Test Blu-ray : Chasse à l’homme

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Chasse à l’homme

États-Unis : 1993
Titre original : Hard target
Réalisation : John Woo
Scénario : Chuck Pfarrer
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Lance Henriksen, Yancy Butler
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h33
Genre : Action
Date de sortie cinéma : 17 novembre 1993
Date de sortie DVD/BR : 7 juillet 2021

Chance, un sans abri de la Nouvelle Orléans, accepte d’aider Natasha Binder à retrouver son père. Il ne tarde pas à découvrir le corps de ce dernier, un ancien officier des Forces Spéciales, éliminé par le gang des chasseurs d’hommes du cruel Emil Fouchon. Ce dernier lance son gang après Chance…

Le film

[4/5]

Au début des années 90, quand le public français a commencé à découvrir en VHS importées du Royaume-Uni ou en Laserdisc les films d’action made in Hong Kong, les amateurs de cinéma « musclé » ont commencé à bouder les films d’action américains, au profit de leurs équivalents Hongkongais. Quelques rares exceptions existaient certes (on pense à Arnold Schwarzenegger par exemple, qui entre 1990 et 1994 a toujours su s’entourer de cinéastes passionnants), mais dans l’ensemble, le cinéma de Hong-Kong surpassait largement les Etats-Unis en termes de savoir-faire : découpage, montage, mise en scène… L’action y était clairement remise sur le devant de la scène plutôt que d’être reléguée à des réalisateurs de seconde équipe torchant leurs scènes à la va-vite.

Plus question alors pour l’esthète éclairé de se satisfaire des bandes d’exploitation tournées par Jean-Claude Van Damme, Dolph Lundgren ou Steven Seagal : par snobisme pur, beaucoup de cinéphiles se tournaient à l’époque uniquement vers Hong-Kong, seul pays des possibles pour ceux qui se régalaient de se repasser en boucle la scène du restaurant de The killer, ou celle du hangar dans A toute épreuve. La réhabilitation de l’œuvre des différents acteurs abonnés aux tatanes et aux coups de pieds retournés ne se ferait que quelques années plus tard – en gros au moment de la rétrocession : peu de films d’action furent en effet produits à Hong-Kong entre 1997 et 2000, et l’avènement du format DVD incitait à la redécouverte des films auxquels on avait pu tourner le dos avant 1997.

Mine de rien, et d’une façon assez étonnante, à sa sortie en 1993, Chasse à l’homme avait déjà posé les bases d’une réconciliation entre l’Orient et l’Occident, du moins sur le terrain du cinéma d’action. Il s’agissait en effet du tout premier film américain de John Woo, et pour nombre de spectateurs des années 90, du premier film de Jean-Claude Van Damme qu’ils découvraient. Et quelle découverte ! Conçu comme un pur film de divertissement aux accents de western urbain, le film a essentiellement permis à John Woo de se « faire la main », tout en recyclant une partie des motifs esthétiques qui avaient fait sa gloire.

Impossible donc de ne pas penser à Chow Yun Fat en découvrant Jean-Claude Van Damme vêtu d’un long imperméable ; impossible de ne pas voir dans la scène d’ouverture de Chasse à l’homme des échos de la scène du port d’A toute épreuve ; impossible aussi et surtout de ne pas retrouver la « patte » de John Woo dans la scène finale, qui reprend à son compte quelques idées visuelles développées sur The killer et A toute épreuve, tout en en amenant de nouvelles, qui seront à leur tour recyclées sur Volte-face en 1997. Et le fait est que malgré ses défauts, Chasse à l’homme s’impose comme un pur film de John Woo. Dans le deuxième acte du film, Woo se révèle plus que jamais être un brillant architecte de l’espace cinématographique, profitant au mieux de l’espace qui lui est fourni pour nous livrer certaines des séquences d’action les plus époustouflantes jamais vues dans un film américain.

On admettra cela dit sans mal que Chasse à l’homme est également un film de « transition » : John Woo n’y a pas encore réellement les coudées franches afin de laisser libre cours à sa sensibilité comme il le ferait par la suite sur un film tel que Volte-face. Il s’agit également d’un film de Van Damme, conçu pour mettre l’acteur en avant, et John Woo ne manquera pas de le faire, de façon parfois très exagérée (Van Damme y enchaine les cabrioles et les sauts périlleux). Pour autant, ce mariage à priori contre-nature donne à l’écran un résultat particulièrement génial dans son genre, et vraiment très attachant. Un curieux mélange de sensibilités contraires, sur fond de gunfights et de cascades extrêmement violentes, qui nous livre au final l’une des meilleures séries B d’action des années 90.

Prenant place dans les bas-fonds de la Nouvelle Orléans, présentée comme une ville sans loi où la vie ne vaut pas grand-chose, Chasse à l’homme met donc en scène Jean-Claude Van Damme dans la peau d’une espèce de cowboy urbain, arborant coupe mulet et cheveux gras. Il se voit confronté deux méchants mémorables, incarnés par Lance Henriksen et Arnold Vosloo. Le personnage interprété par Vosloo se nomme d’ailleurs Van Cleaf, si vous n’aviez pas encore capté qu’on était en plein western. Et comme le dit l’adage populaire, « Un bon western repose en partie sur un bon méchant ». Le film témoigne dès lors presque naturellement d’une admiration certaine de John Woo pour ses deux méchants, et en particulier pour Lance Henriksen, qui s’avère vraiment extraordinaire dans ce rôle basé sur tous les excès. L’acteur se régale manifestement à en faire des caisses dans la peau de cette ordure machiavélique, développant une aura presque démoniaque durant les dernières séquences du film. Pas subtil pour deux sous, Chasse à l’homme n’évite d’ailleurs pas les clichés les plus éculés des années 90 concernant ce personnage, censé représenter toute la décadence de la société occidentale : il est ainsi présenté un aristocrate oisif, immensément riche, français (son nom est Fouchon) et supposément homosexuel (sa relation avec Van Cleaf est teintée de trouble).

