Ran
France, Japon : 1985
Titre original : –
Réalisation : Akira Kurosawa
Scénario : Akira Kurosawa, Hideo Oguni, Masato Ide
Acteurs : Tatsuya Nakadai, Akira Terao, Jinpachi Nezu
Éditeur : StudioCanal
Durée : 2h41
Genre : Aventures, Fantastique
Date de sortie cinéma : 18 septembre 1985
Date de sortie 4K UHD : 28 juillet 2021
Au XVIe siècle, le seigneur Hidetora décide de se retirer et de partager son domaine entre ses trois fils, Taro, Jiro et Saburo. Ce dernier, prévoyant des difficultés, s’oppose à cette décision. Il est déshérité. Mais le père découvre bientôt que, bafouant son autorité, ses deux premiers fils se combattent. Jiro assassine traîtreusement Taro puis Saburo, avant de découvrir que le responsable de ce gâchis n’est autre que la veuve de Taro qui s’est jurée de venger le meurtre de sa famille par Hidetora des années auparavant. Dès lors, il ne reste plus à Jiro qu’à mourir en combattant contre les ennemis du clan Hidetora…
Le film
[5/5]
Considéré par beaucoup comme l’apogée de la longue carrière d’Akira Kurosawa, Ran est un véritable monument du cinéma – une fresque monumentale, quasi-unanimement reconnue comme un véritable chef d’œuvre. D’une durée de presque trois heures, Ran s’impose en effet comme un modèle du genre, portée par le souci du détail sans cesse renouvelé du cinéaste, mais également par sa grande portée et ses images de toute beauté. Le moindre centime du budget du film – 12 millions de dollars – se retrouve à l’écran. 1400 figurants, deux ans de boulot pour la confection des costumes, sans compter la construction d’un immense château sur le mont Fuji… L’impact de Ran sur le cinéma contemporain se mesure à chaque image de ce chef d’œuvre.
Putain de sa mère ! Quel film ! Voilà une œuvre tellement vaste, tellement épique, tellement parfaite, qu’on en perdrait tout notre vocabulaire. Aucune louange n’est assez puissante pour évoquer la perfection de Ran. Partiellement inspiré du « Roi Lear » de William Shakespeare, transposé dans le Japon féodal, le film met en scène un héritage difficile et les luttes de clans qui en découleront. Comme Shakespeare avant lui, Kurosawa profite de son film pour mettre en évidence les pires aspects de la nature humaine. L’ambiance n’est pas à la rigolade, la noirceur est à l’ordre du jour, jusque dans les intrigues secondaires. Meurtre, avidité, trahisons, remords et regrets…
La richesse thématique de Ran est telle que l’on pourrait évoquer sans fin les motivations et les défauts de chaque personnage évoluant au cœur de cette intrigue tordue. Rassurez-vous, on ne le fera pas – à vous de vous laisser submerger par les tenants et les aboutissants de ce chef d’œuvre, qui vous émerveillera sans doute toujours autant à chaque nouveau visionnage. Ran, c’est peut-être avant toute chose la trajectoire d’un homme, Hidetora (Tatsuya Nakadai), vers la rédemption, ce dernier devant faire face aux conséquences de ses actes et assumer les péchés de son passé. Il a commis des actes impensables en tant que chef de clan, il est responsable du meurtre et de la torture d’innombrables victimes. Ces actes peuvent-ils seulement rester impunis ? Est-il seulement possible de penser que l’on peut vivre en gardant derrière soi le poids du passé ? Comme le disait Ribery, « la roue tourne va vite tourner », et les actions malveillantes de sa jeunesse ne tarderont pas à se retourner contre lui – sa déchéance le conduira sur le chemin de la folie.
