Intégrale Jane Campion
Australie, Nouvelle Zélande, États-Unis : 1982-2013
8 longs-métrages + 7 courts-métrages
Réalisateur : Jane Campion
Scénario : Jane Campion
Acteurs : Holly Hunter, Harvey Keitel, Nicole Kidman…
Éditeur : Pathé
Genre : Drame
Date de sortie DVD/BRD : 28 octobre 2015
Indépendante, audacieuse, passionnée, Jane Campion fait partie de ces rares cinéastes qui imprègnent leurs pellicules de leur trempe dès la première œuvre. Le style Campion, sensuel et sexuel, poétique et cauchemardesque, sombre mais rayonnant par la beauté de sa mise en scène, interpella les cinéphiles dès son premier court-métrage, Peel – An Exercice in Discipline, Palme d’Or du court-métrage au Festival de Cannes de 1986. Consacrée par la critique internationale à de nombreuses reprises, Jane Campion est la première réalisatrice à remporter la Palme d’Or au Festival de Cannes pour La Leçon de piano (1992). Elle reste la seule à ce jour…
Jane Campion est une réalisatrice & scénariste néo-zélandaise, dont la renommée s’est faite aux yeux du public lors du festival de Cannes 1993, année où elle obtint la prestigieuse Palme d’Or avec le chef d’œuvre La leçon de piano. Souvent cataloguée « cinéaste féministe », à cause de son attachement à des personnages féminins forts, la réalisatrice a souvent joué de cette image dans les médias, et les médias l’ont souvent réduite à cette simple étiquette ; cela dit, on n’est pas sûr que cet échange de bons procédés n’ait pas joué en sa faveur au final, puisqu’après avoir été la première femme à remporter la Palme d’Or, Jane Campion est devenue la première femme cinéaste à présider le jury des longs métrages lors de la 67ème édition du Festival de Cannes en 2014.
Il serait cependant un peu réducteur de ne garder que cela de la cinéaste diplômée de l’Australian School of Film and Television (qui tournerait d’ailleurs ses premiers films au pays des kangourous plutôt qu’au pays de Peter Jackson), dont le cinéma articulé autour de personnages féminins forts aborde également avec une grande subtilité la passion amoureuse, la sexualité ou la place de la nature dans l’existence de tout un chacun. Mais il est vrai qu’à travers ses personnages et ses multiples portraits de femmes s’insurgeant contre l’ordre établi et l’injustice des sociétés patriarcales, souvent dominées par la violence et le sexisme, Jane Campion parle également de la société actuelle, et de la place de la femme dans celle-ci.
Saluons donc d’un sacré coup de chapeau l’initiative de Pathé, qui vient de sortir pour la première fois au monde, l’intégralité des films de Jane Campion dans un coffret, de ses sept courts-métrages aux huit longs en passant par la première saison de la série Top of the Lake qu’elle a imaginée (et dont elle a réalisé certains épisodes), tout est réuni sur la bagatelle de dix Blu-ray et un DVD pour découvrir ou redécouvrir l’œuvre d’une cinéaste résolument orientée vers la femme.
Les films
Cinéaste incontournable, Jane Campion, a bâti l’ensemble de son œuvre sur des portraits de femmes fortes, bien déterminées à se libérer des carcans et des normes qu’une société dominée par les hommes veulent leur imposer. Dès son premier long-métrage Sweetie (1989), elle est parvenue à imposer son style en brossant le portrait de deux sœurs : la première suit le diktat des modes et de la société, et se retrouve enfermée dans un mariage qui part à vau-l’eau, tandis que l’autre, obèse sensuelle et libre, trouve le bonheur dans les excès. On notera également la place prépondérante de la nature (et notamment de la figure de l’arbre) dans le film, que l’on retrouvera tout le long de la carrière de la cinéaste. Le téléfilm Two friends (1987), disponible au sein du coffret édité par Pathé, fait office d’intéressant « brouillon » de son premier film de cinéma.
Avec son film suivant, Un ange à ma table (1990), Campion aborde l’une de ses autres grandes passions, celle de la littérature : le film aborde donc le destin tragique de la romancière Janet Frame, qui sortira de l’hôpital psychiatrique suite au succès de son premier livre ; et Jane Campion de faire ressentir au spectateur la place vitale de l’écriture dans la vie de cette femme, de cette artiste que l’on sent proche, très proche de la cinéaste.
