Test Blu-ray : Compañeros

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Compañeros

Italie, Espagne, Allemagne de l’Ouest : 1970
Titre original : Vamos a matar, compañeros
Réalisation : Sergio Corbucci
Scénario : Massimo De Rita, Sergio Corbucci, Arduino Maiuri…
Acteurs : Franco Nero, Jack Palance, Tomas Milian
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h43
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 16 juillet 1971
Date de sortie DVD/BR : 18 février 2025

Yoladf, un trafiquant d’armes, doit vendre son matériel pour une « guérilla », mais l’argent est bloqué dans le coffre d’une banque. La combinaison est seulement connue du professeur Xantos, prisonnier des américains. Yoladf, accompagné par une équipe de professionnels, va faire évader cet homme dont il a tant besoin…

Le film

[5/5]

« Une coproduction entre l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne sur les tribulations d’un vendeur d’armes suédois en pleine guerre civile au Mexique : ce western spaghetti a tout ce qu’il faut pour faire honneur à son genre, un véritable bouillon d’influences du côté du cinéma transalpin au cours des années 1960 et 70. Compañeros est représentatif à bien d’autres égards de ce fleuron temporaire du cinéma italien, ne serait-ce qu’à cause de sa distribution hétérogène, qui voit une vedette américaine sur le déclin comme Jack Palance côtoyer une actrice allemande, Iris Berben (…). Avant tout, le film de Sergio Corbucci constitue un très solide condensé de la relecture italienne du western, le mythe américain par excellence, à savoir une aventure épique, pleine de violence et d’amitiés viriles qui bordent à la rivalité satirique ou l’inverse, avec une partition immédiatement reconnaissable signée Ennio Morricone en fond sonore.

On se croirait en effet d’emblée ramené aux westerns qui ont bercé notre jeunesse, où les héros plus grands que nature affrontaient avec ruse et courage des méchants aux traits guère moins caricaturaux. La première séquence du film est plutôt symptomatique de cette course à la référence, puisque les deux personnages principaux s’y affrontent lors d’un duel dans une gare déserte, au langage cinématographique plus ou moins éhontément pompé à l’introduction magistrale de Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone. Le retour en arrière qui s’opère ensuite est moins platement explicatif qu’un nouveau départ vers une autre référence, cette fois-ci au lourd fardeau que le peuple mexicain devait porter autrefois par la faute de dirigeants corrompus au possible. Mais puisque la conscience sociale de Compañeros ne va aucunement aussi loin que celle du film du même nom de Alvaro Brechner, la prochaine transgression ne se fait pas longtemps attendre.

Dès lors, il est question du parcours improbable de Vasco, un immigré d’origine basque, pas très futé selon l’avis de son principal adversaire / compagnon de route Yodlaf Peterson – le Scandinave précité – qui se voit pourtant confier quelques responsabilités opportunistes de conquête d’une ville acquise à l’enseignement d’un professeur pacifiste. Autant Fernando Rey apporte un peu de calme et de sobriété dans le rôle de ce petit grain de sable faisant grincer le mécanisme capitaliste des grandes puissances autour de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, autant Tomas Milian excelle dans l’emploi du cabotin sans besoin particulier d’allégeance, qui ne change jamais de béret, mais qui ne se laisse jamais prier longtemps pour retourner sa veste. La même instabilité morale se manifeste auprès du personnage de Franco Nero, un beau parleur hors pair, même dans les situations les plus périlleuses. (…)

Pour le meilleur et pour le pire, le récit se conforme à cette instabilité, voire à l’imprévisibilité d’un homme sans convictions. Le risque majeur est alors de divaguer au gré des opportunités d’incorporer un passage obligé du western en plus dans une intrigue, qui en contient déjà un nombre conséquent. La mise en scène s’en préserve au prix de quelques ellipses narratives tout de même un peu grossières, d’autant plus qu’elles contribuent au morcellement du fil dramatique, au lieu de le rendre plus organique. Qu’à cela ne tienne, Compañeros reflète parfaitement les différentes facettes du western spaghetti, quitte à laisser la conformité habile à un florilège de formules éprouvées prendre le dessus sur quelque originalité que ce soit. »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Découvrez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !

