Barfly
États-Unis : 1987
Titre original : –
Réalisation : Barbet Schroeder
Scénario : Charles Bukowski
Acteurs : Mickey Rourke, Faye Dunaway, Alice Krige
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 2 septembre 1987
Date de sortie DVD/BR : 7 août 2024
Henry Chinaski erre dans un Los Angeles intemporel où la nuit semble s’étirer à l’infini. Il boit, écrit des poèmes, réussit parfois à ramener une fille chez lui. Lorsque Henry rencontre Wanda, les deux marginaux s’accrochent brutalement l’un à l’autre dans un maelström de sentiments mêlant amour, ivresse, violence et folie…
Le film
[4/5]
Basé sur un scénario original du légendaire écrivain Charles Bukowski, Barfly de Barbet Schroeder est sorti sur les écrans du monde entier en 1987. Le film a été produit par Menahem Golan et Yoram Globus pour la Cannon – la petite histoire autour du film raconte que la société, alors en fâcheuse posture financière, avait été contrainte de limiter le nombre de ses productions, et avait décidé de faire l’impasse sur le projet. Barbet Shroeder avait alors menacé de se couper un doigt avec une scie électrique ; avec l’appui de Francis Ford Coppola et de sa société American Zoetrope, le film fut finalement sauvé de l’abandon.
Le personnage principal de Barfly est l’alter-ego de Charles Bukowski, Henry Chinaski, présent dans nombreux de ses romans, nouvelles et poèmes. Il est naturellement interprété par Mickey Rourke, ce qui tendra clairement à brouiller les pistes entre fiction et réalité ; si le film est inspiré de la vie de Charles Bukowski, le penchant de l’acteur pour la bouteille et les frasques qui en découlent défraient régulièrement la chronique à l’époque. Sa prestation dans Barfly, calquée sur la gestuelle de l’écrivain, est absolument remarquable et plus vraie que nature – ayant pris du poids pour le rôle, il a vraiment l’air d’un clochard qui ne s’est pas lavé pendant des semaines. Cette image de « crasseux » lui collerait d’ailleurs à la peau durant bien des années, au point qu’en 1993 dans « Ombre est Lumière », le groupe de rap français IAM la soulignerait encore dans les paroles du titre Harley Davidson : « Tu l’as voulue, maintenant tu pleures ta thune, parce que ce crado de Mickey Rourke en a une ».
De fait, l’impression de réalité qui se dégage de Barfly est d’ailleurs par moments presque dérangeante, et contribue à faire du portrait de ce poète maudit en proie à l’autodestruction une véritable réussite. L’authenticité de l’ensemble est encore renforcée par le fait que le film a été entièrement tourné dans de vrais bars de Los Angeles – la plupart des bars et des magasins d’alcool sont des endroits que Bukowski a réellement fréquenté lors de ses années à Los Angeles, et certains des personnages du film sont également de véritables marginaux ayant arpenté le macadam des rues de la Cité des Anges à l’époque. Par ailleurs, le fait de tourner dans des lieux réels et souvent exigus a forcé le directeur photo de Barfly Robby Müller à développer, avec Frieder Hocheim et Gary H. Swink, des éclairages à LED très fins qu’ils réutiliseraient par la suite en créant leur société Kino Flo Incorporated.
Comme on l’a déjà souligné, le résultat à l’écran peut paraître un peu dérangeant – voire même déprimant – tant Barfly nous décrit un monde jamais très loin du caniveau et s’attache à des personnages en roue libre, luttant en vain contre leurs démons. La plongée dans ce monde nocturne peuplé d’ivrognes, de prostituées et de personnalités interlopes est marquée par une certaine tension, mais en dépit d’une narration volontiers chaotique, le film s’avère au final assez fascinant, en particulier lorsque ses personnages marqués par l’existence se mettent à philosopher et à évoquer leur conception de la vie. Du côté des acteurs, au-delà de la prestation habitée de Mickey Rourke, on notera bien sûr celle de Faye Dunaway dans le rôle de Wanda, qui semble deux fois plus âgée qu’elle ne l’était en réalité et qui a elle aussi un sérieux problème d’alcool. Frank Stallone et Alice Krige complètent le casting et s’avèrent également très convaincants.
Le Combo Blu-ray + DVD + Livret
[4,5/5]
Disponible chez tous les bons dealers de culture sous les couleurs d’ESC Éditions, Barfly débarque dans un superbe Combo Blu-ray + DVD + Livret de 32 pages prouvant une fois de plus que l’éditeur français est bien déterminé afin de fournir au consommateur des éditions qui soient également de « beaux objets » de collection. Le film de Barbet Schroeder se voit donc accompagné d’un luxueux livret rédigé par Marc Toullec, bourré d’informations passionnantes sur le tournage du film.
Côté Blu-ray, la copie de Barfly est d’excellente tenue, avec un grain cinéma parfaitement respecté, des couleurs fidèles aux teintes d’origine et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image très stable, avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences. Côté son, l’éditeur nous propose VF et VO en DTS-HD Master Audio 2.0, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, on appréciera la VF d’époque un brin surannée et les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier.
Côté suppléments, l’éditeur ne se sépare pas de ses excellentes habitudes, et nous propose pour commencer deux sujets centrés sur des interventions publiques ayant pris place à la Cinémathèque Française : on commencera avec « Barbet Schroeder par Barbet Schroeder », une leçon de cinéma (1h19) animée par Frédéric Bonnaud et Bernard Benoliel en décembre 2023. On continuera ensuite par une discussion entre Barbet Schroeder et Jean Douchet (41 minutes), enregistrée quelques années plus tôt, en 2015. Le bonus suivant est un making of d’époque (12 minutes) dans lequel Charles Bukowski évoque sa propre expérience de pilier de bar, et le fait que son ami le réalisateur Barbet Schroeder ait réussi à le convaincre d’écrire le scénario, qui montre un côté sombre de l’Amérique rarement vu au cinéma. Il y revient également sur la prestation de Mickey Rourke et déclare avec philosophie que « Le succès peut faire de n’importe qui un trou du cul ». Enfin, outre la traditionnelle bande-annonce, on pourra se régaler de deux courts extraits des Charles Bukowski Tapes (1985), consacrés aux repérages du bar (3 minutes) ainsi qu’au personnage de Wanda (3 minutes).