Winnie the Pooh – Blood and Honey
Royaume-Uni : 2023
Titre original : –
Réalisation : Rhys Frake-Waterfield
Scénario : Rhys Frake-Waterfield
Acteurs : Nikolai Leo, Maria Taylor, Craig David Dowsett
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h24
Genre : Horreur
Date de sortie BR4K : 19 juillet 2023
Le départ de Jean-Christophe pour l’université a conduit Winnie l’ourson et son ami Porcinet à retourner à l’état sauvage, au point que les deux comparses se transforment en meurtriers sanguinaires…
Le film
[3/5]
Le personnage de Winnie l’ourson a été créé en 1926 par Alan Alexander Milne, et les droits liés au personnage sont tombés dans le domaine public depuis le 1er janvier 2022. Cela signifie donc que n’importe quel producteur peut dorénavant utiliser le personnage dans une œuvre de fiction, à partir du moment où il n’utilise pas le T-shirt rouge, qui reste une propriété de la Walt Disney Company.
L’apparition du personnage dans le domaine public n’a pas échappé au cinéaste britannique Rhys Frake-Waterfield. Ayant quitté son job chez EDF Energy en 2021 pour se lancer dans la production de films d’horreur à petit budget, Frake-Waterfield a vu dans cette nouvelle une opportunité de frapper fort, et les événements lui ont donné raison : en dépit d’une réception critique et publique assez mauvaise, son film – intitulé Winnie the Pooh – Blood and Honey – s’est révélé un beau succès financier, rapportant cinq millions de dollars pour un budget de seulement 100.000.
Il faut dire que le pitch de Winnie the Pooh – Blood and Honey fait sacrément envie. Enfant, le petit Jean-Christophe a fait la découverte, dans la forêt des rêves bleus, d’un groupe d’animaux anthropomorphiques : un ours (Winnie), un cochon (Porcinet), un hibou (Maître Hibou), un lapin (Coco Lapin) et un âne (Bourriquet). Les créatures et le jeune humain se sont rapidement liés d’amitié, d’autant que Jean-Christophe s’occupait de leur apporter de la nourriture. Mais lorsque le jeune homme partit étudier à la fac, il laissa ses amis sans ressources, et lors d’un hiver rigoureux, ils durent se résoudre à tuer et à manger Bourriquet.
Cet événement les a tellement traumatisés qu’ils ont développé une haine féroce envers l’humanité, et en particulier envers Jean-Christophe pour les avoir laissés souffrir. S’étant séparés en deux groupes, les animaux se sont juré de renoncer à leur humanité, de retourner à leurs instincts sauvages et de ne plus jamais parler. Cinq ans plus tard, et alors que les disparitions inquiétantes se multiplient dans les environs de la forêt des rêves bleus, Jean-Christophe décide de présenter Winnie et sa bande à sa future femme – tel est le point de départ de Winnie the Pooh – Blood and Honey.
Vous admettrez qu’avec un pitch pareil, l’amateur de série B horrifique déjantée avait de quoi espérer un sacré morceau de péloche, éventuellement doublé d’une réflexion sur les traumatismes liés à l’enfance, le fait pour Jean-Christophe de se créer ainsi une poignée d’amis imaginaires pouvant être interprété comme une façon de refouler des événements plus dramatiques. De plus, le mélange d’un univers enfantin et du gore le plus décomplexé peut parfois accoucher d’œuvres assez étonnantes, telles que la saga Terrifier par exemple, dont on vous parlait récemment.
Malheureusement, Winnie the Pooh – Blood and Honey ne s’avérera pas pas aussi intéressant et réussi que les films de Damien Leone. Du côté du scénario, une fois l’intrigue débarrassée de Jean-Christophe, le film mettra en scène une poignée de jeunes femmes en villégiature du côté de la forêt des rêves bleux. On sent bien que Rhys Frake-Waterfield tente de donner un peu d’épaisseur psychologique à ses personnages, mais la sauce ne prend jamais réellement. Au fur et à mesure que le film se déroule, le spectateur en viendra même régulièrement à déplorer le manque d’humour et de folie de l’ensemble, notamment en ce qui concerne la personnalité de ses méchants – Winnie et Porcinet – que l’on aurait rêvé plus hargneux, plus vicieux… On les aurait bien imaginés se balader avec de gros braquemarts turgescents, tuer et bouffer les hommes et se garder les femmes de côté pour s’assurer une descendance mutante et dégénérée, tout en faisant de Jean-Christophe leur esclave sexuel – mais non, rien d’aussi déviant n’arrivera.
