Test Blu-ray : Clockers

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Clockers

États-Unis : 1995
Titre original : –
Réalisation : Spike Lee
Scénario : Richard Price, Spike Lee
Acteurs : Harvey Keitel, John Turturro, Mekhi Phifer
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 2h08
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 22 novembre 1995
Date de sortie DVD/BR : 24 juillet 2020

Sur demande de Rodney Little, le patron du trafic de drogue d’un quartier de Brooklyn, le dealer Strike n’a pas d’autre choix que d’accepter d’abattre un commerçant retrouvé criblé de balles peu après. Strike a-t-il aveuglément obéi contre la promesse d’une promotion ? Possible, comme il est aussi possible que son grand frère, un jeune père de famille sans histoires, lui ait rendu ce « service ». Chargé de l’enquête, l’inspecteur Rocco Klein se démène pour séparer le vrai du faux, conscient que, dans cette affaire, rien n’est simple…

Le film

[5/5]

Contrairement à une croyance répandue au cœur de la critique contemporaine, le cinéma dit « de genre » n’empêche aucunement les cinéastes de s’exprimer pleinement, ni les spectateurs de lire entre les lignes du genre pour aller chercher l’essence de ce qui nous est raconté. Clockers, le huitième long-métrage de Spike Lee, en est la parfaite illustration.

Clockers est l’adaptation du roman éponyme de Richard Price (Mad dog and Glory, Les seigneurs), et marque la première incursion réelle de Spike Lee dans le genre du polar, avec lequel certains de ses films précédents avaient cependant occasionnellement flirté. D’une noirceur absolue, le film aborde un sujet que Spike Lee avait sciemment évité jusqu’à ce moment de sa carrière : le trafic de drogue, qui semble lentement mais sûrement anéantir la communauté noire de Brooklyn.

Bien sûr, Spike Lee n’avait pas complètement délaissé le sujet de la drogue dans ses films précédents : certains des personnages secondaires de Do the right thing ou de Jungle fever luttaient en effet avec leurs démons et avec les drogues dures. Cependant, le recours à la chronique sociale lui avait toujours permis de mettre en avant d’autres aspects plutôt que d’aborder de front la drogue et ses conséquences.

Ainsi, si certains des films de Spike Lee pouvaient laisser transparaître une lueur d’espoir au bout du tunnel, ce n’est pas le cas avec Clockers. Le cinéaste New-Yorkais y dresse un état des lieux à la fois dramatique et extrêmement émouvant, un constat de pourrissement des rues du quartier de son enfance. Le tout bien sûr sur fond d’enquête autour d’un meurtre, qui révélera l’une après l’autre les différentes mailles d’un système criminel construit comme une véritable entreprise, ayant presque pignon sur rue. De fait, le système est si bien organisé qu’aucun policier ne peut enrayer cette mécanique, à moins de biaiser, et de faire tomber les trafiquants pour des crimes qu’ils n’ont pas commis – quand bien même ils sont loin d’être innocents.

Choisissant de centrer son récit autour du personnage de Strike (Mekhi Phifer), jeune dealer à la personnalité pour le moins complexe, Spike Lee parvient à faire passer son message de la manière la plus désenchantée qui soit. Ainsi, Spike est ambitieux, mais il est noir, et quand on est noir dans une cité populaire telle que Brooklyn, la seule possibilité semble être de passer par le trafic de drogue.

D’une noirceur totale, d’un réalisme absolu, Clockers dresse le tableau d’une société en perdition, totalement dévastée, où des jeunes condamnés d’avance à la morgue ou à la prison composent avec la présence de flics cherchant en vain à faire leur travail, débordés, blasés et parfois pourris. Ainsi, si Malcolm X est, encore aujourd’hui, régulièrement cité comme le chef d’œuvre de Spike Lee, on ne pourra que reconnaître ici que sa mise en scène et ses gimmicks formels font réellement merveille dans Clockers, dans le sens où ils se mettent réellement au service du propos pour le moins désespéré du film et contribuent à atteindre de véritables sommets d’émotion qu’aucun autre film de sa riche filmographie n’est jamais parvenu à atteindre.

On l’affirme donc haut et fort : sublime et intemporel, porté par une réalisation et un casting en état de grâce absolue, Clockers est non seulement un immense chef d’œuvre, mais également et à coup sûr le meilleur film de la carrière de Spike Lee. Incontournable.

Le Blu-ray

[4/5]

Si BQHL s’est lancé relativement tardivement dans l’édition de Blu-ray, avec une conception assez « minimaliste » du métier, on ne peut en revanche que s’incliner devant le remarquable choix de films qu’ils ont choisi de mettre en avant depuis quelques années maintenant. Fidèle à cette excellente réputation, BQHL nous permet aujourd’hui de redécouvrir ce chef d’œuvre trop méconnu qu’est Clockers par le biais d’une galette Haute-Définition minimaliste mais remarquable : préservant la granulation d’origine tout en nous proposant une image propre, stable et imposant sans peine un piqué précis et des couleurs naturelles, ce Blu-ray fait réellement honneur au support. Pas de bidouillages numériques à l’horizon, c’est du tout bon. Côté son, le film de Spike Lee s’impose en version française et en version originale dans des mixages DTS 5.1 tout ce qu’il y a de plus correct même si l’ensemble n’est pas proposé en HD. On ne saurait en revanche trop vous conseiller de privilégier la VO, plus naturelle, plus percutante, et faisant d’avantage son office en termes de spatialisation, ce qui facilitera encore l’immersion du spectateur au cœur du film.

Du côté des suppléments, rien sur la galette à proprement parler, mais le dossier de presse indique la présence d’un livret de 20 pages rédigé par l’inusable par Marc Toullec.

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