Test Blu-ray : City of Darkness

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City of Darkness

Hong Kong : 2024
Titre original : Jiu long cheng zhai wei cheng
Réalisation : Soi Cheang
Scénario : Kin-yee Au, Tai-lee Chan, Kwan-sin Shum
Acteurs : Raymond Lam, Louis Koo, Sammo Hung
Éditeur : HK Vidéo
Durée : 2h06
Genre : Action
Date de sortie cinéma : 14 août 2024
Date de sortie DVD/BR : 6 décembre 2024

Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres. Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l’invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu’est devenue pour eux la cité fortifiée…

Le film

[5/5]

En France, on avait découvert le talent exceptionnel de Soi Cheang aux alentours de l’automne 2007, avec la sortie en DVD de l’incroyable Dog Bite Dog, un véritable maelstrom de bruit, de fureur et de violence qui avait littéralement marqué au fer rouge les cinéphiles l’ayant découvert à l’époque. L’engouement autour de ce cinéaste pour le moins singulier, que l’on appelait encore à l’époque Pou-Soi Cheang, se confirma dès l’année suivante avec la sortie en DVD de son adaptation du manga Coq de Combat, un autre uppercut filmique qui acheva de nous convaincre que l’on tenait assurément là l’un des plus grands talents en activité à Hong Kong.

Et ses films suivants ne firent que confirmer cette impression : même en quittant le genre du film de baston sans concession, son cinéma restait aussi original que singulier, et des films tels que Accident (2009) et Motorway (2012) portaient bel et bien la marque du génie que l’on avait déjà vu à l’œuvre dans ses deux films précédents. Entre 2012 et 2018, Soi Cheang s’attela principalement à la réalisation d’une trilogie consacrée au « Roi Singe », mais ces trois films ne trouveraient pas leur chemin jusqu’en France, et il faudrait attendre 2023 pour qu’enfin le cinéaste accède aux salles françaises avec l’étonnant Limbo, qui avait marqué les mémoires à l’Étrange Festival 2021. Durant l’été 2024, la France rattraperait son retard en sortant coup sur coup deux films de Soi Cheang : Mad Fate en juillet, et City of Darkness en août. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces deux films prouvent à ceux qui en douteraient encore toute l’étendue du talent de metteur en scène absolument dingue de Soi Cheang…

Pour ceux qui l’ignoreraient, City of Darkness est l’adaptation du manhua éponyme d’Andy Seto, lui-même adapté d’un roman de Yuyi. En développement depuis les années 2000, le projet est d’abord passé entre les mains de John Woo et Johnnie To, puis de Derek Kwok et Donnie Yen, avant d’être à nouveau annoncé en 2021, avec Soi Cheang à la réalisation. Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est que le film se déroule dans la citadelle de Kowloon, une enclave chinoise au milieu de Hong Kong, rasée au début des années 90. Ce lieu était célèbre pour la densité exceptionnelle de sa population et de son architecture labyrinthique, qui laissait à peine pénétrer la lumière. Quartier anarchique, la citadelle de Kowloon était également réputée pour sa criminalité endémique et sa profusion de maisons closes, casinos, salons d’opium et de cocaïne, mais également pour ses usines clandestines, ses dentistes opérant sans licence et ses restaurateurs qui servaient de la viande de chien.

Ce quartier surpeuplé et souvent violent est ainsi devenu, à Hong Kong, l’objet de nombreuses légendes urbaines, et City of Darkness se complaît volontiers dans la description de la citadelle de Kowloon comme une zone ravagée, quasi-apocalyptique, en proie à la guerre des gangs – le cadre idéal pour un film d’action décomplexé en mode fun et ultra-violent. Le film suit Chan Lok-kwun (Raymond Lam), un réfugié du continent ayant réussi à rassembler assez d’argent en en participant à des combats clandestins pour acheter une fausse carte d’identité. Malheureusement, lorsqu’il tente d’acheter cette pièce d’identité, il est trahi par Mr. Big (Sammo Hung), seigneur du crime local et promoteur de combats, et dans un geste désespéré, Chan vole de la cocaïne à Mr. Big et s’enfuit. Il est poursuivi par King (Philip Ng), le bras droit de Mr. Big, et les hommes de ce dernier, mais atteint la citadelle de Kowloon, où ses poursuivants ne s’aventurent pas à sa suite, car c’est le domaine de Cyclone (Louis Koo), le seigneur du crime maître des lieux, et de son gang.