Si Rhys Frake-Waterfield est probablement un passionné de cinéma d’horreur, le budget limité de Winnie the Pooh – Blood and Honey mettra clairement un frein aux possibilités de l’ensemble, et ne lui permettra au final pas vraiment de faire de miracles : les décors, les effets spéciaux et plus largement le scénario s’avéreront rapidement très limités, à la manière des masques de Winnie et Porcinet, désespérément immobiles. Les scènes de meurtres sont sympathiques, voire même parfois enthousiasmantes, mais leur impact est amoindri par un recours systématique à un sang « numérique ».
Heureusement, d’un point de vue strictement visuel, Winnie the Pooh – Blood and Honey se situe cent coudées au-dessus du tout-venant du genre : la photographie est très soignée, et permettra régulièrement au spectateur d’admirer de bien jolis plans, avec une utilisation intéressante des ombres et des lumières ainsi que de la profondeur de champ. La photo, signée par le talentueux Vince Knight, est vraiment le gros point fort du film, et constitue probablement la vraie raison pour laquelle on ne s’ennuie jamais vraiment devant le film (qui est d’ailleurs très court).
Suite au succès remporté par Winnie the Pooh – Blood and Honey, Rhys Frake-Waterfield et sa société Jagged Edge envisagent déjà une suite, qui devrait logiquement nous inviter à rencontrer Maître Hibou et Coco Lapin. Parallèlement à cette suite (qui devrait bénéficier d’un budget plus confortable), deux autres films d’horreur adaptés de livres pour enfants récemment passés dans le domaine public ont été annoncés : l’un sur Bambi, l’autre sur Peter Pan. Le cinéaste / producteur a d’ailleurs déclaré que ces différents projets se dérouleraient dans une même franchise à continuité commune, et que cet univers étendu Jagged Edge proposerait également des crossovers avec les différents personnages.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4,5/5]
C’est donc à ESC Éditions que l’on doit l’immense chance de pouvoir découvrir Winnie the Pooh – Blood and Honey en vidéo et au format physique : alors que le « DTV » a quasiment disparu en France, on ne peut que s’en féliciter. C’est d’autant plus étonnant / impressionnant que l’éditeur nous propose le film non seulement au format Blu-ray, mais également en Blu-ray 4K Ultra Haute-Définition. Le film est par ailleurs présenté dans un superbe Steelbook avec un effet phosphorescent (genre « Glow in the dark »), qui contient également l’affiche du film et deux cartes postales. Collector !
Du côté du master Blu-ray 4K Ultra Haute-Définition, c’est évidemment du très beau travail même si évidemment le résultat n’a pas la gueule d’un Avatar à 200 millions de dollars. Cependant, l’upgrade est bel et bien réel, avec un rendu ici plus fidèle aux intentions de Rhys Frake-Waterfield et de son directeur photo Vince Knight : les couleurs sont sublimes, les textures ainsi que les contrastes très précis, et ce en dépit de plans toujours volontairement très sombres. Le transfert 2160p est encore amélioré par les étalonnages Dolby Vision et HDR10, qui nous permettent de savourer des couleurs plus subtiles et franches et surtout des jeux d’ombres et de lumières plus beaux et lisibles, avec des lumières plus intenses et des détails dans les ombres bien mieux révélés. Bref, il s’agit d’un très beau transfert. Du côté du son, VF et VO sont proposées en DTS HD Master Audio 5.1, et les deux mixages bénéficient d’une bonne dynamique, avec des effets bien répartis et des ambiances subtilement distillées. La version française a probablement été doublée en Espagne par une petite boite de doublage low-cost genre AudioProjects, mais finalement, le rendu colle assez bien à l’esthétique générale du film.
Pour les suppléments, c’est du côté du Blu-ray qu’il faudra retourner, le Blu-ray 4K Ultra Haute-Définition de Winnie the Pooh – Blood and Honey ne contenant quant à lui que le film. On commencera avec un court making of (4 minutes), composé quelques images volées sur le tournage ainsi que de courts passages en salle de montage, et d’une poignée de photos prises sur le plateau. On continuera ensuite avec un bêtisier (5 minutes), comportant quelques amusantes images de Winnie en train de courir, et en plus de la traditionnelle bande-annonce, on terminera avec une série de scènes coupées (6 minutes), comportant une petite recette de cuisine par Winnie et Porcinet ainsi qu’une fin alternative.