Test Blu-ray : Cannibal Ferox

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Cannibal Ferox

Italie : 1981
Titre original : –
Réalisation : Umberto Lenzi
Scénario : Umberto Lenzi
Acteurs : Giovanni Lombardo Radice, Lorraine De Selle…
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h33
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 16 juin 1982
Date de sortie DVD/BR : 31 mars 2023

Des étudiants en anthropologie se rendent en Amazonie pour étudier les moeurs des tribus cannibales. Sur place, ils rencontrent Mike et Joe, deux américains trafiquants de diamants et de cocaïne, ayant réduit des indigènes à l’esclavage. A la suite du viol et du meurtre d’une fille de la tribu, les cannibales se révoltent contre leurs tortionnaires. Ces derniers vont être soumis aux pires outrages…

Le Film

[3,5/5]

Quand on évoque le genre du « film de cannibales », la référence immédiate pour la plupart des cinéphiles est Cannibal Holocaust, réalisé par Ruggero Deodato, qui du haut de ses 650.000 entrées / France en 1981, s’est imposé comme « LA » référence du genre. Pour autant, on en oublierait un peu rapidement que le genre du film de cannibales, lui-même dérivé du genre « Mondo », fut initié presque dix ans avant par Umberto Lenzi en 1972 avec Cannibalis : au pays de l’exorcisme. Ce n’est que par la suite que ce genre du cinéma d’exploitation volontiers gerbo-craspec fut remis sur le devant de la scène par Ruggero Deodato, d’abord en 1977 avec Le dernier monde cannibale, puis en 1980 avec Cannibal Holocaust.

Immense succès dans le monde entier, le film de Deodato relança la machine italienne et durant quelques années, les allées des vidéo-clubs français furent littéralement envahies de bandes interlopes mettant en scène des anthropophages dégénérés, à la manière donc du Cannibal Ferox qui nous intéresse aujourd’hui. Ces films étaient d’une manière générale assez généreusement illustré de jaquettes complaisantes, voire franchement dégueulasses, qui forçaient littéralement les ados de l’époque à planquer les VHS sous leurs pulls pour ne pas avoir à subir l’interrogatoire parental. Il y a donc fort à parier pour que pour de nombreux cinéphiles, le film de cannibales transporte avec lui un délicieux fumet d’interdit, au point même de vous en coller une demie-molle rien qu’à l’évocation du titre. Cannibal Ferox. Ah, vous voyez, je vous l’avais dit…

Si les films de Deodato ont fait office de « déclencheur » auprès du grand public, on ne pourra s’empêcher de voir Cannibal Ferox comme une réponse du berger à la bergère de la part d’Umberto Lenzi – une façon de se réapproprier un genre qu’il avait contribué à créer presque dix ans auparavant avec Cannibalis. Ce retour à l’anthropophagerie décomplexée s’est fait en deux temps pour Lenzi : avec La Secte des cannibales tout d’abord, tourné en 1980, puis avec Cannibal Ferox l’année suivante, qui lui permettrait d’approfondir son sujet, et en particulier le mélange entre une intrigue amazonienne et une autre, beaucoup plus urbaine, et située à New York.

Ce mélange, et les efforts faits par Lenzi – également scénariste du film – afin de conserver une intrigue crédible sur ses deux arcs narratifs, permet sans conteste au cinéaste de nous livrer avec Cannibal Ferox l’un des sommets – et même une des pierres angulaires – du film de cannibales de l’époque, et l’un de ceux ayant probablement le plus marqué les mémoires. Et la redécouverte du film quarante ans plus tard nous confortera dans cette idée : le sadisme ambiant du film s’avère toujours efficace. Gratuit et jusqu’au-boutiste, le film impressionne toujours aujourd’hui par le réalisme de ses effets spéciaux, parfois vraiment gratinés.

Ces dérives gore et craspec, qui s’avéraient d’autant plus outrancières qu’elles ne se cachaient pas cette fois sous le recours à un pseudo-snuff movie ou documentaire « mondo » dégénéré (quoiqu’on pourra noter les mises à mort bien réelles de plusieurs animaux), ont probablement largement joué dans la légende de Cannibal Ferox. Et si cela ne peut paraître qu’un petit détail, on soulignera également que la VF du film – assurée entre autres par Patrick Poivey et Gerard Hernandez – a également contribué à créer un malaise supplémentaire chez les jeunes gens l’ayant découvert dans les années 80, dans le sens où ils retrouvaient au cœur du film les voix de leurs personnages de dessins animés préférés (Les Entrechats, Cosmocats, Sherlock Holmes…).

Par ailleurs, même si on pourra penser que la représentation que fait Cannibal Ferox des populations indigènes est assez condescendante, on doit également souligner que le film fait machine arrière à mi-métrage en nous expliquant la teneur réelle des événements racontés dans un premier temps par le personnage de Giovanni Lombardo Radice. On y apprendra donc que le cannibalisme n’était pas une pratique ayant cours dans ce coin de l’Amazonie, et que la consommation d’organes humains fait en réalité partie de rituels guerriers faisant suite à l’agression et à la torture des leurs par « l’homme blanc ». Une espèce de morale donc, qui sous-tend que la violence n’attire jamais que la violence, et qui nous propose une espèce de « twist » narratif assez intéressant dans le dernier acte du film. Par ailleurs, la légende autour du film raconte que Cannibal Ferox aurait été interdit dans 31 pays, ce qui en fait le « Video Nasty » par excellence.

