À l’intérieur
France : 2007
Titre original : –
Réalisation : Alexandre Bustillo, Julien Maury
Scénario : Alexandre Bustillo
Acteurs : Alysson Paradis, Béatrice Dalle, Nathalie Roussel
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h22
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 13 juin 2007
Date de sortie DVD/BR : 24 avril 2024
Depuis la mort tragique de son mari dans un accident de voiture, Sarah est seule et malgré une mère omniprésente, c’est seule qu’elle passera son réveillon de Noël. Seule et enceinte. Dans sa maison, tout est calme. Jusqu’au moment où quelqu’un vient frapper à sa porte. Derrière, une femme prête à tout pour arracher l’enfant qu’elle porte en elle…
Le film
[4/5]
Après le succès du Pacte des loups en 2001, une poignée de producteurs a cédé aux sirènes du cinéma de genre, et pendant presque une décennie, on a régulièrement vu débouler sur nos écrans une poignée de films d’horreur aux partis pris radicaux, qui nous donnaient à voir des spectacles extrêmement violents et graphiques tout en explorant des thèmes parfois difficiles et tabous. L’apparition de cette nouvelle vague du cinéma d’horreur « à la Française » s’est faite en parallèle avec la popularisation des films du mouvement « Asian Extreme », dont des films tels que Battle Royale, Audition ou Ichi the Killer étaient de fiers représentants, ou encore de l’apparition du genre américain surnommé le « Torture Porn », né avec Saw en 2001, mais qui trouverait son expression la plus radicale avec le diptyque d’Eli Roth Hostel / Hostel II.
On entend par là que cette inclinaison à se vautrer dans les outrances gore et l’extrême violence graphique n’était pas, à proprement parler, une particularité exclusivement française, mais correspondait davantage à l’air du temps d’une époque. Après une décennie 90’s dominée par des films fantastiques et/ou horrifiques falots et sans âme, les cinéastes de tous les pays ont accouché d’œuvres que l’on peut aisément lier aujourd’hui par leur nature transgressive, et leur volonté de se distinguer des films tournés durant la décennie précédente par leur représentation du sexe et de la violence. L’idée de repousser les limites de ce qui était considéré comme « socialement acceptable » au cinéma était au cœur des films d’horreur tournés au début des années 2000, et on peut considérer que l’expression la plus éclatante du genre serait atteinte en 2008 avec le fameux Martyrs de Pascal Laugier.
Le premier long-métrage d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, À l’intérieur, est sorti sur les écrans en 2007, soit un an avant Martyrs, et avec le recul, s’est probablement imposé comme l’un des films les plus réussis et les plus incontournables de la vague de « New French Extremism » initiée par Haute Tension en 2003. Très marqué par le conte de fées (« Ouvre-moi ta porte » est le leitmotiv des dialogues du film), le premier long-métrage du duo mélangeait le slasher et le Home Invasion en y ajoutant une petite touche de fantastique et, surtout, des hectolitres de gore. Restant constamment sur les rails du premier degré, et toujours aussi impressionnant quinze ans après sa sortie, À l’intérieur offrait au spectateur une expérience cinématographique cruelle, sanglante et, il faut bien l’avouer, assez terrifiante.
Le scénario du film de Julien Maury et Alexandre Bustillo est assez minimaliste. La majeure partie de l’intrigue se déroule dans un espace clos (une petite maison de banlieue), créant ainsi un haut niveau de claustrophobie et d’anxiété. De plus, l’intrigue est aussi simple que précise. Sarah (Alysson Paradis), une jeune photographe qui vient de perdre son mari dans un accident de voiture, est seule le soir de Noël et va accoucher le lendemain. Tard dans la nuit, elle reçoit la visite d’une mystérieuse femme (Béatrice Dalle) qui veut entrer chez elle. Mais ce qui rend À l’intérieur si particulièrement dérangeant, c’est la façon dont le film parvient, de façon particulièrement habile, à brouiller la frontière entre la réalité et l’imaginaire : le rationalisme sera ainsi rapidement évacué, plongeant le spectateur dans une réalité alternative où tout est possible, même si tout semble horriblement réel.
À l’intérieur crée ainsi une atmosphère quasi-onirique au cœur de laquelle la jeune Alysson Paradis, littéralement accablée de tourments psychologiques et de remords, se voit confrontée au Mal absolu, représenté par le personnage de Béatrice Dalle, qui fait ici office de « grand méchant loup » implacable et irraisonné. Le titre du film suggère d’ailleurs cette idée de conflit interne, la jeune femme enceinte devant affronter ses propres démons, qui sont le fruit d’un accident de voiture traumatisant et d’un accouchement imminent. Et malgré la noirceur de l’ensemble, les deux personnages principaux sont suffisamment développés, et finissent par s’imposer comme des femmes auxquelles le spectateur pourra s’attacher, voire même sympathises, ce qui rendra chaque scène du film d’autant plus palpitante.
