Chiens perdus sans collier
France, Italie : 1955
Titre original : –
Réalisation : Jean Delannoy
Scénario : Jean Aurenche, François Boyer, Pierre Bost
Acteurs : Jean Gabin, Dora Doll, Robert Dalban
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h33
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 21 octobre 1955
Date de sortie DVD/BR : 10 septembre 2021
Jovial, attentif, le juge pour enfants Lamy est foncièrement bon. Il ne croit pas plus à la vertu des coups qu’à celle des pénitenciers et il ne punit pas. Il pense que chez un enfant, il y a toujours quelque chose à sauver. Francis, un “dur” malgré ses 15 ans, né de père inconnu, orphelin d’une mère démente, flanqué d’un grand-père gâteux et d’une grand-mère alcoolique, a volé des portefeuilles dans le vestiaire d’un stade…
Le film
[3,5/5]
La critique n’a pas forcément été tendre avec Chiens perdus sans collier à sa sortie en 1955. On pense notamment à François Truffaut, qui considérait que le film de Jean Delannoy faisait « reculer les bornes de l’insignifiance », et qui construirait par la suite son premier long-métrage Les 400 coups en réaction au film de 1955. Il est certain qu’une poignée de spectateurs pourra peut-être reprocher au film de Jean Delannoy une certaine « artificialité » dans la mise en scène, ce qui à priori peut paraître ne pas aller de pair avec sa volonté de naturalisme et de réalisme social.
Ainsi, dès la première séquence de Chiens perdus sans collier, qui met en scène le ballet d’un petit garçon autour de divers objets dans une grange à laquelle il finira par foutre le feu, la mise en images de Jean Delannoy s’avère extrêmement théâtrale ; les plans sont découpés de façon très esthétique, les cadres sont majestueux, les prises de vue amples et aériennes – on est en effet bien loin d’un réalisme « journalistique » capté caméra à l’épaule, ou de l’ascétisme forcené des néoréalistes italiens. Soit. Mais l’esthétisation d’une certaine réalité nuit-elle réellement à sa prise de conscience par le spectateur ?
S’attaquant au sujet délicat de la délinquance juvénile et même, plus largement, de la jeunesse livrée à elle-même, Chiens perdus sans collier n’en conserve en effet pas moins, surtout avec le recul, une solide patine sociale. On ne parlera peut-être pas d’un état des lieux, ou d’une radiographie de la jeunesse des années 50 (on ne pourrait d’ailleurs pas d’avantage l’affirmer des 400 coups), mais le film parvient néanmoins à « prendre le pouls » de son époque. Les paradoxes du métier de juge pour enfants y sont dépeints avec justesse – l’équilibre entre les notions de justice, de punition et de « protection » des jeunes délinquants auxquels le personnage de Jean Gabin est confronté semble vraiment au cœur du film.
Parcours familiaux chaotiques, mauvaises influences, provocations en tous genres (comme le montre la scène de la jeune prostituée retirant les clous du siège), défiance vis-à-vis de l’autorité… Chiens perdus sans collier permet de fait à Jean Delannoy de s’attaquer à une série de problématiques sociales bien réelles, même si les frasques de ces gamins perdus paraîtront sans doute bien innocentes au spectateur contemporain. Le scénario du film, signé Jean Aurenche et Pierre Bost, contribuait à dresser le portrait d’une jeunesse française à la dérive, et le tout semble au final assez juste et d’une grande sobriété – d’autant bien sûr que le film aborde de front certains sujets assez « sensibles », tels que la prostitution adolescente, l’avortement, la pédophilie…
On pourra cependant reprocher à Jean Delannoy une certaine naïveté dans sa représentation des maisons de correction. Il a en effet été prouvé qu’à l’époque comme de nos jours, les jeunes y faisaient surtout l’expérience de la violence la plus arbitraire : privés de nourriture et quasiment pas instruits, ils y étaient maltraités par les gardiens – devenus « éducateurs » – ou par des adolescents plus âgés. Humiliations, coups, insultes, viols … La liste de ces sévices est d’autant plus insupportable qu’ils sont commis dans les lieux mêmes censés être ceux de la protection de l’enfance. Pour autant, cette inclinaison de Chiens perdus sans collier à fermer les yeux sur une terrible réalité pourra être mise sur le compte d’un certain humanisme, et sur une confiance inébranlable dans les valeurs de la République.