Le Blu-ray

[5/5]

Compañeros est signé Sergio Corbucci, membre de la « Sainte Trinité » des Sergio, que vénèrent depuis toujours les amoureux du genre : Sergio Leone, Sergio Sollima et Sergio Corbucci. A eux trois, ils parviendraient à atteindre la quintessence du genre, remodelant les codes du western, recréant l’Ouest américain dans les plaines d’Italie ou d’Espagne, le tout en disposant de budgets serrés et d’intrigues le plus souvent aussi simples que linéaires. De ce fait, la sortie au format Blu-ray de Compañeros représente un véritable événement au sein de la communauté des amateurs de Western Spaghetti, qui ne pourront que tirer leur chapeau à Carlotta Films, l’éditeur qui se cache derrière cette bonne nouvelle – d’autant que le film de Sergio Corbucci est disponible pour la toute première fois en France en Blu-ray, et dans son montage intégral.

Côté master Haute-Définition, Compañeros fait vraiment bonne figure : le film a été restauré, et l’ensemble est assez remarquable. Le piqué est précis, les couleurs et les contrastes retrouvent une nouvelle jeunesse, tout en respectant scrupuleusement le grain argentique d’origine. On dénote toujours par ci par là un peu de bruit vidéo et quelques petits problèmes de compression sur les scènes les plus sombres, mais l’ensemble est globalement très bien tenu. Côté son, la version française, la version italienne ainsi que la version anglaise du film sont proposées en DTS-HD Master Audio 1.0 (mono d’origine). La VF s’avère peut-être un peu plus étouffée que sa grande sœur, mais on chipote un peu : techniquement, c’est du très beau travail, on n’avait jamais eu l’opportunité de (re)voir le film dans de telles conditions, et on remercie chaleureusement Carlotta Films pour ce superbe boulot éditorial.

Du côté des suppléments, on trouvera, en complément du film, deux bandes-annonces originales. Mais Carlotta ne s’arrête pas là, puisque le boitier de Compañeros contient un deuxième Blu-ray blindé de suppléments. On y trouvera tout d’abord une présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (24 minutes). L’historien du cinéma et réalisateur remettra le film dans son contexte de tournage, et reviendra sur les particularités du « western Zapata », ce sous-genre révolutionnaire du western Spaghetti, dans lequel des « péons », ces paysans mexicains, acquièrent peu à peu une conscience politique à force d’être confrontés aux injustices – c’est le cas dans Compañeros, et c’était également le cas dans O Cangaceiro que nous avons abordé il y a peu dans les colonnes de votre site favori.

On continuera ensuite avec un entretien inédit avec Tomas Milian (17 minutes). On embrayera avec un entretien inédit avec Franco Nero (7 minutes), et on enchaînera enfin avec un entretien inédit avec Nori Corbucci (17 minutes), la regrettée épouse du grand Sergio, morte des suites du Covid-19 en 2021. Last but not least, l’éditeur nous propose également de nous plonger dans un documentaire inédit en France, Django & Django : Sergio Corbucci Unchained, de Steve Della Casa et Luca Rea (2021, 1h18). Il s’agit bien entendu d’un docu consacré à celui que Quentin Tarantino appelle « le deuxième meilleur réalisateur de westerns spaghetti au monde ». A travers des entretiens avec Franco Nero (son acteur fétiche), Ruggero Deodato (assistant réalisateur sur Django) ainsi bien sûr qu’à Quentin Tarantino lui-même, ce film permettra à ceux qui en douteraient encore de réaliser que Sergio Corbucci occupait une place à part dans l’histoire du Spagh’. Et Tarantino, qui nous sert ici de guide enthousiaste à sa filmographie, est présent tout au long du film pour expliquer pourquoi des films comme Django et Le Grand Silence méritent de figurer au panthéon du Western, toutes nationalités confondues. Comme à son habitude, il se montre extrêmement bavard, balançant des anecdotes, des théories et des analyses, notamment concernant l’ambivalence morale de ses films : comme il le souligne avec malice, les héros des films de Sergio Corbucci seraient les méchants d’autres films. Et au final, cette célébration du cinéaste constitue un point de départ idéal pour découvrir la filmographie de l’un des cinéastes les plus singuliers du western Spaghetti.

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