Brisby et le secret de NIMH
États-Unis : 1982
Titre original : The Secret of NIMH
Réalisation : Don Bluth
Scénario : Don Bluth, Gary Goldman, Will Finn, John Pomeroy
Acteurs (VO) : Elizabeth Hartman, Derek Jacobi, Dom DeLuise
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h23
Genre : Animation
Date de sortie cinéma : 8 décembre 1982
Date de sortie DVD/BR : 24 juillet 2024
L’histoire de Madame Brisby, une gentille maman souris qui décide de remuer ciel et terre pour sauver sa famille de la charrue du fermier Fitzgibbon. En chemin, elle reçoit l’aide d’un corbeau en mal d’amour, d’une souris voisine et d’un grand hibou. Malheureusement, Mme Brisby aurait besoin d’un miracle mécanique pour déplacer sa maison. Pour cela, elle doit affronter un mystérieux rat, se débarrasser d’un chat féroce et récupérer une amulette magique…
Le film
[4,5/5]
Il est difficile de ne pas lier la production de Brisby et le secret de NIMH à la carrière de son scénariste / réalisateur Don Bluth. Ayant commencé à travailler pour les studios Disney dans les années 50, il a collaboré en tant qu’animateur sur des films tels que Robin des Bois ou Les Aventures de Bernard et Bianca. Faisant partie d’une génération d’animateurs de Disney préparés à prendre la direction une fois que la vieille garde aurait lâché les rennes, Don Bluth était un jeune loup prometteur au sein du studio.
Tout au long des années 70 cependant, le futur réalisateur de Fievel et le Nouveau Monde s’était plaint des coupes budgétaires menées par la direction de Disney, et durant la production de Bernard et Bianca, un groupe d’animateurs travaillant dans son équipe s’était vue confier la production de Rox et Rouky (1981). Don Bluth avait vécu cet épisode comme un camouflet dans son ascension hiérarchique, et était parvenu à convaincre une dizaine de ses proches collaborateurs (dont John Pomeroy) de démissionner à partir 13 septembre 1979, date de son anniversaire.
Ces départs en masse furent une source importante d’embarras pour les studios Disney à l’époque, mais ils permirent à Don Bluth d’obtenir l’aide financière de Richard Irvine et James Stewart, deux anciens responsables de la maison Mickey : il put ainsi monter Don Bluth Productions, une société dont la raison d’exister était de maintenir vivantes les traditions de « l’âge d’or » de l’animation. Don Bluth put ainsi lancer la production de Brisby et le secret de NIMH, un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps et qui avait été proposé à Disney, mais rejeté parce qu’il avait été jugé trop sombre.
Et c’est vrai qu’avec son atmosphère très marquée par la mort et la maladie, ses décors évoquant souvent les peintures « Dark Fantasy » de Frank Frazetta et ses personnages aux allures lugubres, Brisby et le secret de NIMH peut étonner par sa noirceur. Mais en grand admirateur de Walt Disney, qui avait également versé dans une certaine obscurité avec son Fantasia en 1940, Don Bluth savait pertinemment que les enfants étaient tout à fait capables de surmonter ces éléments effrayants, surtout dans le sens où ceux-ci n’empêchaient pas le traditionnel happy-end.
En effet, en dépit de sa tendance à verser dans une atmosphère sombre, le cinéma de Don Bluth conserve en effet l’optimisme des grands classiques de l’animation made in Disney : on est loin de la violence clinique et de l’atmosphère déprimante des films d’animation du britannique Martin Rosen. Pour autant, par certains aspects, Brisby et le secret de NIMH peut évoquer le cinéma de Martin Rosen : on retrouve dans le film de Don Bluth une certaine violence, avec des personnages qui meurent et la présence de sang, comme dans La Folle Escapade (1978). Une partie de l’intrigue du film est également centrée autour des expériences scientifiques menées par le NIMH sur des animaux – un élément que l’on retrouve également dans l’intrigue de The Plague Dogs (1982).
Côté animation, Brisby et le secret de NIMH s’impose sans peine comme un véritable petit trésor de dessin animé old school. Certaines scènes s’imposent d’entrée de jeu comme de véritables classiques instantanés, à la façon de la sublime scène du tracteur se dirigeant vers la maison de madame Brisby. Le rythme est excellent, et la narration passe essentiellement par l’action et le dialogue, Don Bluth n’ayant recours qu’à une seule chanson durant toute la durée du film. Pour autant, tout n’est pas tout à fait parfait au cœur du film de Don Bluth : on pourra en effet trouver que le nombre de personnages et d’intrigues secondaires est trop important pour réellement parvenir à cerner les motivations de chacun, qui tendent parfois à manquer de profondeur (Jenner, Justin…). Dans le même état d’esprit, le plan de Nicodemus pour l’indépendance des rongeurs est assez flou ; on imagine qu’il s’agit d’une métaphore, mais on peine à en saisir la signification.
