Sorti sur les écrans du monde entier en 1958, Le septième voyage de Sinbad fait vraiment figure de film-charnière dans la carrière de Ray Harryhausen : il s’agit en effet de son premier film en couleurs, et du premier film pour lequel le procédé appelé « Dynamation » a été utilisé comme un argument commercial, mis en avant dans toutes les bandes-annonces de l’époque. Le procédé consistait à créer une image en trois couches : la première étape du processus consistait à filmer les scènes mettant en scène les créatures issues de l’imagination d’Harryhausen avec les acteurs, qui tournaient face à des repères présents pour leur indiquer les mouvements et la position de ces créatures. La séquence tournée était ensuite projetée sur un écran, devant lequel était placée la créature animée en stop-motion ; devant la créature, une vitre permettait également de noircir les éléments de l’image qu’on souhaitait masquer. Dans un troisième temps, les deux images modifiées étaient réunies afin d’en créer une seule.
Le 7ème voyage de Sinbad
États-Unis : 1958
Titre original : The 7th voyage of Sinbad
Réalisation : Nathan Juran
Scénario : Ken Kolb
Acteurs : Kerwin Mathews, Kathryn Grant, Torin Thatcher
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h28
Genre : Aventures, Fantastique
Date de sortie cinéma : 10 décembre 1958
Date de sortie DVD/BR : 28 mars 2019
Alors qu’il rejoint Bagdad avec à son bord une princesse, Sinbad accoste sur l’île de Colossa de manière à se ravitailler. C’est là qu’il fait la rencontre d’un mystérieux magicien qui tente d’échapper à un cyclope géant ! Heureusement, tout le monde réussit à rejoindre le bord du bateau pour continuer son voyage vers Bagdad. Mais Sokurah le magicien compte bien retourner sur l’île pour y récupérer une lampe magique hébergeant un génie…
Le voyage fantastique de Sinbad
États-Unis : 1973
Titre original : The golden voyage of Sinbad
Réalisation : Gordon Hessler
Scénario : Brian Clemens, Ray Harryhausen
Acteurs : John Phillip Law, Caroline Munro, Tom Baker
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h45
Genre : Aventures, Fantastique
Date de sortie cinéma : 25 juin 1975
Date de sortie DVD/BR : 28 mars 2019
En possession d’un morceau d’une amulette magique, Sinbad cherche l’île de Lemuria où se trouve la fontaine magique qui donne jeunesse et pouvoir. Mais un magicien maléfique convoite lui aussi l’objet précieux…
Sinbad et l’oeil du tigre
États-Unis : 1977
Titre original : Sinbad and the eye of the tiger
Réalisation : Sam Wanamaker
Scénario : Beverley Cross, Ray Harryhausen
Acteurs : Patrick Wayne, Jane Seymour, Taryn Power
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h53
Genre : Aventures, Fantastique
Date de sortie cinéma : 10 août 1977
Date de sortie DVD/BR : 28 mars 2019
En débarquant au pays de Sharak, Sinbad découvre un monde bouleversé : une terrible magicienne a transformé l’héritier du trône en singe et la belle princesse Farah demande son aide au vaillant aventurier…
Les films
[4/5]
Se déroulant dans un univers fantastique naturellement très influencé par les Contes des 1001 Nuits, Le septième voyage de Sinbad permet à Ray Harryhausen de laisser libre cours à sa créativité, en imaginant plusieurs créatures monstrueuses absolument fascinantes, et d’autant plus intéressantes qu’elles s’avèrent toutes très différentes les unes des autres. Ainsi, le film mettra en scène un cyclope géant (peut-être bien la créature la plus connue de tout le bestiaire créé par Harryhausen au fil des années et des films), une lampe contenant un génie, une femme-serpent, une princesse dont la taille a été réduite à 15/20 centimètres, des aigles à deux têtes, un dragon et bien sûr un squelette aussi vivace que bon combattant à l’épée, image d’ailleurs tellement marquante que le magicien des effets spéciaux la réutilisera quelques années plus tard dans Jason et les argonautes.
