Test Blu-ray : Albert Pyun – Nemesis + Mean guns

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En 35 ans de carrière et plus de 50 films, Albert Pyun n’a jamais réellement connu d’égards de la part des médias ; au contraire, ce cinéaste américain d’origine Hawaïenne est souvent la cible des quolibets et autres sous-entendus dénigrant régulièrement son talent de metteur en scène. Heureusement, ces quinze dernières années ont vu grandir la sphère Internet, amenant avec elle l’avènement de l’ère du « bis » – hier relégué aux bas-fonds de la cinéphagie la plus douteuse, le cinéma d’exploitation est aujourd’hui perçu comme une forme d’Art incontournable. Ainsi, à l’âge de 63 ans, Albert Pyun bénéficie maintenant grâce aux réseaux sociaux d’une communauté de plusieurs milliers de fans à travers le monde, qu’il informe généreusement de l’avancée de ses projets via Facebook.

La plupart des cinéphiles amoureux du travail d’Albert Pyun l’ont découvert dans les années 80, avec le succès de Cyborg en 1989, avec Jean-Claude Van Damme, puis avec Kickboxer 2 (écrit par David S. Goyer !), sorti en France en 1991. Ses films suivants, s’ils ont régulièrement été d’énormes cartons en vidéo (VHS, DVD), n’ont en revanche jamais bénéficié de sorties dans les salles obscures de l’hexagone. Ils mettaient pourtant en scène de solides acteurs habitués de la série B, tels que Christophe Lambert, Steven Seagal, Rutger Hauer, Tom Sizemore, Dennis Hopper, Charlie Sheen, Brion James, Robert Patrick, Kris Kristofferson, Lance Henriksen ou encore Ice-T…

De fait, aucun film signé Albert Pyun n’avait jusqu’ici connu les honneurs d’une quelconque sortie Blu-ray sur le territoire français. C’est Metropolitan Vidéo qui répare cet outrage ce mois-ci avec la sortie d’un Blu-ray consacré à Albert Pyun et comprenant sur un seul et même disque les films Nemesis (1992) et Mean guns (1997). Une belle façon de célébrer les anniversaires (25 et 20 ans) de ces deux séries B survitaminées, s’imposant comme deux des tous meilleurs films réalisés par Pyun durant toute sa carrière…

Nemesis

États-Unis : 1992
Titre original : –
Réalisation : Albert Pyun
Scénario : Rodolfo Sayagues, Fede Alvarez
Acteurs : Olivier Gruner, Tim Thomerson, Cary-Hiroyuki Tagawa
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h36
Genre : Science-fiction, Action
Date de sortie DVD/BR : 21 avril 2017

Los Angeles, 2027. Alex Raine, un policier mi-homme mi-machine doit éliminer le chef de la résistance. Mais ceux qu’il croyait être ses ennemis sont peut-être les sauveurs de l’humanité…

Mean guns

États-Unis : 1997
Titre original : –
Réalisation : Albert Pyun
Scénario : Rebecca Charles
Acteurs : Christopher Lambert, Ice-T, Michael Halsey
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h50
Genre : Action
Date de sortie DVD/BR : 21 avril 2017

Dans une prison haute technologie, le chef d’une entreprise mafieuse, le Syndicat, réunit une centaine de tueurs dans le but… de s’entretuer ! Les trois survivants pourront se partager un magot…

Les films

[5/5]

Tourné en 1992, Nemesis fait partie de ces bandes de série B sur lesquelles le temps n’a absolument aucune emprise. D’une générosité sans bornes, le film s’impose rapidement comme un film de science-fiction très orienté action enchainant les péripéties et les scènes d’action à une telle vitesse qu’il est rigoureusement impossible de s’ennuyer – il est en ce sens comparable à des films tels que TimeBomb (Avi Nesher, 1991), Que la chasse commence (Ernest Dickerson, 1994) ou encore Rage (Joseph Merhi, 1995). Formellement ultra-abouti, présenté dans un Scope superbe et utilisé de main de maître, Nemesis transcende son récit décousu pour devenir une chasse à l’homme futuriste trépidante et à 100% jouissive. Et qu’importe finalement si certains effets spéciaux semblent approximatifs, ces derniers ajoutent encore un charme supplémentaire à ce festival d’action sous emphétamines, porté par un Olivier Gruner qui n’a décidément jamais obtenu de meilleur rôle dans une carrière essentiellement vouée à la série B d’action. Si Schwarzie, Stallone, Lundgren, Van Damme et les autres sont les « Expendables » (littéralement les « sacrifiables », remplaçables) du film d’action, que dire alors de ceux, parmi les « action stars » (ou wannabe action stars) des années 90/2000, qui n’ont pas eu la chance de percer sous le ciel d’Hollywood ? En plus de celui de Gruner, d’autres noms nous viennent en tête, tels que ceux de Gary Daniels, Billy Blanks, Frank Zagarino, Bryan Genesse, Loren Avedon, ou encore Daniel Bernhardt… Des Expendables au sein même des expendables – mais le souvenir de leurs exploits physiques reste encore gravé dans l’esprit de nombreux fans de bis.