Le Blu-ray

[5/5]

Vous l’attendiez, la voici : la première chronique de la dernière salve de titres édités par Le Chat qui fume, et disponible chez tous vos fournisseurs de culture habituels depuis le mois de mars. Avec Cannibal Ferox, une fois n’est pas coutume, l’éditeur nous propose ici de (re)découvrir un film déjà édité en DVD il y a quelques années, mais le film d’Umberto Lenzi bénéficie pour l’occasion d’une belle édition restaurée et blindée de bonus. Comme d’habitude avec Le Chat qui fume, le tout est ici proposé dans un packaging de toute beauté : un digipack trois volets aux couleurs du film surmonté d’un fourreau cartonné. La conception graphique de l’ensemble est assurée par le talentueux Fred Domont, et il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires.

Côté Blu-ray, le film de Lenzi s’impose d’entrée de jeu dans un master Haute Définition tout à fait resplendissant, affichant une définition et un niveau de détail assez bluffant, tout en respectant scrupuleusement la forte granulation d’origine de la pellicule. Dans l’ensemble, l’image étonne par sa propreté et sa stabilité, et le rendu des couleurs et des contrastes semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier. Point de trace de DNR ou autres bidouilles numériques à l’horizon. Côté son, nous aurons droit à des pistes DTS-HD Master Audio 2.0 en VO italienne et VF. Comme on l’a déjà dit un peu plus haut, le doublage de la version française s’avère particulièrement attachant, surtout pour qui aura eu le loisir de découvrir le film en VHS il y a une trentaine d’années. On notera que le film est proposé en version intégrale et que quelques très courts passages en VO sont réintégrés au métrage et proposées en version originale sous-titrée.

Du côté des suppléments, Le Chat qui fume continue de nous proposer des bonus riches et variés, même si dans le cas présent, tous les modules disponibles sur cette édition Blu-ray de Cannibal Ferox sont tirés de l’édition américaine du film, sortie en 2015. On commencera donc par un entretien avec Umberto Lenzi (20 minutes), qui reviendra sur la genèse de Cannibal Ferox et sur son tournage en Colombie, pour le moins mouvementé. Le cinéaste reviendra sans langue de bois sur les multiples problèmes qu’il a rencontré, notamment avec son acteur principal Giovanni Lombardo Radice.

On enchainera ensuite par un entretien avec Gino De Rossi (25 minutes), superviseur des effets spéciaux du film, qui reviendra sur sa collaboration avec Umberto Lenzi, ainsi que, plus particulièrement, sur la création des effets sur Cannibal Ferox. D’une façon assez amusante, il a conservé les fameux « crochets » insérés dans la poitrine de Zora Kerova au cours de sa fameuse scène de torture. On continuera justement avec un entretien avec Zora Kerova (25 minutes). L’actrice reviendra sur le contexte de tournage du film, et l’opportunité offerte par de tourner en dehors de Rome. Elle se remémorera quelques anecdotes de tournage intéressantes, même si son ton est relativement consensuel.

On enquillera avec un entretien avec Danilo Mattei (21 minutes), qui ouvre l’interview en affirmant que Cannibal Ferox n’est probablement pas le film le plus intéressant de sa filmographie, et qu’il l’a accepté pour des raisons financières. Pour autant, il partagera une poignée d’anecdotes assez surprenantes sur le tournage en Colombie, notamment concernant la violence régnant dans les rues et la facilité d’accès à la cocaïne. On terminera enfin par ce qui s’avérera de loin le meilleur module de cette galette Blu-ray de Cannibal Ferox : un entretien carrière avec Giovanni Lombardo Radice (51 minutes). L’acteur, qui est malheureusement décédé il y a quelques semaines, reviendra sans la moindre langue de bois sur son parcours professionnel. Passionnant et souvent assez drôle, l’acteur évoquera les différents films de genre ayant émaillé sa filmograhie, de La Maison au fond du parc à Frayeurs en passant, bien sûr, par Cannibal Ferox, son addiction à la cocaïne et ses prises de tête avec Umberto Lenzi. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

2 Commentaires

  1. « Twist » narratif » ??? Ehhh ? Et si vous vous contentiez de parler correctement français, vous n’auriez ainsi pas besoin d’employer de l’anglais entre guillemets au sein d’une formule bancale ! Il convient plutôt de parler de « rebondissement » ou de « coup de théâtre » voire même si cela vous semble trop court de « retournement de situation ». Toi y en a être allé à l’école dans ta djeuness ?

    • Bonjour Stan,

      Un grand merci pour votre remarque, qui nous permet de constater à quel point l’humour et la langue française ont pu évoluer ces quarante dernières années. Ainsi, si l’on en croit le Petit Robert:

      Twist (n. m.) : retournement de situation d’un film ou d’une œuvre. Structure narrative utilisée le plus souvent au cinéma dans laquelle une fin inattendue amène le spectateur à voir l’histoire sous un angle différent et le pousse vers une nouvelle interprétation de l’ensemble.

      Ex : « L’effacement du twist narratif et le retrait de l’épisode unitaire du débat social privent les spectateurs du temps pour enquêter parmi les épisodes. » Matteo Treleani, François Jost
      « Les twists et la menace d’être spoilé qu’ils portent en eux en viennent naturellement à s’effacer derrière la forme macroscopique du récit. » Benjamin Campion

      Merci pour votre intérêt !

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