien l’avouer, assez suranné et réjouissant, ajoutant peut-être même un petit charme supplémentaire à l’ensemble pour les nostalgiques ayant découvert le film durant leur adolescence.

Du côté des suppléments, Artus Films continue sur son excellente lancée, en ajoutant à l’ensemble une présentation du réalisateur Joe D’Amato par David Didelot (21 minutes), qui abordera non pas toute l’œuvre du cinéaste (197 films répertoriés sur IMDb) mais une partie des genres et des thématiques qui traversent son œuvre. Un tour d’horizon aussi passionnant que passionné en somme, qui donnera probablement des idées d’édition à Artus Films. On notera par ailleurs que, farouchement opposé à la distribution des films en SVOD, David Didelot termine son intervention par un tacle dans les règles à Netflix, arguant que l’on n’est pas près de découvrir Emanuelle et les derniers cannibales sur la plateforme. Coïncidence amusante : le Emmanuelle de Just Jaeckin, modèle et inspirateur partiel du film de Joe D’Amato, vient quant à lui tout juste de débarquer sur Netflix. On terminera le tour de l’interactivité de ce superbe Mediabook avec une galerie de photos et la traditionnelle bande-annonce.

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