Les aventures de Sinbad, telles que proposées ici par Ray Harryhausen, le réalisateur Nathan Juran et le scénariste Ken Kolb, tirent également du côté des mythes anciens, puisqu’on y retrouvera des éléments tirés de « L’odyssée » d’Homère : on pense bien sûr aux cyclopes, mais également aux sirènes, même si elles ne sont pas clairement désignées comme telles dans le scénario, le subterfuge utilisé par Sinbad est le même que celui d’Ulysse : il s’agira de se mettre de la cire dans les oreilles. Mais peu importe au final si le récit qui nous est proposé ici mange à tous les râteliers : l’action, l’aventure, le dépaysement et l’exotisme seront bel et bien de la partie, et comme d’habitude avec les films sur lesquels a travaillé Ray Harryhausen, les créatures fantastiques évoluant dans Le septième voyage de Sinbad permettent au film d’obtenir quasi-instantanément ses lettres de noblesse.
Et si bien sûr le film tout comme les techniques d’animation d’Harryhausen se perfectionneraient encore dans les années qui suivraient jusqu’au chef d’œuvre absolu Jason et les argonautes en 1963, le film de Nathan Juran a pour lui la fraicheur et le charme du « premier jet », une petite merveille qui s’avérera probablement encore plus inoubliable si vous l’avez découvert enfant. Impossible par exemple d’oublier ce combat entre le cyclope et le dragon, qui fait directement écho à celui de King Kong contre le dinosaure…
Tournés dans les années 70, Le voyage fantastique de Sinbad et Sinbad et l’œil du tigre pourront en revanche paraître au spectateur un peu « anachroniques », surtout dans le sens où le second, sorti en 1977, était de fait un contemporain de La guerre des étoiles (Star wars), qui révolutionnerait complètement le divertissement populaire de l’époque. Si bien sûr ces deux films restent absolument charmants et dénotent de toute la maîtrise de Ray Harryhausen en matière d’effets spéciaux, ils ne véhiculent plus la même naïveté que celle développée tout au long du film de 1958. On y trouve en effet quelques éléments narratifs très dans l’air du temps à l’époque (lutte des classes, féminisme, critique de la société de consommation…), qui contribuent un peu à rompre la magie de ces récits hors du temps. Le récit des aventures de Sinbad contient néanmoins son quota d’exotisme, de charme suranné et de grand spectacle populaire, extrêmement rythmé et riche en rebondissements. Et bien sûr, il y a les effets spéciaux de Ray Harryhausen, qui nous donnent à voir, pêle-mêle, un homme-chauve-souris, un centaure, un griffon, une figure de proue ayant pris son indépendance, une statue de Kali, des démons, un minotaure mécanique (en or !), un morse géant, un tigre à dents de sabre, ainsi bien sûr que le singe qui joue aux échecs, image proprement inoubliable qui a probablement marqué des milliers de cinéphiles à travers le monde.
Du côté des acteurs, on avoue avoir une préférence pour Patrick Wayne (l’œil du tigre) plutôt que pour John Phillip Law (le voyage fantastique). Et en guise de faire-valoirs féminins, ah, pardon, de « princesses », les personnages sont incarnés par Caroline Munro, véritable icône du bis puisqu’elle jouerait également durant la même décennie dans L’abominable docteur Phibes (1971), Dracula 73 (1972), Capitaine Kronos, tueur de vampires (1974) ou encore Starcrash – Le choc des étoiles (1978), puis par Jane Seymour, qui deviendrait quant à elle d’avantage une icône de la télévision, car si on l’a également vue dans le JezBond Vivre et laisser mourir, on se souviendra surtout d’elle pour son rôle de Michaela Quinn dans la série Docteur Quinn, femme médecin (1993-1998).