On l’a bien compris : John Woo n’est là ni pour gommer les ambiguïtés du scénario, ni même pour remettre en question les codes du genre – le scénario de Chuck Pfarrer est à ce titre parfaitement fonctionnel et sans surprise. Le cinéaste hongkongais est aux commandes de Chasse à l’homme pour mettre en scène l’action, et à ce niveau-là, le film ne déçoit pas, puisqu’il est rempli de démonstrations de savoir-faire, de cascades et de gunfights insensés chorégraphiés avec une science du chaos qui confine vraiment au génie. Le personnage de Van Damme ne se contente pas d’envoyer ses ennemis ad patres, il vole littéralement dans les airs, conduit une moto debout en équilibre sur la selle, parle avec les pigeons, assomme les serpents en leur collant des pains dans la gueule. Mis en scène par n’importe qui d’autre, Chasse à l’homme aurait été du dernier ridicule. Devant la caméra de John Woo, on touche en revanche au génie.

Le Blu-ray

[4/5]

Sorti au mois de février dans un Combo Blu-ray + DVD + Livret, Chasse à l’homme revient ce mois-ci dans une édition Blu-ray « simple », toujours sous les couleurs d’ESC Éditions. Comme à son habitude, l’éditeur français nous livre un Blu-ray de grande qualité. Le film nous est présenté dans sa version « unrated », plus longue de quelques minutes que la version cinéma jusqu’ici disponible au format Blu-ray. Le travail d’encodage a été fait de façon scrupuleuse, en respectant le grain d’origine ainsi que la patine de couleurs du film, la définition est précise, et la galette propose un beau piqué et des noirs profonds. Du très beau travail que l’on retrouve également côté son, puisque VF et VO sont mixées en DTS-HD Master Audio 5.1, et les deux mixages s’avèrent étonnamment dynamiques au regard de leur âge. Les quelques passages non doublés sont évidemment proposés en VO sous-titrée.

Du côté des suppléments, on retrouvera dans un premier temps un retour sur les films de chasse à l’homme par Arthur Cauras (20 minutes). Connu de certains cinéphiles sous le nom de « Colossus », Arthur Cauras est ici présenté comme réalisateur (on connaît notamment son travail pour le collectif Forge) et « traqueur professionnel ». Il reviendra avec une passion communicative sur les différentes facettes de ce sous-genre, tout en citant une flopée de classiques du genre, allant de La proie nue à Predator en passant par Rambo, Le prix du danger ou Running man. S’il fait preuve d’une grande variété et argumente ses idées avec talent, on pourra regretter que quelques petits classiques du genre aient été laissés de côté – on pense par exemple à La dixième victime (Elio Petri, 1965) ou au très efficace Que la chasse commence (Ernest R. Dickerson, 1994). Les prises de vue et le générique sont également signés de jeunes réalisateurs français de talent, puisqu’on les doit respectivement à Ludovic de Gaillande (Vardøger, Une lumière dans la nuit) et Pierre-Henri Debiès (Escape from Midwich Valley). On passera ensuite à la présentation du film par Christophe Gans (36 minutes). Passionné par son sujet, le critique / cinéaste remettra le film dans son contexte de tournage et évoquera le « malentendu » autour du film, né des visions artistiques radicalement différentes de Jean-Claude Van Damme et de John Woo. Références au film de chevalerie, au western spaghetti, particularités formelles du cinéma de John Woo, différences entre les montages… Tous les sujets sont abordés par Christophe Gans, qui s’avère comme toujours assez passionnant. On boit ses paroles, au gars !

Voilà pour le tour des suppléments… Du moins en apparence ! Car vous pourrez vous rendre compte qu’en appuyant sur le bouton « Pop up menu » de votre télécommande lors de la présentation du film par Christophe Gans qu’un menu caché est en fait disponible sur le Blu-ray de Chasse à l’homme. Comme évoqué par Arthur Cauras dans son sujet, une belle « surprise » est disponible ici : il s’agit du Workprint – copie de travail – du film, la version que John Woo préfère, d’une durée de 1h56. Un montage rare et précieux, passionnant, qualifié d’orgasmique par Christophe Gans – à voir au moins une fois, et même si la qualité du master est carrément merdique (niveau VHS, avec un Timecode). On trouvera également dans ce « menu caché » un sujet consacré aux coulisses du film (17 minutes), nous proposant des entretiens avec John Woo, Chuck Pfarrer (scénariste), Russell Carpenter (directeur photo) ou Bob Murawski (monteur). Mais on trouvera également des interventions de plusieurs stars du grand écran louant le talent de John Woo, tels que Quentin Tarantino, Sam Raimi, Chow Yun-fat ou encore Walter Hill, le seul cinéaste américain (avec John McTiernan peut-être) qui eut été capable de rivaliser avec John Woo sur le plan de l’action pure dans les années 90. On terminera enfin avec un making of d’époque (7 minutes) également repiqué d’une VHS, ainsi qu’avec le teaser d’une interview de Van Damme réalisée pour la TV, le film-annonce et les spots TV.

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