Au-dessous du volcan
États-Unis, Mexique : 1984
Titre original : Under the volcano
Réalisation : John Huston
Scénario : Guy Gallo
Acteurs : Albert Finney, Jacqueline Bisset, Anthony Andrews
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h52
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 12 septembre 1984
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2021
Mexique, 1938. En cette veille de 1er novembre, la nuit s’est abattue sur Cuernavaca et l’animation est déjà vive dans les rues où l’on prépare activement la Fête des Morts. Geoffrey Firmin, ancien Consul britannique, erre parmi la foule, ivre mort, pour oublier le départ de sa femme Yvonne. Lorsque le jour se lève, Geoffrey commence la tournée des cabarets tout en ressassant de douloureux souvenirs et retrouve cette dernière par hasard…
Le film
[3,5/5]
Au cours de sa carrière de cinéaste, John Huston s’était en quelque sorte créé une spécialité à Hollywood en adaptant des romans réputés comme étant inadaptables, et donc largement considérés comme « infilmables ». Au-dessous du volcan est donc l’adaptation impossible du roman du même nom signé Malcolm Lowry.
Le roman de Lowry, qui par ailleurs fut placé à la 11ème place dans le classement des 100 meilleurs romans en langue anglaise du XXème siècle établi en 1998 par la Modern Library, avait déjà attiré l’attention de plusieurs cinéastes au fil des ans, et pas des pires d’entre eux : des personnalités telles que Jules Dassin, Luis Buñuel, Joseph Losey ou encore Ken Russell avaient manifesté leur intérêt pour ce récit, mais s’y étaient cassé les dents.
Et si John Huston est finalement parvenu à donner vie à l’écran aux personnages d’Au-dessous du volcan, c’est parce qu’il a su faire confiance au scénario du film, signé de la main du très peu prolifique Guy Gallo. Même si cela tient du cliché le plus éhonté de l’affirmer, ce dernier a néanmoins su retrouver l’essence de l’œuvre de Malcolm Lowry – les talents conjugués de John Huston et d’Albert Finney ont fait le reste.
Direction donc le petit village mexicain de Cuernavaca, le 1er novembre 1938 : tout le monde se prépare à célébrer le Jour des morts, El día de los muertos. L’ambiance est à la fête, les rues sont bondées, et l’air est rempli de la fumée des bougies allumées. Au cœur de ce tableau typique de la culture mexicaine contemporaine, un homme cependant détonne dans le paysage – Albert Finney, en costume trois pièces, la mine déconfite, boit, boit, boit ; il boit pour oublier que sa femme Yvonne (Jacqueline Bisset) l’a quitté. Quand elle réapparait au petit matin, il continue à boire, boire, boire…
Film de la solitude, jonglant avec des concepts tels que la culpabilité, l’alcoolisme ou encore la dépression nerveuse, Au-dessous du volcan n’appelle à priori pas forcément à la franche rigolade. Et pourtant, grâce à la performance spectaculaire et aux saillies verbales d’Albert Finney, le film de John Huston s’avère régulièrement assez drôle. L’acteur des Duellistes est littéralement dans la peau de Geoffrey Firmin, diplomate complètement bourré et incapable de dessaouler. Mais désire-t-il seulement dessaouler ?
Le film de John Huston laisse une large place au Mexique et aux traditions du Jour des morts, qui finissent par développer au cœur d’Au-dessous du volcan un mélange d’exotisme et de cruauté vis-à-vis du personnage de Finney : on a en effet par moments l’impression que le diplomate a perdu le contrôle de son propre corps, et se retrouve dans la même situation que ces pantins désarticulés sur lesquels s’attarde énormément la caméra de Huston. Ces esprits des morts, prenant la forme de squelettes difformes et stylisés, auraient-ils quelque chose à voir avec sa lente descente aux enfers ?
Au-dessous du volcan version John Huston ne sera pas très explicite sur ce point précis – dans le roman de Malcolm Lowry, la présence des démons tourmentant l’âme de Geoffrey Firmin était au contraire littéralement suffocante. De fait, dans le film, le personnage prend surtout des allures de toxico, multipliant les crises de manque (on pense à cette scène durant laquelle il va déterrer une bouteille dans son jardin), mais il est plus difficile de mettre le doigt sur ce qui lui torture l’esprit.
Dans le même ordre d’idées, le livre était empreint d’une véritable atmosphère de « fin du monde » liée au fait que le personnage avait le sentiment que l’humanité se dirigeait inéluctablement vers une nouvelle guerre mondiale. Cette idée est certes exprimée dans le film, lors de la séquence de la Croix Rouge au début du film, mais de façon sans doute un poil trop lapidaire.
Au-dessous du volcan n’en demeure pas moins une excellente adaptation du roman de Lowry, dont une partie de la réussite est sans doute liée au fait que John Huston lui-même était également un grand buveur (un « grin buveux, eun’ poivrasse » comme on le dit dans le nord de la France), et qu’il était probablement familier avec la souffrance et les humiliations liées aux lendemains de cuite, aux trous noirs et aux descentes aux enfers dues à l’alcool.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est donc grâce à Carlotta Films que le cinéphile français pourra aujourd’hui (re)découvrir Au-dessous du volcan sur support Blu-ray. L’image est proposée au format 1.85 respecté, et nous fait profiter d’un gain sensible de précision côté image par rapport au DVD sorti, déjà chez Carlotta, en 2008. La définition ne pose pas le moindre souci, le piqué est satisfaisant, le tout est proposé dans un master stable et parfaitement restauré, avec de belles couleurs vives, des contrastes soignés et surtout un grain argentique globalement préservé. Côté son, VF et VO s’imposent naturellement dans des bandes sonores tout à fait satisfaisantes, toutes deux mixées en DTS-HD Master Audio 1.0. Le rendu acoustique est clair, et même paradoxalement dynamique, sans être ostentatoire. La piste anglaise est plus fine, mais de toute façon, le film de John Huston se doit d’être vu en version originale afin de capter au mieux la portée de la performance artistique d’Albert Finney.
Du côté des suppléments, Carlotta Films a eu la bonne idée de recycler l’intégralité des bonus disponibles sur l’édition DVD de 2008. On commencera donc avec une présentation du film par Patrick Brion (6 minutes), dans la droite lignée des présentations assurées par le créateur du « Cinéma de minuit » pour enchaîner avec un entretien avec John Huston (18 minutes), interview audio menée par Michel Ciment pour le magazine Positif, et entrecoupée d’extraits du film. On continuera ensuite avec une analyse du film par Serge Chauvin (22 minutes), essentiellement centrée sur l’adaptation du roman de Malcolm Lowry, et sur la façon dont les modifications apportées au récit contribuent à tisser des liens avec d’autres personnages issues de l’œuvre du cinéaste. On terminera enfin avec un passionnant making of (59 minutes) issu de l’édition Criterion et composé de moments volés sur le tournage du film.