La riche construction narrative de Ran mettra également en évidence la femme de Taro, le fils aîné d’Hidetora, et le rôle vital de Kaede (Mieko Harada) dans la destruction de la famille. Jouant de son mari comme d’un violon, elle le convainc de faire le premier pas pour offenser son père, sachant que ce dernier ne supporterait pas l’affront. À partir de là, elle orchestrera, machiavélique, une manipulation après l’autre, ce qui lui permettra – de façon assez brillante – de jouer un rôle consultatif auprès des différents chefs du clan Ichimonji. Ses motivations sont assez claires dès le départ, ce qui donnera au public l’occasion d’assister à la complexité implacable de son plan. Sans vous [Spoiler] le plaisir outre-mesure, on peut tout de même souligner que l’importance des manigances de Kaede sera capitale dans le dernier acte de Ran.
Thématiquement et narrativement parfait, Ran bénéficie par ailleurs d’un production design absolument sidérant de beauté et d’ambition formelle. Entièrement tourné au Japon, la toile de fond du Mont Fuji présente pendant les séquences d’ouverture du film prédit l’ampleur épique de ce qui va suivre, et Kurosawa ne déçoit jamais le spectateur. Film visuel par excellence, Ran explose littéralement de couleurs vives, des plans larges, d’angles et de cadrages uniques et inspirés. Chaque scène du film est une leçon de cinéma ; Kurosawa utilisait souvent trois caméras en même temps pour tirer la meilleure performance de ses acteurs. Ici, la cohésion entre le style et le jeu délicieusement outré des acteurs est à son paroxysme. Un putain de grand chef d’œuvre !
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Naturellement tourné en 35MM, Ran avait bénéficié d’une restauration 4K par les laboratoires Eclair en 2015, à l’occasion des trente ans du film. La restauration avait été supervisée par Shoji Ueda, directeur photo du film, et le nouveau master avait fait l’objet d’une édition Blu-ray en 2016, déjà sous les couleurs de StudioCanal. Aujourd’hui, cette dernière se voit donc enrichie d’un Blu-ray 4K Ultra HD, issu du même master, qui s’offre de plus un étalonnage en HDR-10. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le rendu est littéralement époustouflant, et que ça valait le coup d’attendre. Le rendu est en effet absolument magnifique, affichant une précision de tous les instants, avec un grain fin parfaitement préservé. L’ampleur du film s’en voit encore renforcée, costumes et décors apparaissant dans leur plus pure expression. Le HDR-10 rend couleurs et contrastes plus éclatants encore, avec une restitution absolument sublime des jeux de lumières. Les couleurs sont saturées de façon vive, c’est tout simplement superbe.
Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Les deux mixages sont fins et très spectaculaires, proposant une étonnante répartition des voix et des effets. Les canaux arrières sont bien utilisés, de même que le caisson de basses, qu’il s’agisse des scènes les plus calmes ou des puissantes scènes de batailles. La version française ne démérite pas, et se démène même comme une sacrée bougresse dans son genre en termes d’immersion et de rendu acoustique, mais pour de simples raisons artistiques, on préférera visionner le film en version originale.
Du côté des suppléments, le Blu-ray 4K Ultra HD de Ran ne comporte qu’un intéressant sujet consacré à la restauration du film (9 minutes), qui donnera la parole aux techniciens des labos Eclair. Beaucoup d’autres suppléments sont disponibles, mais ceux-ci se trouvent sur le Blu-ray Bonus disponible dans le coffret, et qui n’a malheureusement pas pu nous être fourni par StudioCanal. Le dossier de presse nous apprend néanmoins que vous pourrez y trouver les suppléments suivants :
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A.K. – Documentaire sur Akira Kurosawa réalisé par Chris Marker (72′)
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Interview avec le directeur de la photographie Shoji Ueda (10′)
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Interview avec Meiko Harada (20′)
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Interview avec le journaliste Michael Brooke (17′)
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Apparition sur scène au Tokyo International Film Festival 2015 (15′)
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Documentaire sur l’héritage de l’art Samouraï au Japon (53′)
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Akira Kurosawa : l’épopée de l’intime (42′)
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Akira Kurosawa par Catherine Cadou (interprète française d’Akira Kurosawa) (14’)