Test Blu-ray : Amelia’s Children (Festival de Gérardmer 2024)

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Amelia’s Children

Portugal : 2023
Titre original : A semente do mal
Réalisation : Gabriel Abrantes
Scénario : Gabriel Abrantes
Acteurs : Brigette Lundy-Paine, Carloto Cotta, Anabela Moreira
Éditeur : Le Pacte
Genre : Horreur
Durée : 1h32
Date de sortie cinéma : 31 janvier 2024
Date de sortie DVD/BR : 5 juin 2024

Orphelin depuis sa naissance, Edward découvre à l’âge adulte qu’il a un jumeau et une mère qu’il ne connait pas. Avec sa petite amie Ryley, il part les rencontrer dans leur magnifique demeure isolée au cœur d’une région recluse. Les retrouvailles passées, le jeune couple se rend compte que les apparences sont trompeuses : la famille d’Edward cache un monstrueux secret. Leur visite va tourner au cauchemar…

Le film

[3/5]

« En termes de films d’horreur, mieux vaut savoir le moins possible sur les revirements de l’intrigue et les séquences les plus choquantes, afin d’en tirer une jouissance maximale. On va donc tenter de vous dévoiler le moins d’éléments du scénario de Amelia’s Children, le premier long-métrage que Gabriel Abrantes a réalisé seul, six ans après le déjà très curieux Diamantino. (…)

En arrière-plan, Amelia’s Children s’évertue à raconter l’histoire de rapports fort boiteux entre les sexes. D’un côté, ce sont les femmes qui la font avancer par leur dessein machiavélique ou bien parce qu’elles sont la proie facile, quoique nullement docile, de cette même machination. Et de l’autre, les hommes, qui se résument en fait à trois incarnations de Carloto Cotta, y sont réduits au simple rôle de faire-valoir, des objets sexuels à la solde de rites anciens que le récit se garde soigneusement de trop expliciter. D’où une frustration toute relative face à quelques incohérences scénaristiques, qui sont amplement compensés par cette relecture passablement féministe de codes du genre, qui n’ont pas toujours défendu la cause des femmes, bien au contraire.

Trois gouttes contre l’angoisse

Sous réserve que l’on n’ait pas encore vu les autres films en compétition au dernier Festival de Gérardmer, aventurons-nous à affirmer que Amelia’s Children n’a point volé son prix du jury. C’est un film d’horreur drôlement efficace, sans fioriture, ni vérité profonde. Un divertissement solide en somme, qui a su provoquer chez nous deux, trois frissons insoupçonnés. Ainsi que quelques moments de rigolade parmi le public de la Cinémathèque Française, visiblement réceptif au second degré savamment dosé par lequel se distingue la mise en scène de Gabriel Abrantes. Inutile en effet de prendre au sérieux cette histoire abracadabrante, aux motivations aussi peu définies que les actes barbares qu’elles génèrent. La véritable maestria narrative réside dès lors dans la capacité à nous faire adhérer à un enchaînement de séquences certes troublantes, mais rarement suivies d’actions à la hauteur de cette mise en bouche adroite.

On est donc prêt à pardonner le double emploi du dispositif usé jusqu’à la corde du délire onirique, tout comme celui d’une bande son parfois un peu trop intrusive. Pourtant, l’un comme l’autre s’intègrent parfaitement dans un flux narratif constamment à l’affût du moindre excès. Ce n’est pas tant ce que nous voyons qui nous terrorise que la réaction des personnages, terrifiés à leur tour jusqu’à perdre conscience. La force suggestive suffit alors à maintenir la tension, là où un examen plus approfondi des tenants et des aboutissants de l’intrigue en aurait certainement révélé les failles béantes. Mais n’est-ce pas cela un bon film d’horreur après tout, celui qui maîtrise l’esbroufe à tel point qu’on oublie de se soucier du bien-fondé des forces maléfiques en présence ?

Le temps des pommes de terre

Autre volet remarquable de Amelia’s Children : la guerre pas si subtile que s’y livrent les personnages masculins et féminins. Pour les premiers, l’analyse n’a guère besoin d’aller plus loin que de constater que le sublime Carloto Cotta y incarne avant tout un objet sexuel ou en tout cas sexualisé. Dans ses différentes variations, il s’agit d’une image de l’homme machiste et en même temps fermement resté dans les jupes de sa mère. La face portugaise de la même médaille se complaît dans des poses qui tirent leur inspiration d’un imaginaire de bûcheron meurtrier. Tandis que son pendant américain se recroqueville de plus en plus sur la posture de pion, trimballé sans trop de volonté propre d’une femme de sa vie à l’autre, au gré des batailles que celles-ci se livrent d’une manière de moins en moins cachée.

Ce qui nous amène à une petite panoplie de personnages féminins globalement détonnante, à commencer par l’héroïne. Au début un simple fournisseur de moyens d’investigation (la machine à ADN) et de communication (les dispositifs de traduction plus ou moins sophistiqués), elle se trouve assez tôt au cœur d’une intrigue de manipulation, qui lui échappe irrémédiablement. Le jeu très investi et pourtant nullement hystérique de Brigette Lundy-Paine garantit une lucidité et une autonomie à son personnage, sans lesquelles l’intrigue tout entière aurait pu chavirer dans le grand n’importe quoi. Car cette grandiloquence-là est bel et bien présente parmi ses antagonistes, que le pari d’un maquillage volontairement outrancier nous a fait prendre pour une seule et unique actrice.

Or, Alba Baptista en Amélia jeune et Anabela Moreira dans son incarnation décrépite confèrent à cette sorcière finalement pas si intemporelle une dimension tragique du plus bel effet. Et une source de moquerie habilement amenée, comme pour mieux souligner avec une dose d’ironie savoureuse à quel point tout ce spectacle extravagant n’engage que ceux et celles qui osent y croire.

Alors que nous n’avons plus mis les pieds dans les Vosges au mois de janvier depuis une dizaine d’années, Amelia’s Children nous inspire néanmoins une douce nostalgie du Festival de Gérardmer. Le film de Gabriel Abrantes en est le fruit par excellence, c’est-à-dire un film d’horreur rondement mené, qui n’invente rien, mais qui sait nous maintenir en haleine en dépit des ressorts fantasques de son intrigue. Ajoutez-y le toujours très charismatique Carloto Cotta et trois actrices à la prestation particulièrement saisissante et vous vous retrouverez avec un film d’horreur des plus distrayants. »

Extrait de la critique de notre rédacteur Tobias Dunschen. Découvrez-en l’intégralité en cliquant ici !

Le Blu-ray

[4/5]

Après une honorable carrière dans les salles (139.000 entrées), Amelia’s Children s’offre aujourd’hui une belle édition Blu-ray estampillée Le Pacte. Le film est proposé en 1080p et le transfert rend justice à la photo du film signée Vasco Viana, peut-être plus piégeuse qu’elle n’en a l’air à première vue. La définition est au taquet, le piqué précis, les couleurs explosives et les noirs admirablement denses et profonds. Le film est naturellement proposé au format, bref c’est du tout bon, on peut applaudir des deux mains l’éditeur. Le son est mixé en DTS-HD Master Audio 5.1 en VO et en VF ; les deux versions se valent globalement, et se révéleront paradoxalement toutes deux assez dynamiques (la scène arrière est omniprésente et permet vraiment une immersion parfaite), surtout durant les scènes les plus tendues du métrage. Pas de bonus.

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