Le coffret Blu-ray
[4,5/5]
Après une première édition Blu-ray parue en 2008 sous les couleurs de Sony Pictures, Le septième voyage de Sinbad ressort donc ce mois-ci sous la bannière de Sidonis / Calysta, au sein d’un coffret Blu-ray « Ray Harryhausen » consacré à Sinbad, et qui regroupe sur trois galettes Haute Définition les films Le 7ème Voyage de Sinbad (1958), Le voyage fantastique de Sinbad (1974) et Sinbad et l’œil du tigre (1977), les deux suivants étant à ce jour inédits en Blu-ray. Voici donc pour nous l’occasion idéale d’aborder les sorties très attendues de ces petites perles du divertissement populaire, qui s’avèrent également d’excellents ambassadeurs de l’Art de Ray Harryhausen.
Commençons avec Le septième voyage de Sinbad : si l’on compare cette édition 2019 à celle déjà disponible depuis quelques années, on pourra constater d’entrée de jeu que Sidonis / Calysta ne s’est pas contenté – comme l’auraient fait d’autres éditeurs moins scrupuleux – de recycler l’ancienne édition en en changeant uniquement les menus. Bien sûr, on pourra supposer que le master à la base était le même dans les deux cas : on retrouve donc la même définition précise, mais changeante selon les séquences – les fameux plans en « Dynamation » ou les plans à effets d’une façon générale accusent encore quelques chutes de définition – les effets du temps sont donc perceptibles, mais dans l’ensemble, le film affiche une propreté et une stabilité tout à fait étonnantes. L’éditeur a par ailleurs pris soin de préserver le grain argentique d’origine, mais ce dernier se retrouve un peu atténué par rapport au Blu-ray de 2008 tout simplement parce que les couleurs et la luminosité ont été revus à la hausse, « boostés » afin d’apporter un petit supplément de pep’s à l’image. Côté son, la version française et la version originale sont toutes deux proposées soit en DTS-HD Master Audio 2.0, soit dans un remixage DTS-HD Master Audio 5.1 respectant parfaitement la « frontalité » de la bande son d’origine. Les deux s’avèrent tout à fait enthousiasmants, même s’il vous faudra probablement un peu monter le volume pour assurer une clarté optimale si vous optez pour le désuet doublage français d’origine.
Concernant Le voyage fantastique de Sinbad, la définition est précise, les couleurs naturelles, c’est plutôt bon même si le master encore un peu abimé (griffes, tâches). Cependant, une comparaison rapide avec le Blu-ray édité par Twilight Time aux Etats-Unis nous permettra de nous rendre compte que le master ici utilisé manque d’informations à l’écran, nous proposant un recadrage assez important de l’image d’origine. Dans le cas de Sinbad et l’œil du tigre en revanche, il semble que le master proposé par Sidonis / Calysta soit le même que celui utilisé par Twilight Time : le rendu est excellent, le scan HD est totalement convaincant, et bénéficie de ce qu’il faut de grain et d’un piqué satisfaisant. Certains gros plans de visages nocturnes, en particulier, se révèlent d’une bien belle profondeur. Du beau travail. Côté son, les deux films sont proposés en VF et VO dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0, soit dans des remixages DTS-HD Master Audio 5.1 (en VO uniquement), sympathiques mais relativement anecdotiques.
Côté suppléments, outre les traditionnelles bandes-annonces, l’éditeur Sidonis / Calysta nous propose de découvrir sur le Blu-ray du Septième voyage de Sinbad un petit sujet intitulé « L’héritage de Ray Harryhausen » (24 minutes environ) donnant la parole à de très prestigieux cinéastes et techniciens en effets spéciaux des années 70/80. On y découvrira que Le septième voyage de Sinbad a été un véritable déclic pour de nombreux d’entre eux, « LE » film qui leur a donné l’envie de se lancer dans le cinéma. C’est à la fois logique et très étonnant, dans le sens où tous citent le film comme une véritable date dans leur existence – de fait, l’ensemble pourra peut-être paraître vaguement redondant, mais absolument passionnant et suffisamment court pour ne jamais provoquer l’ennui. On terminera ensuite avec une featurette de quelques minutes consacré à la « Dynamation ». Les deux autres films ne contiennent quant à eux dans leurs sections bonus respectives que les bandes-annonces d’origine.