Brelan d’as
France : 1952
Titre original : –
Réalisation : Henri Verneuil
Scénario : Jacques Companéez, André Tabet
Acteurs : Michel Simon, Raymond Rouleau, Van Dreelen
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h57
Genre : Policier, Film à sketches
Date de sortie cinéma : 10 octobre 1952
Date de sortie DVD/BR : 9 avril 2021
En cette bonne année 1952, on peut se promener partout dans les rues, les cafés, les bus, le métro, on ne voit que des gens complétement absorbés par les pages de leur roman de gare. Mais qui peut bien les fasciner autant pour qu’ils soient à ce point coupés de tout ce qui les entoure ? En y regardant de plus près, trois personnages de roman se disputent la partie : Le détective Wens, l’agent du FBI Lemmy Caution et le commissaire Maigret. Tous les trois sont confrontés à des meurtres qu’il faut élucider…
Le film
[3,5/5]
Deuxième long-métrage d’Henri Verneuil, Brelan d’as a la particularité notable d’être un des rares films du début de la carrière du cinéaste à ne pas mettre en scène Fernandel. En effet, l’acteur et le réalisateur tourneraient entre 1951 et 1959 rien de moins que huit longs-métrages ensemble. Pour autant, Verneuil passait ici d’un monument de la culture populaire à un autre, puisque Brelan d’as rend hommage à une certaine littérature policière, souvent qualifiée de « roman de gare ».
Ainsi, une quarantaine d’années avant le Tarantino de Pulp fiction, Verneuil et son équipe saluaient à leur manière le roman populaire, montrant dans l’introduction du film l’attrait de celui-ci sur toutes les couches de la population. « Comment, vous, monsieur, décoré de la Légion d’Honneur, abonné au Journal Officiel, et vous aussi, madame ? Vous aimez cette littérature sans prestige ? Mais que vont penser vos amis ? » A travers trois histoires adaptées des « grands noms » du roman de gare, Brelan d’as tente donc de retrouver l’âme du roman policier, secteur littéraire non légitimé par excellence.
Et histoire de ne pas être taxé de publicité déguisée pour les pages de la « Série Noire » de chez Gallimard, les auteurs de Brelan d’as ont fait le choix d’adapter une enquête de l’inspecteur Wens, créé par S.A. Steeman (Le Masque), une aventure de Lemmy Caution, le fameux personnage de Peter Cheyney (Série Noire) et, enfin, une courte investigation du Commissaire Maigret, sorti de l’imagination de Georges Simenon (Presses de la Cité). Trois auteurs à succès pour trois personnages très populaires à l’époque, même si, bien sûr, soixante-dix ans après, tous n’ont pas connu la même pérennité au sein de la culture populaire.
Intégralement réalisé par Henri Verneuil, Brelan d’as appartient donc à la catégorie du « film à sketches », mettant en scène trois histoires indépendantes, avec des personnages distincts et s’offrant même chacun une tonalité assez différente.
La première histoire est donc appelée La mort dans l’ascenseur, et s’avère adaptée d’une nouvelle de Stanislas-André Steeman. Prenant place à Paris, elle met en scène un « mystère » à base de meurtre dans un lieu clos, et fonctionne essentiellement sur des dialogues vifs et souvent drôles, ainsi que sur un postulat de départ saugrenu mais finalement assez amusant. Dans la peau de l’inspecteur Wens, Raymond Rouleau s’amuse visiblement beaucoup, et le spectateur aussi.
Volontiers misogyne, ce sketch débute ainsi sur les chapeaux de roue, les répliques fusent et l’ambiance est réussie. Cependant, Henri Verneuil tend malheureusement un peu à balancer toutes ses cartouches durant ses quinze premières minutes, et, dès la découverte du portrait du voisin du dessus, le spectateur découvrira sans trop de mal le pot-aux-roses. Forcément, cette maladresse amoindrira un peu l’impact de la révélation / démonstration finale, mais dans l’ensemble, il s’agit réellement d’une entrée en matière sympathique.
La deuxième histoire que l’on trouvera au cœur de Brelan d’as s’appelle Je suis un tendre, et mettra en scène le personnage de Lemmy Caution, créé par Peter Cheyney et largement popularisé par Eddie Constantine, qui l’interprétera à quatorze reprises au cinéma et à la TV entre 1953 et 1991. Sorti dans les salles un an avant La môme vert de gris, le film d’Henri Verneuil est d’ailleurs la seule aventure de Lemmy Caution dans laquelle l’espion américain n’est pas incarné par Eddie Constantine, mais par John Van Dreelen, acteur néerlandais ayant partagé sa carrière entre l’Europe et les États-Unis.
Truands en imper et feutres mous, environnement urbain déshumanisé, night-clubs et Femme Fatale : Je suis un tendre s’impose comme un hommage appuyé d’Henri Verneuil au Film Noir américain. Visuellement, ce sketch s’impose probablement comme un solide exercice de style, travaillant de façon habile le cadre et la profondeur de champ afin de livrer au spectateur une poignée de plans spectaculaires. Pour autant, du côté du récit, on aura sans doute un peu plus de mal à se laisser convaincre par le déroulement des événements. Les multiples changements de pays et l’apparition de nouveaux personnages ne permettent pas à Verneuil de tenir suffisamment son récit, qui manque malheureusement un peu de rythme et finit par tirer un peu en longueur.