Aux côtés d’Olivier Gruner, on retrouvait au générique de Nemesis l’inévitable Cary-Hiroyuki Tagawa, qui jouait le méchant asiatique dans à peu près tous les films d’action et séries TV des années 90 (Soleil levant, Dans les griffes du dragon rouge, Sans rémission, Mortal Kombat, Le fantôme du Bengale, mais aussi Alerte à Malibu, Caraïbes offshore, Nash Bridges…), mais également Deborah Shelton (objet des dérives voyeuristes du héros de Body double, elle deviendrait ensuite un des piliers de la série Dallas) et le formidable Brion James, inoubliable dans Blade runner et La chair et le sang, qui incarne dans le film de Pyun un allemand à l’accent fort prononcé. Si vous ajoutez à ce casting quatre étoiles la sublime photo de George Mooradian, collaborateur de toujours d’Albert Pyun, ainsi qu’une déferlante d’idées de mise en scène dont quelques-unes seront reprises, en moins bien, par des tâcherons sans âme quelques années plus tard (la fuite du personnage d’Olivier Gruner par des trous « de balles » -sic- dans le plancher sera reprise telle quelle par Len Wiseman dix ans plus tard dans Underworld), vous obtenez donc un trésor immortel du film SF / action, le genre de pépite que l’on reverra encore dans 25 ans avec le même plaisir de gosse.

Cinq ans séparent Nemesis de Mean guns, mais entre ces deux films, le prolifique Albert Pyun a tout de même eu le temps de signer rien de moins que… quinze longs-métrages ! De fait, Mean guns marque la deuxième collaboration du cinéaste avec Christophe Lambert, un an après l’excellent Adrenalin. Et dès les premières minutes, on sent bien que le film dénote d’une sincère volonté de signer un actioner couillu et jouissif. Tourné dans la foulée du sympathique Blast (un ersatz de Die Hard plutôt plaisant, avec un Rutger Hauer grimé en indien cul de jatte et un rythme franchement bien tenu), Mean guns en exporte une partie du casting féminin : on retrouvera donc, aux côtés de Lambert et d’un Ice-T haut en couleurs, à la fois Kimberly Warren (la blonde) et Tina Coté (la brune). Porté par des dialogues parfois assez drôles et un rythme vraiment trépidant, servi par la photo impeccable de George Mooradian et une série d’expérimentations sur l’espace, les couleurs et surtout les focales, cette cuvée Pyun 1997 se révèle vite comme l’un des meilleurs films du cinéaste.

Se basant sur un pitch hautement improbable, simpliste mais ô combien fantasmatique  (un truand réunit une centaine de malfrats dans une prison désaffectée et les invite à s’entretuer : les trois survivants se partageront la coquette somme de dix millions de dollars), magnifié par un scope flamboyant et une photo du tonnerre, Mean guns tient en grande partie ses promesses d’action et de plaisir filmique, proposant une série quasi-ininterrompue de scènes d’action efficaces et de punchlines qui tachent, sur fond de mambo et de déferlement de testostérone, le tout étant balancé avec une assurance troublante, rappelant au spectateur la devise de Tuco dans Le Bon, la Brute et le Truand : « When you have to shoot, shoot ! Don’t talk ! ». Cette référence au mythique western de Leone n’est d’ailleurs pas tout à fait innocente, le film évoquant par moments les grandes heures du cinéma d’exploitation italien, la musique délaissant même le mambo en de rares occasions pour se plonger dans des airs purement « westerniens ». En deux mots comme en cent, si Albert Pyun n’a certes pas le talent d’un John Woo en ce qui concerne la mise en « espace » de ses scènes d’action, Mean guns conserve assez de punch et de hargne pour franchement emballer le spectateur. Un excellent polar en mode BD, 100% fun et décomplexé.

Le Blu-ray

[5/5]

C’est donc à Metropolitan Vidéo que l’on doit l’excellente initiative de sortir les deux films d’Albert Pyun sur support Haute Définition. Nemesis et Mean guns sont proposés sur un seul et même disque Blu-ray, mais dès les premiers plans, on constatera que le boulot de restauration a été fait avec soin, et que le bond qualitatif par rapport aux éditions DVD antérieures est vraiment saisissant : Nemesis était de toutes façons inédit en DVD, et le DVD de Mean guns en proposait une copie très surexposée et ne disposait que d’une VF. Les deux films sont proposés au format 2.35 Cinemascope, le grain d’origine a été préservé, le piqué est d’une belle précision (un peu plus doux sur Mean guns), et les couleurs sont pétantes et naturelles sur Nemesis, fidèles à la photo froide et désincarnée de Mooradian dans le cas du film de 1997. Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray. Côté son, c’est la classe également : VF et VO sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine ; les versions originales sont parfaites, les versions françaises assez frontales et un poil étouffées ; l’éditeur a été obligé de composer avec les éléments existants – on privilégiera surtout la VO dans le cas de Mean guns, qui donne beaucoup plus de relief sonore et d’impact aux multiples punchlines qui émaillent le film.

Du côté des suppléments, Metropolitan fait très fort puisque l’éditeur est allé rechercher une featurette d’époque revenant sur le tournage de Nemesis, et propose, en supplément de Mean guns, un entretien inédit avec Christophe Lambert, mené par Nicolas Rioult, au cours duquel l’acteur français revient sur son admiration pour Albert Pyun, et pour ses méthodes de travail. Douze minutes de souvenirs, de plaisir et de discussion bon enfant : Lambert y dit notamment que si le cinéaste le rappelle demain, il retournera pour lui sans même se poser la question. On espère que cette information arrivera aux oreilles du papa de Cyborg !

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