Crazy Family
Japon : 1984
Titre original : Gyakufunsha kazoku
Réalisation : Sogo Ishii
Scénario : Sogo Ishii, Norio Kaminami, Yoshinori Kobayashi
Acteurs : Katsuya Kobayashi, Mitsuko Baisho, Yoshiki Arizono
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h47
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 19 mars 1986
Date de sortie DVD/BR : 21 janvier 2025
Habiter une maison en banlieue, c’est enfin le rêve accompli pour la famille Kobayashi. Chacun à sa place : le père au travail, la femme au foyer, les enfants aux études. Mais l’arrivée du grand père constitue le petit grain de sable dans la machine…
Le film
[4/5]
D’un point de vue cinématographique, la « folie » semble être un concept vendeur, surtout dans le domaine de la comédie. Crazy Amy, Crazy Day, Crazy Bear, Crazy Dad, Crazy Party, Crazy Kung Fu, Crazy Rich Asians, Le Palace en folie, Les Fiancées en folie, Les Bidasses en folie, Le Golf en folie, L’Ordinateur en folie, Le Collège en folie, Le Bus en folie, L’Explorateur en folie, Les Fous du Stade, Les Fous de la pub, Les fous du volant, Un été fou fou fou, Un monde fou fou fou, Un Hôtel fou fou fou, T’es fou Jerry, Fous d’Irène, Une journée de fous, on en passe et plein d’autres, il y aurait de quoi remplir une douzaine d’asiles de tarés maboules avec tous ces fous de cinéma. Ce mois-ci, Carlotta Films nous propose de (re)découvrir une famille proclamée folle avec Crazy Family, également connu sous le titre Gyakufunsha kazoku, ce qui pourra vous donner un petit indice quant à son pays d’origine.
Crazy Family est un film japonais de Sogo Ishii, initialement sorti sur les écrans français en 1986, soit deux ans après son exploitation au Pays du Soleil levant. On y découvre la famille Kobayashi, qui emménage dans une nouvelle maison. Pour autant que l’on sache, il s’agit d’une gentille famille normale, pas plus folle que la plupart des familles françaises ; c’est à dire un peu quand même, mais folle comme tout le monde, sous la pression de la société de consommation. Les parents travaillent dur, et sont encore très amoureux l’un de l’autre. Le fils est concentré sur ses études, la fille est convaincue qu’elle va devenir la prochaine Pop-Idol japonaise, et le grand-père, qui s’est installé dans la maison sans y avoir été invité, et garde un œil sur tout ce petit monde avec une autorité imperturbable.
Très ancré dans son époque, le film de Sogo Ishii nous propose le portrait d’une famille de la classe moyenne japonaise des années 80, sur fond de punk rock, de New wave et d’images volontiers clippesques. La mise en scène de Sogo Ishii possède une étonnante énergie punkoïde, doublée d’une certaine irrévérence. Stylistiquement, Crazy Family alterne les longs plans contemplatifs et les scènes de rue littéralement frénétiques (généralement tournées sans autorisation), en passant par une réutilisation habile du travelling compensé de Sueurs froides et des Dents de la Mer. Le film bénéficie par ailleurs d’un montage vivifiant. La modernité de l’ensemble est telle qu’elle tend à nous faire penser que les premiers films de Sogo Ishii (Crazy Thunder Road, Burst City) constituent à leur façon une espèce de passerelle entre les films de la Nouvelle Vague japonaise (Nagisa Ōshima, Shōhei Imamura, Yoshishige Yoshida, Shūji Terayama, etc) et ceux du mouvement Cyberpunk qui ne tarderait pas à débarquer (Shinya Tsukamoto, Shozin Fukui, Shigeru Izumiya…).
Alors, avec quarante ans de recul, la famille au cœur de Crazy Family est-elle vraiment folle ? Oh que oui ! Et au fur et à mesure que le film avance, prenant la direction d’un troisième acte complètement barré et explosif, on notera qu’il ne s’agit en tous les cas pas d’une folie douce, mais plutôt d’une psychose sauvage et destructrice : des incendies sont allumés, des tronçonneuses sont brandies, le chef de famille se transforme en une espèce d’ermite fou à lier, le tout étant rythmé par les flashbacks du grand-père pendant la guerre… Tout ici nous rappelle qu’avec Sogo Ishii, même une comédie de mauvais goût peut cacher une critique mordante ainsi qu’une réflexion plus profonde qu’elle n’y parait sur le sens de l’histoire ou encore les structures familiales et sociales du Japon. Un sacré morceau de péloche !
Le Blu-ray
[4/5]
Crazy Family est disponible au format Blu-ray chez Carlotta Films depuis quelques jours. Côté master, on ne tient pas ici le rendu Haute-Définition le plus imparable de l’année : le film de Sogo Ishii est extrêmement granuleux, mais le piqué est bon, le rendu général très satisfaisant, et les couleurs sont chaudes et naturelles. De plus, la profondeur de champ et l’encodage ont été soignés, et même projeté sur un écran de grande taille, Crazy Family demeure une expérience HD globalement satisfaisante. Côté son, l’éditeur nous propose un mixage VO japonaise et DTS-HD Master Audio 1.0. Pas de souci à l’horizon concernant le rendu acoustique de l’ensemble, qui s’avère assez excellent.
Du côté des suppléments, Carlotta Films nous propose tout d’abord un entretien avec Gakuryu Ishii, ex-Sogo Ishii (28 minutes). Secondé par le mangaka Yoshinori Kobayashi et la troupe de la Directors Company, le cinéaste y expliquera avoir voulu élaborer avec Crazy Family un nouveau genre de drame familial, traitant de la violence au Japon. On terminera enfin le tour des bonus par une présentation du film par James Balmont (19 minutes). Ce spécialiste du cinéma de l’Asie de l’Est remettra le film dans son contexte de tournage et le replacera au sein de la carrière de Sogo Ishii.