Comment réussir… quand on est con et pleurnichard
France : 1974
Titre original : –
Réalisation : Michel Audiard
Scénario : Jean-Marie Poiré
Acteurs : Jean Carmet, Stéphane Audran, Jane Birkin
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h25
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 14 juin 1974
Date de sortie DVD/BR : 21 septembre 2022
Pour vendre du vermouth frelaté, Antoine Robineau a une technique imparable : il apitoie le client, pleurniche, raconte ses malheurs, s’invente des maladies imaginaires. Les mêmes procédés lui réussissent auprès des femmes. De la strip-teaseuse sentimentale à la maîtresse d’un directeur de palace, elles se noient toutes dans son océan de larmes, ce qui finit par lui tracer un incroyable destin…
Le film
[3,5/5]
Co-écrit par Jean-Marie Poiré et Michel Audiard, qui en assurait bien évidemment les dialogues, Comment réussir quand on est con et pleurnichard est un des films les plus « mal aimés » de la carrière de Michel Audiard.
Alors certes, on reconnaitra volontiers que le film a des faiblesses : la trame imaginée par Poiré n’est pas des plus originales, et tient plus de l’enfilade de sketches et/ou de moments de bravoure que du scénario construit selon une mécanique précise. Cela dessert sans aucun doute le film, qui ne tiendra pas la comparaison, aussi bien du point de vue de l’écriture que de la mise en scène, avec ses contemporains les plus marquants (Joël Séria, Bertrand Blier…). Mais il semble tout de même qu’Audiard ait été pleinement conscient de cet état de fait, et en ait sciemment rajouté des caisses dans les dialogues, qui représentaient définitivement sa « patte » en tant qu’auteur. Ainsi, il livrait ici au spectateur un véritable festival de punchlines et de gags verbaux en tous genres, qui paraitront sans doute excessifs et vains à certains, mais qui glisseront comme du miel dans les oreilles des autres. On prendra pour exemple cette scène où, flânant le long d’une rivière aux côtés de la regrettée Stéphane Audran (lire notre hommage), Jean Carmet énumère sur le mode poétique tout ce qui croise son regard : authentiquement impayable pour les uns, prodigieusement agaçant pour les autres. Cette scène est d’ailleurs très représentative de l’esprit de Comment réussir quand on est con et pleurnichard ; un film apparaissant par moments comme en roue libre et semi-improvisé, mais vraiment époustouflant au détour de quelques séquences mémorables.
Car comment résister à cette écriture misanthrope, au cœur de laquelle Audiard mettait en exergue toutes les hypocrisies de ses contemporains ? Véritable jeu de massacre, Comment réussir quand on est con et pleurnichard prend la forme d’une apologie de la faiblesse, de la ringardise et de la médiocrité en général : on pense au personnage de Jane Birkin, qui adore les nuls, et qui balance à Jean Carmet « Tu m’as loupée comme un chef ! » au sortir de leur nuit d’amour, ou encore au spectacle de strip-tease poétique « Top à Charles Baudelaire », critique déguisée des dérives de la télévision de l’époque.
Et que dire de ce casting quatre étoiles ? Si le film est littéralement porté par la prestation haute en couleurs de Jean Carmet, ce dernier est secondé par de véritables pointures des années 70, telles que Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Stéphane Audran ou, dans des rôles plus secondaires, Jane Birkin et Daniel Prévost… Un régal pour les amateurs !
Bref, si Comment réussir quand on est con et pleurnichard perd des points dans le cœur du spectateur à cause d’une intrigue un peu construite à la « va comme je te pousse », il en récupère néanmoins avec ses dialogues géniaux et le jeu décomplexé d’une série d’acteurs en grande forme. Si bien qu’au final, on ne peut s’empêcher de ressentir une vraie tendresse pour ce film, qui nous réserve encore, plus de quarante ans après sa sortie dans les salles, quelques gros et francs éclats de rire…
Le Blu-ray
[4/5]
Après une sortie en DVD courant 2018, au sein de la collection « Gaumont – Découverte DVD », Gaumont a donc eu l’excellente idée de ressortir Comment réussir quand on est con et pleurnichard dans une édition Blu-ray de toute beauté. Le master Haute Définition restauré est d’une belle stabilité, la définition est impeccable et les couleurs sont éclatantes, et le tout affiche un grain argentique scrupuleusement préservé. Côté son, le film de Michel Audiard est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 tout à fait clair, et même assez limpide. Rien à redire donc niveau technique, d’autant que l’on adore vraiment le film…
Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord un entretien avec Jean-Marie Poiré, scénariste du film (21 minutes). Le réalisateur des Visiteurs, qui a troqué son look jean/casquette pour une dégaine de dandy cool à moustache, y reviendra sur son parcours, ainsi que pour son mépris initial pour le cinéma. Il évoquera également sa rencontre avec Michel Audiard, et affirmera avec le plus grand sérieux du monde que ce dernier désirait faire des films « branchés » et qu’il l’avait aidé à se renouveler. Concernant Comment réussir quand on est con et pleurnichard, il reviendra rapidement sur le casting : Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Jane Birkin. Enfin, on terminera le tour des suppléments avec le court-métrage La Marche (1951, 16 minutes), écrit et réalisé par Michel Audiard, qui nous dressera une histoire absurde de la marche à pied.