Abuela
Espagne, France, Belgique : 2021
Titre original : La Abuela
Réalisateur : Paco Plaza
Scénario : Carlos Vermut
Acteurs : Almudena Amor, Vera Valdez, Alba Bonnin
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h40
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 6 avril 2022
Date de sortie Blu-ray : 10 août 2022
Susana, un jeune mannequin espagnol, est sur le point de percer dans le milieu de la mode parisien. Mais quand sa grand-mère est victime d’un accident la laissant quasi paralysée, Susana doit rentrer à Madrid dans le vieil appartement où elle a grandi afin de veiller sur celle qui constitue son unique famille. Alors qu’approche leur anniversaire commun, de vieux souvenirs resurgissent en parallèle d’événements étranges, et le comportement de sa grand-mère devient de plus en plus inquiétant…
Le Film
[4/5]
Faisant partie de cette poignée de cinéastes ayant contribué à composer la « Nouvelle Vague » du cinéma fantastique espagnol au début des années 2000, Paco Plaza ne s’est jamais réellement écarté du genre ayant fait sa renommée. Plaza aime faire peur à son public, et a déjà prouvé à plusieurs reprises dans sa filmographie son sens de l’atmosphère claustrophobe, sombre, propre à donner la chair de poule. Ce savoir-faire, il le prouve à nouveau avec Abuela, qui, d’entrée de jeu, affiche clairement son lien de parenté avec les grands classiques du genre, tels que Fragile (Jaume Balagueró, 2005), Abandonnée (Nacho Cerdà, 2007) ou encore L’Orphelinat (Juan Antonio Bayona, 2008).
Avant d’être formels, les liens qui unissent Abuela et les films que l’on vient de citer sont avant tout narratifs. Le nouveau film de Paco Plaza suit en effet la trajectoire de Susana, une jeune mannequin habitant Paris (Almudena Amor), mais se voyant obligée de retourner à Madrid dans l’appartement de son enfance afin de s’occuper de sa grand-mère (Vera Valdez), qui vient d’être victime d’une hémorragie cérébrale. Bien sûr, des choses étranges ne tarderont pas à se produire dans l’appartement, ramenant l’héroïne à ses propres souvenirs d’enfance… Du strict point de vue de la structure, Abuela fonctionne donc exactement selon le même point de départ que les classiques du genre : une femme exilée revient s’installer dans lieu étant censé être rassurant, mais qui garde la mémoire d’événements dramatiques ayant eu lieu dans le passé, à l’époque où l’héroïne n’était encore qu’une enfant. Particulièrement sensible à ces manifestations paranormales, qui s’avéreront intimement liées à son histoire personnelle, l’héroïne s’efforcera donc, au péril de sa propre intégrité physique et psychologique, de faire revenir à la surface les souvenirs enfouis au plus profond…
A cette intrigue typique du genre, Paco Plaza ajoute à Abuela une thématique très contemporaine, liée à l’obsession et à la glorification de la jeunesse, la vanité des filtres de beauté des réseaux sociaux étant mise en parallèle avec la peur du vieillissement. Difficile en effet de ne pas être plongé dans la terreur à l’idée de vieillir au sein d’une société où ce processus naturel est relégué à l’invisibilité, et où devenir invisible signifie plus ou moins mourir – c’est ainsi ce qui expliquera la panique croissante de Susana à la découverte qu’une autre mannequin avait profité de son voyage à Madrid pour prendre sa place. Une jolie réflexion sur le côté tragiquement éphémère de la jeunesse, qui se trouve encore renforcé par le fait que Vera Valdez, âgée de plus 85 ans au moment du tournage, fut elle-même mannequin pour Chanel dans les années 60 : dans Abuela, elle alterne à l’écran entre la vieille femme frêle et fantomatique et la force et l’élégance d’antan, qui se retrouvent dans l’immense portrait au centre de son appartement, placé là comme au autel dédié à la gloire du passé.
Formellement, on notera que Paco Plaza n’a pas perdu la main, et parvient comme à son habitude à tirer avec Abuela le meilleur d’un budget que l’on imagine restreint. Comme dans Verónica en 2017, l’utilisation d’un décor limité (l’appartement de la grand-mère) permet au cinéaste d’insister sur le sentiment d’exiguïté et d’enfermement, ce qui permettra aux décors du film de rapidement développer leur propre caractère, et littéralement de transpirer l’angoisse, le sentiment d’emprisonnement et le danger. L’appartement madrilène devient donc un équivalent de la vieille maison hantée gothique du passé, et la vieille dame, qui ne porte souvent rien de plus qu’une robe de chambre blanche, semble glisser à travers les couloirs, surgissant régulièrement des nombreux coins sombres ou disparaissant derrière des portes qui se referment d’elles-mêmes. A cela s’ajoutent des plans de caméra qui jouent avec l’imagination et les attentes du spectateur. Les cadrages, soigneusement composés, ne permettent souvent qu’à quelques lumières d’éclairer des silhouettes de rouge ou d’orange, et contribuent à développer au cœur de Abuela un suspense assez éprouvant et efficace.
Le Blu-ray
[4/5]
Se déroulant essentiellement dans le noir – ou du moins dans une obscurité importante – Abuela nécessitait un encodage Haute-Définition particulièrement soigné. Wild Side Vidéo se montre à la hauteur côté qualité du transfert audio / vidéo : le Blu-ray du petit dernier de Paco Plaza se révèle assez parfait dans son genre. Les noirs sont denses et profonds, les couleurs explosent, et le piqué ainsi que la profondeur de champ sont d’une redoutable précision. Côté son, c’est l’immersion totale au cœur de cet inquiétant appartement, avec deux pistes son, VO et VF, mixées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, l’ambiance oppressante du film s’avère rendue de façon époustouflante, dynamique et riche en petits détails sonores étonnants, notamment en ce qui concerne les effets d’ambiance et la restitution des échos. En deux mots comme en cent, c’est du très lourd, les deux pistes s’avèrent bluffantes, notamment dans le dernier acte du film.
Du côté des suppléments, on trouvera, outre la traditionnelle bande-annonce, on trouvera un entretien avec Paco Plaza (38 minutes), qui reviendra, entre autres, sur la préparation de Abuela, sur sa dimension autobiographique ainsi que sur l’implication de Vera Valdez dans le film. Il évoquera également la thématique de la peur du vieillissement, liée à la « génération Instagram », qui incite toujours les gens à proposer aux autres des « versions améliorées » d’eux-mêmes.