Black christmas
États-Unis, Nouvelle-Zélande : 2019
Titre original : –
Réalisation : Sophia Takal
Scénario : Sophia Takal, April Wolfe
Acteurs : Imogen Poots, Aleyse Shannon, Lily Donoghue
Éditeur : Universal Pictures
Durée : 1h32
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 11 décembre 2019
Date de sortie DVD/BR : 10 juin 2020
Sur un campus universitaire, lors des vacances de Noël, des filles de la confrérie Mu Kappa Epsilon sont les proies d’un tueur en série…
Le film
[3,5/5]
Sorti sur les écrans courant décembre 2019, Black christmas avait réuni un peu moins de 128.000 spectateurs dans les salles françaises. Si ces chiffres n’ont certes rien d’extraordinaire, on peut néanmoins parler de résultats assez corrects si l’on considère que la période est généralement plutôt trustée par les divertissements familiaux, et que cette nouvelle production Blumhouse nous arrivait auréolée d’une réputation extrêmement peu flatteuse. En effet, fait rarissime : le film affiche une note de 3,2/10 sur le site de référence IMDb.com.
Film précurseur du genre slasher, le Black christmas de Bob Clark (1974) avait déjà fait l’objet d’un remake par Glen Morgan en 2006, qui fut en son temps la visée de tous les quolibets et de toutes les critiques hardcorément impitoyables de la part de tous ceux qui l’avaient vu, à de rares exceptions près : le film se paye d’ailleurs encore aujourd’hui une note de 4,6/10 sur IMDb. Pourquoi tant de haine à l’endroit de ces petits films ?
Retour rapide sur le Black christmas cuvée 2006. Court et précis, bénéficiant de certaines séquences vraiment réussies, de certains effets particulièrement crados (mention spéciale aux petits gateaux de Noël que se prépare le psychopathe à l’aide du foie de ses victimes), et d’une première moitié de tout premier ordre, le film de Glen Morgan était un slasher honnête, à l’occasion duquel le cinéaste faisait montre d’une étonnante maîtrise de son intrigue en espace restreint, ainsi que d’un vrai sens du cadre, particulièrement bluffant. Malheureusement pour lui, les promesses de la première demie-heure du film ne seront pas tenues, et Black christmas s’effondrera comme un soufflé merdeux, surtout lors d’un épilogue particulièrement inutile et raté, laissant au spectateur un goût de chiotte dans la bouche.
Tout aussi carré et affichant une photo particulièrement superbe, le Black christmas version 2019 souffre quant à lui en partie de ses vingt minutes de coupes sévères, qui se ressentent un peu en milieu de métrage, l’ensemble manquant de clarté dans le déroulement de ses événements. Mais surtout, on est en droit de penser que les raisons pour lesquelles ce nouveau Black christmas s’est vu laminé de toutes parts sont idéologiques : le film de Sophia Takal semble en effet payer très cher l’audace de son discours de fond. Car qu’on se le dise, Black christmas est un film d’horreur féministe. Mais du genre tellement radicalement féministe qu’on pourrait même sans peine qualifier son intrigue d’anti-homme.
Après des dizaines d’années de cinéma d’horreur en mode phallocrate, enchaînant les scènes de nu les plus gratuites qui soient, Black christmas est donc le film du retournement de situation. Bien sûr, on comprend sans peine que ce qui est mis en évidence dans le film et le scénario de Sophia Takal est la masculinité / le virilisme toxique de la société occidentale, qui force chaque femme à lutter pour être écoutée ou prise au sérieux de nos jours. Cependant, le propos est ici poussé jusque dans ses derniers retranchements, avec une intrigue pointant clairement du doigt les hommes – tous les hommes. C’est d’autant plus clair que les modifications apportées par la scénariste / réalisatrice au film original de Bob Clark semblent volontairement exagérées afin d’aller dans le sens d’une véritable diatribe anti-masculine. Voila qui pourra, au choix, faire sourire ou mettre profondément mal à l’aise.
Néanmoins, le fait de nier les qualités de ce Black christmas pour des questions aussi triviales que son identité de genre est absurde. D’une façon générale, qu’il s’agisse de misogynie affichée ou de misandrie revendiquée, l’essentiel est de garder à l’esprit les qualités du film, en mettant de côté l’idée selon laquelle le ou la cinéaste voudrait à tout prix nous faire adhérer à son point de vue, ou embrasser sa cause. Rassurez-vous donc : vous ne serez pas plus féministe à la fin de Black christmas que vous ne l’étiez au début du film. Pourtant, les nombreuses qualités du long-métrage de Sophia Takal, en termes de photographie, de rythme ou même d’écriture nous laissent penser que Black christmas a sans doute été trop largement – et injustement – jugé à l’aune de ses prises de position morales… Qui se sont presque muées aujourd’hui en préoccupations politiques. Faisant forcément écho à tout la nouvelle vague de féminisme 2.0 secouant littéralement Hollywood de l’intérieur depuis quelques années, Black christmas est ainsi devenu – malgré lui ou pas – une espèce de porte-étendard de la génération #metoo. Le film attirera donc dans son sillage les réactions les plus extrêmes de la part de tous ceux qui pensent que le cinéma influence les comportements sociaux.
Ainsi, les ligues de vertu voulaient faire interdire les slashers de type Vendredi 13 dans les années 80, parce que Jason allait forcément créer des générations de serial killers. Aujourd’hui, avec le slasher féministe à la Black christmas, nos têtes blondes sont condamnées à devenir à la fois serial killers ET féministes. La double peine, quoi !
Le Blu-ray
[4/5]
Avec la sortie en Blu-ray de Black christmas, Universal Pictures démontre à nouveau son excellence dans le domaine de la technique, et nous livre une véritable galette de démonstration, aux couleurs explosives et aux contrastes soignés. La définition n’est jamais prise en défaut, et l’ensemble nous propose un piqué d’une précision absolu doublé d’un niveau de détails tout simplement extraordinaire. Côté son, la VO est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 tandis que la VF ne s’offre quant à elle qu’un classique DTS 5.1. En termes de spectacle sonore multi-canal, la VO affiche donc une supériorité assez nette, proposant une spatialisation complètement folle et des basses omniprésentes, en particulier durant les scènes de meurtres, par ailleurs très efficaces.
Au rayon des suppléments, Universal nous propose tout d’abord une petite poignée de scènes coupées (7 minutes), comprenant une fin alternative et nous proposant des dialogues et des plans de violence légèrement plus explicites – légèrement dans le sens où les gros mots y sont également censurés. On continuera ensuite avec des featurettes revenant sur les personnages (3 minutes) et les thématiques du film (4 minutes), en donnant la parole aux acteurs et à l’équipe du film. L’accent est bien sûr largement placé sur la révolte contre le patriarcat et la « masculinité toxique ». On terminera enfin avec une bande-annonce prenant la forme d’une vidéo d’accueil dans la sororité Mu Kappa Epsilon. On notera également la présence d’un commentaire audio de Sophia Takal et Imogen Poots, qui disséqueront l’histoire du film, les personnages ainsi que la genèse de certaines idées.