Maîtrisant parfaitement son personnage, Jean Gabin Dora lui apporte à ce titre une humanité remarquable – il est parfaitement crédible dans ce rôle de juge bourru ne se laissant pas abattre et gardant foi en la nature humaine malgré le côté ingrat de son métier. Il retrouvera au casting de Chiens perdus sans collier quelques-uns de ses partenaires de jeu : Dora Doll, qui jouait déjà dans Touchez pas au grisbi et dans French Cancan, Jane Marken, avec qui il avait partagé l’affiche de Gueule d’amour et de La Marie du port, et bien sûr son complice Robert Dalban, qui avait déjà à l’époque joué dans trois films mettant en scène Jean Gabin : Au-delà des grilles, La Minute de vérité et Leur dernière nuit.
La collection « La séance »
Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.
Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.
L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Chiens perdus sans collier, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC.
La huitième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 10 septembre 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 49 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, 1955), Gas-oil (Gilles Grangier, 1955), Le grand chef (Henri Verneuil, 1958), Train d’enfer (Gilles Grangier, 1965), Le Rapace (José Giovanni, 1968) et Dernier domicile connu (José Giovanni, 1970). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.
Le coffret Digibook prestige
[5/5]
Après une édition DVD plus que perfectible sortie en 2004 sous les couleurs de StudioCanal, c’est aujourd’hui grâce à Coin de mire Cinéma que Chiens perdus sans collier passe le cap de la Haute Définition, venant grossir les rangs de la collection « La séance ». Le master a bénéficié d’une jolie restauration 4K, et affiche un beau piqué et d’une définition vraiment accrue, conservant par ailleurs scrupuleusement la granulation d’origine. Les artefacts du type poussières et rayures ont été mises au ban (des accusés), le noir et blanc est littéralement sublime et les contrastes ont bénéficié d’un soin tout particulier : un impressionnant upgrade par rapport au DVD. Côté son, Coin de mire Cinéma nous propose de découvrir le film en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, dans un mixage disposant d’une belle clarté, et d’une parfaite stabilité. Les voix sont claires, la musique est bien mise en valeur : c’est impeccable !
Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose comme à son habitude de reconstituer chez soi l’intégralité d’une séance de cinéma, comme à l’époque de la sortie du film. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 42ème semaine de l’année 1955 (11 minutes). Le premier sujet est consacré à l’Assemblée générale de l’ONU, qui vote l’inscription de « l’affaire algérienne » à l’ordre du jour, malgré les protestations des français. Pour nous montrer les bienfaits de la présence coloniale française, le journal nous emmène ensuite à Diar el Mahçoul, cité construite sur les hauteurs de la ville d’Alger par l’architecte Fernand Pouillon et « sonnant le glas d’un Bidonville qui était la honte d’un passé révolu ». Direction le Maroc par la suite, avec une poignée d’affrontements sanglants à Imouzzer Marmoucha, puis sans transition, on passera aux danses soviétiques du Palais de Chaillot, qui s’avèrent sacrément acrobatiques dans leur genre (certains pas évoquent vraiment des coups spéciaux de Street Fighter II). Place aux bourrins ensuite avec le Prix de l’Arc de Triomphe, et aux footeux avec le match France-Suisse (2-1 pour la France). On continuera avec une distribution de fusils à Oran, un retour rapide à Imouzzer Marmoucha, puis un petit topo sur l’emprunt « Acier 1955 ». On terminera en couleurs, avec un sujet automobile à destination des femmes, voitures Renault, nouvelle collection de chez Pierre Clarence et salon de l’auto.
Après la bande-annonce de Gas-oil, on continuera la séance avec une page de réclames publicitaires de cette année 1955 (9 minutes). On commencera avec les esquimaux Miko, pour enchaîner avec les sachets surprises Krema, les shampooings Dop pour toute la famille, et un petit dessin animé pour les chapeaux Mossant. Le catalogue Simmons vous proposera plusieurs fauteuils convertibles, puis un nouveau dessin animé nous vantera les mérites de la cuisine à l’Astra. On continue avec le magasin Baby-Confort, les biscottes Anco, et retour à l’animation avec un petit film de marionnettes consacré aux draps Agalys. On terminera avec une publicité dédiée aux mérites du parapluie, détournant la chanson de Brassens « Le parapluie » (1952).