La réalisation de Julien Maury et Alexandre Bustillo est extrêmement efficace, et s’avère encore renforcée par la photo époustouflante de Laurent Barès, qui contribue à faire de À l’intérieur un trip émotionnel construit de façon claustrophobe sur l’exiguïté de l’environnement dans lequel prennent place les événements. Les pièces sont faiblement éclairées, avec une étrange brume et une palette de couleurs douces qui renforcent le sentiment d’étouffement. Mais si impressionnante que soit la mise en scène, le film tire son épingle du jeu par son usage du gore, sans concession. Car À l’intérieur est un film sanglant… Très, très sanglant. Une fois que le chaos se déchaîne à l’écran, le spectateur a droit à un véritable bain de sang, aux proportions rarement égalées.
À l’intérieur est certainement l’un des films d’horreur les plus gore et dégueulbifs que l’on ait eu l’occasion de voir ces dernières années, même au cœur de la vague du « New French Extremism ». Ses excès macabres vont d’ailleurs tellement loin qu’ils tendent à donner au dernier acte du film un petit air de théâtralité, proche du Grand-Guignol. De fait, au fur et à mesure que le spectateur assistera à la folie meurtrière de Béatrice Dalle, qui éviscère ses victimes à l’aide d’aiguilles à tricoter ou de ciseaux de couturière, la terreur pourra laisser la place à un certain plaisir transgressif devant ce spectacle nihiliste, viscéral et ultra-violent.
Le Blu-ray
[4,5/5]
La redécouverte de À l’intérieur se fait ce mois-ci grâce à ESC Éditions, qui nous propose une galette Haute-Définition exemplaire, dans les limites techniques du film en lui-même bien évidemment. Le rendu HD est donc assez superbe, et l’ensemble affiche une belle pêche, avec un grain scrupuleusement préservé, des couleurs et des noirs très intenses et un piqué accru. Bien entendu, les scènes les plus sombres affichent un grain assez important, mais l’upgrade par rapport au DVD édité par Pathé en 2008 est clair et net. Côté son, le film d’Alexandre Bustillo et Julien Maury nous est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, et le mixage imposent un solide dynamisme acoustique, dont le spectateur profitera surtout durant les nombreuses scènes gore, littéralement explosives, qui proposent de multiples détails sonores parfaitement rendus et spatialisés. Du beau travail technique. On notera cela dit qu’ESC Éditions n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez À l’intérieur sur un « simple » téléviseur.
Du côté des suppléments, on commencera par le passionnant Commentaire audio des réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo et du chef opérateur Laurent Barès, Les deux cinéastes y reviendront sur leur amour du cinéma de genre, leurs influences, et dresseront avec l’aide de leur chef op’ un intéressant état des lieux du cinéma d’horreur made in France au moment du tournage du film. On continuera avec une présentation du film par Alexandre Bustillo (6 minutes), doublée d’une présentation du film par Julien Maury (8 minutes), qui leur permettront de revenir sur leurs parcours respectifs avant leur rencontre, qui tendent à nous faire comprendre à quel point les duettistes s’avèrent complémentaires tout en partageant le même amour du cinéma de genre. Ces deux entretiens seront complétés de façon assez passionnante par un long entretien avec Alexandre Bustillo et Julien Maury (52 minutes), qui leur permettra de revenir sans langue de bois sur la genèse du film, qui au départ devait mettre en scène un tueur masculin qui s’attaquait à des femmes enceintes. Ils évoqueront l’évolution du scénario, reviendront sur leur rencontre et leur collaboration, ainsi que sur l’enchainement de circonstances ayant contribué à monter le film très rapidement, le financement, le casting (on y apprendra ainsi que le rôle attribué à Béatrice Dalle avait été pensé pour Sylvia Kristel), la rencontre avec Béatrice Dalle, le tournage, le montage, la sortie du film dans les salles, la suite de leur carrière et le remake du film, Inside, réalisé par Miguel Ángel Vivas en 2016 avec Rachel Nichols et Laura Harring.
On continuera ensuite avec une rencontre avec les deux actrices principales. Le premier est un entretien avec Béatrice Dalle (9 minutes), dans lequel l’actrice la plus nature et grande gueule du cinéma français abordera son expérience sur le film de façon sincère, tout en déstabilisant par moments les journalistes qui l’interrogent. Le deuxième est un entretien avec Alysson Paradis et Julien Maury (20 minutes), qui permettra à l’actrice d’évoquer sa préparation et ses souvenirs du tournage. Enfin, on terminera le tour des suppléments disponibles sur le Blu-ray d’À l’intérieur par une présentation du film par Frédéric Astruc (18 minutes), qui prendra grand soin de replacer le film dans son contexte de tournage – soit au sein de la nouvelle vague d’horreur française appelée « New French Extremism » ou « New French Extremity » et reviendra sur son succès à l’international et les influences du film. Intéressant.
Mais comme vous le savez peut-être, avec ESC Éditions, quand il n’y en a plus, il y en a encore : le coffret Blu-ray À l’intérieur nous propose en effet également de retrouver une partie des suppléments de l’édition Pathé de 2008 sur un DVD supplémentaire. Cela sera l’occasion de se replonger dans un passionnant making of (52 minutes), qui reviendra sur de nombreux aspects techniques du film, et abordera notamment assez longuement la conception des effets spéciaux. On continuera ensuite avec Pizza à l’œil, un court-métrage réalisé par Julien Maury (6 minutes), et on terminera le tour du propriétaire avec une fausse bande-annonce (1 minute), réalisée avec d’autres actrices et pas mal de système D pour convaincre les producteurs de se lancer dans l’aventure À l’intérieur.