El perdido
États-Unis : 1961
Titre original : The last sunset
Réalisation : Robert Aldrich
Scénario : Dalton Tumbo
Acteurs : Kirk Douglas, Rock Hudson, Dorothy Malone
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h48
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 9 février 1962
Date de sortie DVD/BR : 17 février 2020
Alors qu’elle engage son gigantesque troupeau vers le Texas, la famille Breckenridge reçoit la visite de Brendan O’Malley, un aventurier que le shérif Stribling poursuit pour le meurtre de son beau-frère. Si les deux hommes pactisent le temps de convoyer les bêtes, les embûches se multiplient sur le parcours, naturelles comme une tempête de sable, guerrières comme l’attaque d’indiens rebelles. La tension monte encore lorsque O’Malley séduit la jeune Missy Breckenridge dont il ignore encore être le père. Et, peu à peu, l’inexorable tragédie approche : un duel entre l’aventurier et le shérif qui, pourtant s’estiment…
Le film
[3,5/5]
Robert Aldrich à la réalisation, Dalton Trumbo au scénario, Kirk Douglas et Rock Hudson en têtes d’affiche… Sur le papier, El perdido vendait du rêve. Et tous les amateurs de westerns l’affirmeront en cœur : le film ne sera pas à la hauteur de nos folles espérances, peut-être en partie à cause d’un tournage houleux, devenu la scène de la confrontation entre deux personnalités fortes. Les violents conflits entre Kirk Douglas et Robert Aldrich ayant émaillé le tournage sont en effet entrés dans la légende, au point d’en devenir au fil des années peut-être même plus connus que le film lui-même.
S’il est bien une chose frappante à la découverte du film aujourd’hui, c’est que El perdido est un western dont la structure et la narration semblent entièrement « dominées » par la présence de Kirk Douglas, qui s’impose comme le véritable centre névralgique du film, avec un personnage complexe au passé mystérieux qui fera passer tous les autres acteurs pour des seconds-rôles, voire même de vulgaires faire-valoir. Si l’on pourra reconnaître par moments des éclairs de génie typiques du cinéma d’Aldrich, le film vaudra surtout le coup d’œil pour son ouverture, passionnante, ainsi que pour son formidable final, très marquant et réussi du point de vue émotionnel, même si comme souvent chez le cinéaste il s’avère tellement plein d’emphase qu’on est réellement sur la corde raide entre le sublime et le grotesque.
Mais paradoxalement, c’est aussi grâce à ce personnage haut en couleurs – et ce final tellement fort en pathos que d’aucuns pourront le trouver excessif – que El perdido s’offre au final un cachet si original et unique. Bien sûr, on pourra arguer que le film d’Aldrich est très éloigné de la tradition américaine du western, mais c’est un signe des temps : en 1961 aux États-Unis, le genre est en fâcheuse posture, et sujet à toutes les expérimentations – une espèce de « Chant du cygne » d’une durée de quelques années, dont le film de Robert Aldrich est parfaitement représentatif, et qui mènera à la naissance du western spaghetti en 1964 avec Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. El perdido est donc à sa manière un film-charnière, important compte-tenu de sa place à part dans l’histoire du western américain – et dans le cœur des spectateurs.
Le Blu-ray
[4/5]
El perdido débarque donc ce mois-ci en Blu-ray dans la collection « Westerns de légende » de Sidonis Calysta, soit douze ans après avoir une première fois intégré les rangs de la prestigieuse collection, mais au format DVD uniquement. Si l’upgrade par rapport à la précédente édition est indéniable, on admettra cela dit que le master Haute-Définition du film de Robert Aldrich doit probablement avoir quelques années : il affiche en effet une image manquant de finesse et accusant assez ouvertement des outrages du temps. La colorimétrie et les contrastes ne manquent certes pas de punch, mais on dénote un manque certain de piqué (textures, cheveux), et l’image porte sur elle les stigmates d’un ravalement de façade opéré à grands coups de réducteur de bruit numérique ou DNR (ce qui est assez typique des masters des films de catalogue sortis chez Universal avant 2010). Les cinéphiles amoureux de El perdido se contenteront cela dit du bond qualitatif par rapport au DVD de 2007, mais le résultat est encore perfectible. Côté son, l’éditeur nous a dégoté les deux pistes audio d’usage (VF / VO) mixées en DTS-HD Master Audio 2.0. Toutes deux sont propres, sans souffle, et proposent une immersion très satisfaisante au cœur du film.
Côté suppléments, l’éditeur recycle la riche interactivité de son édition de 2007, avec pour commencer un documentaire sur le film intitulé « Le crépuscule des héros » (25 minutes) : un sujet très complet qui reviendra sur la genèse du film et en proposera une analyse assez riche, par le biais d’intervenants ayant chacun leur domaine de prédilection. On y retrouvera donc des propos de plusieurs journalistes et/ou historiens du cinéma, tels que Jean-Claude Missiaen, Eddy Moine, Patrick Brion ou Suzanne Liandrat-Guigues. On continuera ensuite avec une présentation du film par Bertrand Tavernier (22 minutes), durant laquelle il reviendra sur le film de Robert Aldrich – cinéaste qu’il admire beaucoup – sans non-plus oublier d’évoquer ses défauts, pour l’essentiel liés à une production chaotique. On terminera ensuite avec une présentation du film par Patrick Brion (10 minutes), enregistrée spécialement pour cette édition, et qui nous permettra de nous rendre compte à quel point Patrick Brion est cohérent : il y répétera exactement les mêmes propos que ceux qu’il tenait dans le documentaire de 2007, poussant même le vice jusqu’à faire les mêmes digressions sur le film de Brando La vengeance aux deux visages. Il évoquera donc l’originalité du film, en tissant des liens avec son époque de production, soit l’année 1961.