Cependant, les menus défauts de construction narrative de Brisby et le secret de NIMH ne suffiront pas à nous saper le plaisir, dans le sens où ils sont largement compensés par l’atmosphère, l’animation et plus largement le character design du film, qui s’avère réellement impressionnant. L’intrigue est par ailleurs amenée au spectateur avec une sensibilité rare, qui est probablement le fruit de sa fabrication artisanale et de la contagieuse énergie créative de Don Bluth et de ses équipes. En deux mots comme en cent, Brisby et le secret de NIMH demeure encore aujourd’hui – soit plus de quarante ans après sa sortie – un véritable petit classique de l’animation, à voir et à revoir en famille.
Le Combo Blu-ray + DVD + Goodies
[5/5]
Il nous faut saluer bien bas l’excellente initiative de Rimini Éditions, qui après avoir sorti Fievel et le Nouveau Monde et Rock-O-Rico sur support Blu-ray, nous propose aujourd’hui également de redécouvrir Brisby et le secret de NIMH en Haute-Définition. Comme les autres films de Don Bluth édités par Rimini en 2021 et 2022, le film s’offre une édition « Collector limitée » Combo Blu-ray + DVD qui nous est proposée dans un packaging luxueux et vraiment très classe que vous serez fiers d’afficher sur vos étagères : un digipack trois volets aux couleurs du film, surmonté d’un fourreau reprenant en façade le superbe visuel de l’affiche du film. On notera également la présence dans le boitier de cinq cartes postales tirées du film.
Côté Blu-ray, s’il a indéniablement pris un coup de jeune par rapport à son équivalent Blu-ray sorti chez MGM en 2012, le master du film n’en est pas pour autant exempt de petits défauts, comme de petites traces sur la pellicule, mais qui apportent également curieusement un petit « plus » à l’animation légèrement surannée du film. L’image est globalement superbe, mais met encore d’avantage en évidence les « limites » de l’animation de l’époque ; on peut néanmoins considérer que ces petits défauts font également sa beauté. Les couleurs sont flamboyantes, et le grain cinéma a fait l’objet d’une préservation maniaque. Du très beau travail ! Côté son, on se laisse convaincre sans le moindre souci par les deux mixages, la VF d’origine et la VO étant proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, et s’avérant toutes deux parfaitement propres et stables, sans distorsion notable. Pour les amateurs de versions françaises estampillées 80’s, on notera que le doublage de Brisby et le secret de NIMH est assuré par Micheline Dax, Jean Martinelli, Marc François, Jacques Balutin, Georges Atlas et Jane Val dans le rôle de Madame Brisby.
Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord une présentation du film par Xavier Kawa-Topor (27 minutes). Il y reviendra sur l’histoire de Don Bluth et du groupe des transfuges de Disney, et notera les merveilles effectuées par Don Bluth en dépit d’un budget réduit (six millions de dollars, soir la moitié du budget d’une production Disney) et de délais de production rapides (30 mois). Il nous apprendra que le dépassement de budget de 700.000 dollars a été assuré par Don Bluth lui-même, qui a hypothéqué ses biens pour terminer son film. Il reviendra sur les ajouts faits par les scénaristes de Brisby et le secret de NIMH par rapport au livre de Robert C. O’Brien dont il est l’adaptation : le talisman et la notion de « magie », le rôle plus important de Jérémy en tant que contrepoint comique, et bien sûr le nom Frisby modifié en Brisby. Enfin, il aura quelques mots pour la musique de Jerry Goldsmith, à la tonalité épique et sombre, ainsi que sur les qualités du travail de Don Bluth, notamment sur les jeux de lumières, sur la noirceur visuelle et thématique de l’ensemble, ainsi que sur le succès modéré du film dans les salles à l’époque de sa sortie. Intéressant !
On continuera ensuite avec un passionnant making of d’époque (52 minutes), introduit et présenté par Don Bluth. On y découvrira les différents looks envisagés pour Madame Brisby ainsi que la maquette de sa maison, John Pomeroy s’attardera sur la création de divers personnages (le grand Hibou, Nicodemus, Jérémy…), et on s’attardera sur l’enregistrement des voix, qui a été fait avant l’animation en tant que telle, et qui nous permettra de profiter de la fantaisie débridée de Dom DeLuise. Une des sessions d’enregistrement des dialogues le montre d’ailleurs en compagnie de Shannen Doherty, qui vient tout juste de disparaître et qui était alors âgée de dix ans. Le reste de ce documentaire reviendra sur les différentes étapes de la fabrication d’un film d’animation, en s’attardant notamment sur les mouvements des lèvres et les différents impératifs narratifs. Gary Goldman révélera que plus de 1500 dessins étaient nécessaires afin d’obtenir une scène de 10/12 secondes à l’écran, Don Bluth révélera qu’entre 500 et 800 décors ont été utilisés au cours de la création de Brisby et le secret de NIMH, et on reviendra longuement sur le processus de création et de colorisation des cellulos. Un documentaire for-mi-da-ble. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.
merci pour ce chouette article sur ce très beau film. J’aurais raté ce blu-ray sinon.