Le succès et la consécration viendront trois ans plus tard, avec le sublime La leçon de piano (1993), qui reste à ce jour le film le plus célèbre et sans doute le plus poignant de Jane Campion. Moissonnant sur son passage rien de moins qu’une Palme d’Or et trois Oscars (meilleure actrice, meilleure actrice dans un second rôle, meilleur scénario), le film demeure, plus de vingt ans après sa sortie, un drame toujours aussi puissant : un récit symbolique dégageant une émotion et un trouble indicibles, servi par une brochette de comédiens tout bonnement exceptionnels. Souvent moins bien considéré par la critique, le joli Portrait de femme demeure en effet un peu en deçà des autres films de Campion ; avec le recul, on comprend que la cinéaste australienne d’adoption avait probablement voulu donner un coup de pouce à sa compatriote de cœur Nicole Kidman, qui cherchait à s’imposer une légitimité en tant qu’actrice et à se décoller de l’image envahissante (vampirisante ?) de Tom Cruise son compagnon de l’époque. Un coup de pouce entre femmes donc, qui s’accorde finalement tout à fait avec la réputation de Jane Campion.
C’est avec Kate Winslet, autre « grande » actrice tout récemment auréolée du succès mondial de Titanic, que la cinéaste tournerait son film suivant Holy smoke (1999). Délire mystico-érotique surfant sur la vague de La leçon de piano (on y retrouverait d’ailleurs également Harvey Keitel, acteur incontournable des années 90 ayant eu du mal à aborder le tournant du nouveau millénaire), le film était un affrontement amoureux sur fond de spiritualité. Sentant peut-être que son cinéma se perdait un poil dans la redite et la reproduction des mêmes schémas, Jane Campion allait révolutionner son petit univers avec In the cut (2003), thriller érotique co-produit par les États-Unis. Un portrait de femme d’un nouveau genre, naviguant dans les eaux troubles du polar teinté de sexe, qui voit une oie blanche basculer dans un univers de sensualité où elle cherche d’abord ses repères et finira par les trouver en s’accomplissant en tant que femme « sexuée ».
Après cet intermède Hollywoodien, la réalisatrice revient à ses premières amours avec Bright star (2009), portrait de femme teinté de classicisme qu’elle affectionne tant. Narrant la passion impossible et troublante entre le poète anglais John Keats et Fanny Brawne, jeune femme indépendante et libre engoncée dans les codes puritains de l’univers bourgeois où ils évoluent. Intéressant, passionnant même, le film explore le désir charnel impossible coincé au cœur d’une relation platonique entre le poète romantique et la jeune fille.
Le coffret Intégrale Jane Campion édité par Pathé contient, en plus de ces huit longs-métrages, la poignée de courts réalisés par la cinéaste avant Sweetie, ainsi que les deux courts contenus dans les anthologies Chacun son cinéma et 8. La première saison de la série Top of the Lake est aussi de la partie.
Le coffret Blu-ray
[5/5]
Le coffret Intégrale Jane Campion édité par Pathé contient donc 10 Blu-ray, ainsi qu’un DVD consacré au film Two friends. L’éditeur n’ayant pu nous fournir l’intégralité du coffret, on supposera que les différents films déjà disponibles à l’unité en Blu-ray sous la bannière d’autres éditeurs sont les mêmes que ceux déjà disponibles dans le commerce.
Pour ce qui est des inédits et autres galettes que l’on a eu entre les mains, on notera que les masters Haute Définition des films des années 80 se révèlent très corrects, sans pour autant atteindre un niveau de détail ahurissant. Le grain cinéma est très présent, l’image est stable, la définition ne pose pas de problèmes, et le rendu des couleurs et des contrastes marque un net progrès par rapport aux sources standard. Point de trace de DNR ou autres bidouilles numériques, on regrettera juste un grain un poil trop accentué lors des passages nocturnes ou en basse lumière. Les films post-2000 affichent des masters nettement plus convaincants, avec d’avantage de piqué et une gestion du grain un peu plus « punchy ». Côté son, nous aurons droit à des pistes DTS-HD Master Audio 5.1 sur tous les films disponibles en Blu-ray. Difficile d’aborder chaque film individuellement, mais disons que l’ensemble nous propose une parfaite immersion au cœur du cinéma de la réalisatrice.
Du côté des suppléments, le dossier de presse nous indique plusieurs heures de suppléments, dispatchés sur les différentes galettes composant le coffret. De nombreux entretiens avec la cinéaste, plusieurs making of… Sur la poignée de Blu-ray nous ayant été fournis, on notera déjà presque deux heures de bonus, parmi lesquels un documentaire sur Jane Campion (déjà disponible sur le Blu-ray de Bright star sorti à l’unité), un making of sur les films Sweetie et In the cut, plusieurs interviews de la réalisatrice tournées à différentes époques… Très complet et intéressant !