Test Blu-ray : Cannibal Man – La semaine d’un assassin

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Cannibal Man – La semaine d’un assassin

Espagne : 1972
Titre original : La Semana del asesino
Réalisation : Eloy de la Iglesia
Scénario : Eloy de la Iglesia, Antonio Fos
Acteurs : Vicente Parra, Emma Cohen, Eusebio Poncela
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h47
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie cinéma : 27 septembre 1973
Date de sortie BR/DVD : 19 avril 2022

Employé dans une usine de découpe de viande, Marcos vit solitaire entre misère et déprime, dans sa cité d’immeubles gris, malgré sa petite amie Paula. Un soir que les deux s’embrassent sur la banquette arrière d’un taxi, le chauffeur les fait sortir et gifle la jeune fille. Marcos le tue involontairement. Paula le poussant à aller voir la police, il la supprime également. Mais chaque nouveau meurtre entraîne un témoin que Marcos doit éliminer. Il va se retrouver ainsi au centre d’une spirale meurtrière à laquelle il ne pourra pas échapper…

Le film

[4/5]

Cannibal Man – La semaine d’un assassin est un film que la plupart des cinéphiles issus de la Génération VHS ont découvert par le biais d’une édition vidéo sortie chez Scherzo Vidéo il y a presque quarante ans maintenant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le film d’Eloy de la Iglesia avait fait débat à l’époque parmi les cercles de cinéphages français, notamment quant à son appartenance ou non au genre fantastique.

Cette interrogation pourra subsister de nos jours, en grande partie en raison d’une séquence, prenant place au début du film, et s’avérant extrêmement dérangeante, notamment parce qu’elle confère au film – à ce moment-là du moins – un aspect profondément réaliste, et même quasiment documentaire. Cette scènee, profondément marquante pour quiconque a vu Cannibal Man, se déroule dans un abattoir où travaille le héros du film : on y découvrira de façon très crue et graphique ce qui se passe dans un abattoir, où le bétail est tué, éviscéré et préparé afin d’être « consommé » par le plus grand nombre. Même cinquante ans plus tard, cette scène conserve une puissance d’évocation absolument considérable, et pourrait encore inciter de nos jours certains spectateurs à devenir végétariens après l’avoir découverte : vous voilà prévenus.

L’impression de « réalité » qui se dégage de cette scène d’abattoir pose ainsi la question de l’appartenance au genre fantastique, de façon bien plus troublante que sur d’autres films mettant en scène des tueurs psychotiques. L’idée d’Eloy de la Iglesia était probablement de remuer le spectateur en allant bien au-delà du fait de simplement choquer les gens avec des scènes graphiques de meurtre, et ce même si Cannibal Man en contient bel et bien, et même si la notion de réalisme n’est pas non plus ce qui marquera le plus nettement la deuxième partie du métrage, bien au contraire. Cependant, cette scène contribue à faire du film d’Eloy de la Iglesia un étrange mélange de cinéma d’Art et Essai et de cinéma d’exploitation le plus sordide, qui mène au final à un spectacle assez unique.

D’ailleurs, son héros Marcos incarné par Vicente Parra n’est pas un psychotique à proprement parler : il ne réagit pas à des pulsions de mort à la façon des personnages évoluant dans Maniac (William Lustig, 1980) ou Schizopherina, le tueur de l’ombre (Gerard Kargl, 1983). Marcos est davantage un type malchanceux, qui deviendra un tueur en série presque par accident, chaque nouveau meurtre étant perpétré afin de brouiller les pistes qui pourraient permettre à la police de remonter jusqu’à lui, comme dans une espèce d’effet domino meurtrier.

Une autre particularité de Cannibal Man se situe dans son titre. Si le titre original espagnol du film, La Semana del Asesino, a été réutilisé en guise de sous-titre dans plusieurs pays d’Europe, le film d’Eloy de la Iglesia s’est surtout fait connaître à l’international sous les titres Cannibal Man et The Apartment on the 13th Floor – cela pourra bien sûr paraître un peu bizarre, dans le sens où le film ne contient aucune scène de cannibalisme, ni appartement au 13ème étage. Marcos au contraire vit dans une maison délabrée au milieu de nulle-part, en face de chez Néstor (Eusebio Poncela), un personnage solitaire et manifestement homosexuel (qui quant à lui vit bien dans un grand ensemble de tours) qui semble susciter un certain intérêt refoulé chez Marcos.