Peut-être déjà conscient de ses forces et de ses faiblesses en tant que cinéaste, Henri Verneuil a gardé le meilleur pour la fin et nous propose avec la troisième histoire de Brelan d’as ce qui s’imposera sans le moindre doute possible comme la meilleure des trois. Les témoignages d’un enfant de chœur est donc l’adaptation d’une nouvelle de Georges Simenon, et met en scène, pour la seule et unique fois, Michel Simon dans la peau du commissaire Maigret.
Et pour tout dire, découvrir l’acteur de L’Atalante dans la peau de Jules Maigret est la principale attraction de cette courte enquête, essentiellement basée sur les interactions et l’apprivoisement mutuel entre le commissaire et un jeune garçon d’une dizaine d’années ayant été témoin d’un crime. L’ambiance et la mise en scène, qui alterne les passages mettant en scène les terreurs nocturnes du gamin et les moments d’intimité entre le commissaire et « Madame Maigret » sont remarquables, et contribuent réellement à terminer Brelan d’as sur une excellente note.
La collection « La séance »
Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.
Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.
L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Brelan d’as, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC et de Coin de mire Cinéma.
La septième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 9 avril 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 43 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Souvenirs perdus (Christian-Jaque, 1950), Fanfan la tulipe (Christian-Jaque, 1952), Brelan d’as (Henri Verneuil, 1952), Les grandes manœuvres (René Clair, 1955), La poudre d’escampette (Philippe De Broca, 1971) et Les granges brûlées (Jean Chapot, 1973). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.
Le coffret Digibook prestige
[5/5]
Disponible au sein de la septième vague de la collection « La séance » éditée par Coin de mire Cinéma, Brelan d’as s’offre donc un packaging grand luxe : le film est présenté dans un sublime Digibook rempli de goodies et limité à 3000 exemplaires.
Côté Blu-ray, le film d’Henri Verneuil s’impose d’entrée de jeu dans un master Haute Définition tout à fait resplendissant, affichant une définition et un niveau de détail assez bluffant, tout en respectant scrupuleusement la granulation d’origine de la pellicule. Si l’on excepte quelques plans à effets, l’image étonne par sa propreté (adieu tâches et autres poussières disgracieuses) et sa stabilité, et le rendu des contrastes et du noir et blanc semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier. Point de trace de DNR ou autres bidouilles numériques, on regrettera juste un grain peut-être un poil trop accentué lors des passages nocturnes ou en basse lumière. Côté son, nous aurons droit à une piste DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine. Les dialogues sont clairs et bien découpés, et le rendu acoustique global est excellent, même quand plusieurs personnages s’expriment en même temps. Chapeau bas à l’éditeur donc.
Dans la section bonus, outre la traditionnelle et inévitable bande-annonce du film, on se régalera de la possibilité de reconstituer une séance d’époque, avec tout d’abord les Actualités Pathé de la 41ème semaine de l’année 1952 (11 minutes). On commencera avec les tempêtes sur les côtes des Cornouailles ayant provoqué le naufrage d’un dragueur de mines britannique, puis avec le retour de douze aviateurs, britanniques également, jusque-là coincés dans l’Arctique. Après un petit détour par la Royal Air Force, on reviendra pêle-mêle – et entre autres – sur les difficultés de logement des étudiants parisiens, sur le concours d’automne des bergers bavarois (grande réunion de barbus !), sur l’hommage des chefs de tribus prêtant allégeance au roi de Malaisie à Kuala Lumpur ou encore sur le dernier trois-mâts livré par la Finlande à l’URSS au titre de dette de guerre. On continuera avec une page de mode, consacrée à la collection d’automne de Pierre Clarence, présentée au Petit Palais. Au Grand Palais en revanche, c’est le Salon de l’automobile qui bat son plein, avec les derniers modèles de Fiat, Simca ou Renault. On terminera enfin avec un match amical France-Allemagne, gagné 3-1 par les tricolores grâce aux buts de Joseph Ujlaki, Thadée Cisowski et André Strappe.
Après la bande-annonce de Fanfan la tulipe avec Gérard Philipe (« En avant Fanfan la tulipe, en avant Fanfan en avant »), on se régalera d’une sympathique page de réclames publicitaires de cette année 1952 (8 minutes). Au programme de cette page de pubs en mode old school, on trouvera donc les sachets surprises Kréma, mademoiselle Dentblanche, égérie du Super Dentifrice Colgate, les stylos de Toulouse-Stylos (« tellement mieux ! »), la margarine Astra, une amusante course de bébés pour les chaussures Babybotte et le dentifrice Nicota à destination des fumeurs. On terminera enfin avec une pub pour le service Train + Auto de la SNCF.