Comme l’a fait remarquer à juste titre notre chroniqueur Jean-Jacques Corrio dans sa critique consacrée au film l’année dernière, City of Darkness ne s’adresse pas forcément à tous les publics. Soi Cheang y rend en effet un hommage vibrant au cinéma d’action Hongkongais des années 80/90, enchaînant les scènes de baston d’une façon si frénétique et spectaculaire qu’il parait évident que son œuvre est vraiment conçue de façon à retrouver la tonalité barge et énergique d’une frange aujourd’hui un peu oubliée du cinéma made in HK. On pense ainsi à ces films d’action qui ont bercé l’enfance et l’adolescence de nombreux cinéphiles : la saga Police Story de Jackie Chan, Crime Story toujours avec Jackie Chan, A toute épreuve et Le Syndicat du crime II de John Woo, les franchises Tiger Cage et Le Sens du devoir, ou des films tels que The Big Heat de Ringo Lam (1988), Tiger on the Beat de Liu Chia-liang (1988) ou Opération Scorpio de David Lai (1992)… Autant de films qui pourront passer dans la tête du spectateur à la découverte du nouvel effort de Soi Cheang, notamment quand les éléments les plus orientés « bande dessinée » commenceront à apparaître dans le récit – on pense notamment au moment où la nouvelle équipe de Chan entre en action. Pour le reste, le Production Design est claustrophobe et chaotique à souhait, et la mise en scène des (nombreuses) scènes d’action bénéficie du savoir-faire toujours aussi bluffant du génial Soi Cheang, qui ajoute avec ce City of Darkness un nouveau chef d’œuvre à sa filmographie parfaite.

Le Blu-ray

[5/5]

City of Darkness a donc débarqué au format Blu-ray courant décembre, sous les couleurs de HK Vidéo, et comme à son habitude, l’éditeur a fait les choses en grand : le film nous est présenté dans un luxueux Digipack trois volets surmonté d’un fourreau, avec un livret inédit, et le transfert du film est sublime, la photo de Cheng Siu-keung (Mad Fate) est magnifiquement rendue, les décors sont superbes et riches en détails, le piqué est d’une précision à couper le souffle… Un superbe Blu-ray, assurément. Côté son, HK Vidéo fait également très fort puisque le film bénéficie de deux puissants mixages, DTS-HD Master Audio 5.1 à la fois en VF et en VO. Les deux versions s’avèrent d’un dynamisme échevelé, surtout sur les scènes d’action naturellement, et durant les séquences pendant lesquelles les coups de pieds/poings fusent de toutes parts, tous les canaux y vont de leur puissance et le caisson de basses sollicité à intervalles très réguliers. Le film étant déjà très impressionnant, ce mixage ajoute encore à l’ambiance et participe pleinement à l’immersion du spectateur au cœur du film. Un sans-faute absolu : superbe boulot d’encodage et de mixage.

Rayon suppléments, on trouvera tout d’abord un making of (22 minutes) divisé en cinq parties et qui reviendra pêle-mêle sur l’atmosphère du film, son côté « bande dessinée », sur les combats, sur la Citadelle de Kowloon et le soin apporté aux décors, ou encore sur les personnages, et notamment sur les quatre garçons de la bande de Chan. On continuera ensuite avec deux courts moments volés sur le tournage du film (3 minutes), suivant la préparation d’une scène de baston et d’une scène de moto, et quatre courtes scènes coupées (5 minutes), la plus longue mettant en scène un moment d’intimité entre Mr. Big et King. On embrayera avec une visite de la citadelle (5 minutes) : on suivra Shin alias Terrance Lau dans le dédale des ruelles de Kowloon, et on découvrira l’échoppe du cordonnier, la rôtisserie, le point d’eau, le coiffeur, etc. Une façon assez originale et fascinante de nous présenter les décors du film ! Enfin, en plus des traditionnelles bandes-annonces, on aura également le droit à un reportage sur le passage de l’équipe de City of Darkness à Cannes (12 minutes), comportant de nombreux extraits d’entretiens avec les acteurs et le réalisateur du film. On notera également la présence dans le Digipack d’un livret de 20 pages contenant un entretien inédit avec Soi Cheang !

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