Soignant son ambiance, et mettant souvenant en évidence une atmosphère suffocante proche de la folie, Eloy de la Iglesia s’inspire par bien des aspects de Repulsion, réalisé quelques années plus tôt par Roman Polanski. Bien que Cannibal Man soit occasionnellement violent – voire même gore, le film parvient dans l’ensemble à jouer la carte de la suggestion plutôt que de l’horreur frontale : on pense par exemple à cette pièce remplie de cadavres en décomposition, le plus souvent présentée au spectateur par le biais du bruit sourd et entêtant des mouches qui y bourdonnent. Dans le même ordre d’idées, le film s’avère occasionnellement plutôt stylisé, comme durant cette séquence présentée par le biais d’un lent travelling montrant l’ombre de Marcos avec son couperet projetée contre un mur intérieur où un cadre de porte vous empêche de voir ce qui se passe. Bien sûr, le fait que Marcos travaille dans un abattoir joue également un rôle dans l’intrigue, ce qui pourra probablement expliquer le fait que les distributeurs américains aient opté pour une référence au cannibalisme pour l’exploitation du film (en mode Barbaque, Delicatessen, Eating Raoul, Les bouchers verts ou même Sweeney Todd).

Le Combo Blu-ray + DVD + Livre

[4,5/5]

Inédit en vidéo depuis sa sortie en VHS, Cannibal Man – La semaine d’un assassin s’offre aujourd’hui une édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films, et intègre les rangs de sa collection « Cine de terror » consacrée au cinéma fantastique espagnol. Le singulier métrage d’Eloy de la Iglesia débarque donc dans une belle édition Blu-ray, contenant également un « petit » livre de 60 pages consacré au film et signé de la plume de l’excellent David Didelot, fondateur et pilier historique du fanzine Vidéotopsie. Il y reviendra de façon assez passionnante sur tout le processus de production du film.

Le master Blu-ray de Cannibal Man – La semaine d’un assassin, stable et propre, a été restauré et s’affiche aujourd’hui débarrassé de la moindre trace de griffes ou autres poussières. Le grain argentique a été scrupuleusement préservé, la définition est accrue, le piqué précis, contrastes et couleurs sont solides, et le film s’offre une profondeur de champs inédite. Le transfert est indubitablement soigné, et la qualité du travail de l’éditeur ne se dément à nouveau pas du tout, même si, bien sûr, les plans en basse lumière et les plans « à effets » accusent un peu du poids des années ; cela dit, la présentation du film dans son ensemble ne manquera pas de vous étonner. Côté son, on pourra savourer le film en version originale, la piste espagnole étant mixée en LPCM Audio 2.0 et proposant un confort d’écoute optimal. Clair et équilibré, le mixage nous arrive vierge de tout parasite, larsen ou autre pétouille sonore. Du très beau travail.

Du côté des suppléments, on précisera tout d’abord que le Blu-ray contient également le montage américain du film (1h39), en plus de la version intégrale espagnole (1h47). Les différences entre les deux versions sont reprises dans le livret de David Didelot. Pour les bonus à proprement parler, on commencera tout d’abord avec une présentation du film par Emmanuel Le Gagne (31 minutes). Il commencera en abordant le fait que le cinéma de genre espagnol soit très peu représenté en vidéo en France, puis, comme à son habitude, reviendra sur la filmographie d’Eloy de la Iglesia, en abordant dans le détail la plupart de ses films, avant de revenir, dans le dernier tiers de son intervention, plus précisément sur Cannibal Man. On continuera ensuite avec un entretien avec Gaspar Noé (16 minutes). Le cinéaste commencera par se réjouir de la sortie d’un film d’Eloy de la Iglesia en France, avant d’aborder le tournage du film, ses démêlés avec la censure, et sur les nombreuses qualités du film, qu’il voit comme une « comédie trash ». On terminera enfin avec la bande-annonce et la galerie de photos. Pour vous procurer cette édition Blu-ray + DVD + Livret, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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