Devil Story
France : 1986
Titre original : Il était une fois le diable
Réalisateur : Bernard Launois
Scénario : Bernard Launois
Acteurs : Véronique Renaud, Pascal Simon, Catherine Day
Éditeur : Pulse Vidéo
Durée : 1h16
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 26 novembre 1986
Date de sortie DVD/BR : 1 février 2022
Alors qu’ils traversent la Normandie à bord d’une berline immatriculée en Floride, une jeune couple tombe en panne. C’est pour eux le début d’un terrible calvaire. Ils croiseront le chemin d’un chat noir, d’un cheval possédé, d’une momie, d’une morte vivante, d’un bateau fantôme, d’autochtones mystérieux, d’un serial killer nazi au visage déformé, pour finir par découvrir une terrible malédiction. A moins que tout ceci ne soit qu’un cauchemar… ou que le cauchemar ne soit réel !
Le film
[4,5/5]
La sortie – relativement récente – du film de Les Nuls La Cité de la peur au format Blu-ray a permis, à ceux qui en connaissent les dialogues par cœur comme aux plus jeunes, de (re)découvrir en Haute-Définition une des meilleures comédies françaises des années 90. Au début de ce film, le spectateur était amené à voir l’extrait d’un « film dans le film », un slasher intitulé Red is Dead mettant en scène un tueur à la faucille et au marteau. On ne compte plus les cinéphiles ayant rêvé de voir les Nuls s’atteler à une « version longue » de Red is Dead, afin de prolonger un peu le plaisir pris devant ces quelques minutes de métrage. Cependant, si la troupe d’humoristes ne s’est jamais réunie afin de concrétiser ce projet fou, c’est probablement parce que la version longue de Red is Dead existe déjà : elle s’appelle Il était une fois le Diable, aka Devil Story, et elle a été réalisée en 1986 par Bernard Launois.
Gros hit de vidéo-clubs dans la deuxième moitié des années 80, Devil Story avait à la base été pensé comme un film d’horreur censé rivaliser avec le cinéma américain en termes de production. C’est d’ailleurs pour cette raison que le film nous propose dans ses premières minutes de découvrir une espèce de monstre mutant en uniforme SS tuant quelques campeurs, puis un jeune couple conduisant une grosse voiture immatriculée en Floride, sillonnant des paysages qui évoquent cependant clairement la campagne française (le film a été tourné en Normandie). Après une crevaison, la femme est sujette à une série d’hallucinations provoquées par la présence d’un chat noir aux pouvoirs mystérieux, ce qui incitera finalement le couple à passer la nuit dans un vieux château lugubre (le Palais Bénédictine, gloire de la ville de Fécamp).
Là-bas, un couple de villageois les mettront au fait des légendes locales, tournant autour d’un bateau maudit qui se serait écrasé sur les falaises voisines et que l’on n’aurait jamais retrouvé. Mais ce n’est pas tout : en plus du bateau fantôme prisonnier de la roche, on en apprendra davantage sur une gitane vivant non loin de là avec son gamin difforme, ainsi que sur un cheval mystique possédé par le diable. Vous pensiez que ça faisait déjà beaucoup pour une seule et même intrigue ? Bernard Launois et Devil Story vont encore plus loin, puisqu’ils rajouteront à cette intrigue délirante une momie, qui ressuscitera la fille de la gitane, qui se trouvera être le portrait craché de l’héroïne, mais en brune…
Souvent considéré comme un « nanar » absolu, Devil Story est, certes, un film très maladroitement monté et mis en scène. Les faux raccords sont tellement nombreux que l’on a régulièrement l’impression qu’aucun plan du film ne fonctionne avec le suivant : même au niveau de la photo, on a souvent l’impression, au cœur d’une même séquence, de passer du jour à la nuit et inversement. Les stockshots sur le bateau sont assez grotesquement intégrés au reste du métrage, les maquettes utilisées pour la séquence dudit bateau sortant de la roche sont pour le moins sommaires, les séquences – ultra-répétitives – du chasseur tirant sur le cheval sans que ceux-ci ne soient jamais réunis dans le même plan s’avèrent involontairement hilarantes… On pourrait continuer longtemps à lister les défauts formels qui nuisent à la notion de « continuité » au cœur du film de Bernard Launois.
Pour autant, et d’une façon assez paradoxale au regard de ses nombreux défauts, on ne serait pas loin de considérer Devil Story comme un chef d’œuvre. Un des films d’horreur les plus étranges et les plus uniques jamais réalisés en France, et un putain de poème cinématographique : déconstruit, indescriptible, déconcertant, grotesque, enfiévré, fascinant, souvent très drôle… La sincérité de Bernard Launois le rapproche d’un cinéaste tel que Ed Wood, et la bizarrerie / l’incohérence de la narration font que son film finit par prendre les atours d’un rêve éveillé, évoluant selon une logique onirique, partant dans tous les sens, enchainant les séquences de façon absurde et illogique, presque loufoque. Et finalement, le moins que l’on puisse dire, c’est que si l’on découvre le film dans le bon état d’esprit, en considérant que les défauts de Devil Story constituent son ADN en tant qu’œuvre d’Art, on ne pourra que reconnaître le côté aussi insaisissable qu’hypnotique de l’ensemble.
L’inexpérience de l’actrice principale Véronique Renaud et son talent indéniable à pousser des cris perçants contribuent également à donner à Devil Story une identité sonore absolument barrée et bizarroïde, le film étant rythmé par les cris de l’actrice, les grognements du monstre, les hennissements incessants d’un cheval fantôme infatigable et les miaulements occasionnels d’un chat. La conception de l’environnement sonore du film pourra ainsi être vue par certains comme une maladresse supplémentaire à mettre au crédit du film, mais elle apporte paradoxalement encore un petit surplus de démence à Devil Story, accentuant le côté surréaliste et finalement assez génial de l’entreprise.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Après une édition DVD sous les couleurs de Nanarland, Devil Story réapparait donc enfin en France, et en Haute-Définition s’il vous plait, grâce aux efforts conjoints de Pulse Vidéo et des américains de chez Vinegar Syndrome : le Blu-ray édité par Pulse est donc en tous points similaire à l’édition américaine, jusque dans ses menus, intégralement en anglais. La seule différence se situe dans le packaging : l’édition française bénéficie en effet d’une jaquette réversible intégralement en français, et nantie d’un texte assez amusant. On notera d’ailleurs que la jaquette porte la mention « Par le réalisateur de Touche pas à mon biniou », prolongeant d’une façon assez réjouissante l’absurde expérience de cinéma que nous propose le film.
Côté master, l’image est issue d’un scan 4K du négatif original 35mm, et le résultat est assez bluffant, et même tout simplement excellent, ne trouvant finalement ses limites quand dans la mise en forme relativement modeste du film. Le niveau de détail est très bon, les couleurs éclatantes, les textures sont admirablement rendues, le piqué est précis, et le grain cinéma – bien épais – a été scrupuleusement respecté. Quelques petites rayures et autres taches sont passées entre les mailles du filet, mais elles contribuent également à l’indicible charme du film. Même constat d’excellence du côté des pistes son : le film est proposé en VF ainsi qu’en version anglaise, les deux pistes étant mixées en DTS-HD Master Audio 1.0. Le design sonore très particulier du film y est bien mis en avant, et les quelques dialogues du film sont clairs et équilibrés de manière très satisfaisante.
Dans la section suppléments, Pulse Vidéo fait très fort : on retrouvera tout d’abord dans cette édition les suppléments de l’édition Nanarland de 2014. Le premier bonus – de choix – est donc un making of rétrospectif intitulé Il était une fois… Devil Story (34 minutes) qui reviendra, sans langue de bois, sur la genèse du film. Cela sera l’occasion d’écouter les propos de l’actrice principale, Véronique Renaud, ainsi que du réalisateur Bernard Launois. Véronique Renaud ne cachera pas sa déception à la découverte du film, et son secret espoir que celui-ci disparaisse définitivement. Bernard Launois quant à lui défendra son travail en rappelant le peu de budget dont il disposait et la bande de bras cassés qui constituaient son équipe de tournage. Il évoquera également la nécessité de créer des scènes de « remplissage » afin que le film atteigne une durée viable d’un point de vue commercial. On retournera également sur les lieux de tournage avec le cinéaste et l’actrice principale. Plusieurs admirateurs du film, journalistes ou metteurs en scène, évoqueront également leur passion pour le film : on aura donc le plaisir d’écouter s’exprimer Rurik Sallé, Cyril Despontin, Jean-François Rauger, Christophe Lemaire et même Frank Henenlotter, formidable réalisateur de la saga Basket Case ainsi que du chef d’œuvre Frankenhooker. On continuera ensuite avec un reportage de FR3 Normandie (3 minutes) réalisé lors du tournage du film et issu des archives de l’INA. Bernard Launois y reviendra notamment sur son ambition de rivaliser avec le cinéma américain en matière d’horreur, et on pourra assister à quelques moments volés sur le tournage. Toujours tiré de l’édition précédente, on trouvera également un commentaire de certaines scènes du film par Bernard Launois lui-même (25 minutes).
Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce, qui s’accompagnera d’un entretien avec Bernard Launois (28 minutes). Plus récent que les bonus précédents, ce sujet permettra au cinéaste de revenir sur son parcours au cinéma ainsi que sur ses films précédents, de Sacrés gendarmes (on y apprendra que cinq scènes du Gendarme et les gendarmettes ont été « volées » au film de Launois) à Touche pas à mon biniou, en passant par sa première expérience en tant que réalisateur sur Lâchez les Chiennes. Il terminera bien sûr en abordant le tournage de Devil Story, pièce maitresse de sa carrière ! Pour vous procurer cette édition indispensable, rendez-vous sur le site de l’éditeur Pulse Vidéo ! Profitez-en, le film est actuellement en promotion !