Mort ou vif
États-Unis : 1995
Titre original : The Quick and the Dead
Réalisation : Sam Raimi
Scénario : Simon Moore
Acteurs : Sharon Stone, Gene Hackman, Russell Crowe
Éditeur : L’Atelier d’images
Durée : 1h47
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 21 juin 1995
Date de sortie DVD/BR : 15 mars 2022
John Herod règne tel un tyran sur la petite ville de Redemption où se tient chaque année un tournoi de duels à mort à l’issue duquel la somme de 123.000 dollars est promise au meilleur tireur. Jusque là Herod a toujours empoché la récompense lui-même. Mais lorsqu’Ellen, une mystérieuse inconnue, déclare vouloir participer à la compétition, les évènements prennent une tournure inattendue…
Le film
[5/5]
Un peu hâtivement considéré comme un simple « divertissement » lors de sa sortie en 1995, Mort ou vif s’est, peu à peu et au fil des ans, imposé comme ce qu’il est réellement : une déclaration d’amour au genre western de la part de Sam Raimi, doublée d’une BD « live » absolument éblouissante en termes de réalisation et de photo. La redécouverte du film au format Blu-ray 4K Ultra HD orchestrée ce mois-ci par L’Atelier d’Images risque d’ailleurs de mettre tout le monde d’accord : 27 ans après sa sortie dans les salles, il serait en effet grand temps de réhabiliter Mort ou vif, et de lui attribuer les galons qu’il mérite.
Bien sûr, quand on pense à la riche carrière de Sam Raimi, Mort ou vif n’est peut-être pas le premier film à nous venir à l’esprit : sa contribution à l’Histoire du cinéma sera en effet probablement davantage marquée par sa saga Evil Dead (1981-1992), ainsi que par ses trois Spider-Man, qui ont, dès 2002, posé les bases d’un genre qui dominerait l’industrie durant plus de vingt ans par la suite. Pour autant, et même si l’incursion du cinéaste dans le genre western se limiterait à un seul film, Mort ou vif demeure encore aujourd’hui un spectacle ébouriffant de maîtrise, sublimé par la photographie magnifique Dante Spinotti, rythmé par la musique extraordinaire d’Alan Silvestri, et porté par un casting nous donnant à voir quelques-unes des plus grandes vedettes d’Hollywood dans les années 90 : Sharon Stone, Gene Hackman, Leonardo DiCaprio et Russell Crowe sont les têtes d’affiche, et du côté des seconds-rôles, on trouvera les rois de la série B Lance Henriksen (Aliens), Roberts Blossom (celui qui cède son véhicule à Arnie dans Christine), Gary Sinise, Keith David, Woody Strode, Mark Boone Junior (Bobby « Elvis » Munson dans Sons of Anarchy)…
Mort ou vif est un western dont la classique intrigue de vengeance est entièrement construite et articulée autour d’une des scènes les plus emblématiques du genre : celle du duel. Les cow-boys se font face, et lorsque l’horloge de la ville indique l’heure pile, PAN ! Comme l’indique clairement le titre original du film, The Quick and the Dead, à l’issue du duel, il ne restera que deux personnes : le rapide, et le mort – qui ne tardera d’ailleurs pas à se voir dépouillé de tous ses biens de valeurs par une population aux abois. Axée sur une large galerie de personnages hauts en couleurs, l’intrigue enchaine donc les duels jusqu’à l’affrontement final entre l’héroïne et la figure du bad guy suprême, ici incarnée par un Gene Hackman reprenant grosso modo sa cruelle prestation sur l’Impitoyable de Clint Eastwood (1992).
Le film de Sam Raimi oppose donc, sans le moindre temps mort ou sentiment de répétition, ses personnages les uns aux autres. Chacun d’entre eux a ses propres motivations, et le groupe éclectique composé par les différents participants au tournoi reprend avec malice tous les clichés du genre western, ce qui ajoute beaucoup d’humour et de vitalité au film. La tireuse type Calamity Jane, le « Kid » arrogant et sûr de lui, le riche tyran rançonnant les différents commerces de la ville, le tueur recyclé en prêtre, ayant renoncé à toute violence, le joueur de poker, le tueur à gages, le chien fou évadé de prison, l’Indien difficile à tuer, etc, etc – ils sont venus, ils sont tous là, et la dynamique de Mort ou vif, basée sur ces personnages et leurs motivations permet au scénariste du film Simon Moore de nous ménager une série de révélations étonnantes qui renforceront l’aspect dramatique de certains des duels parmi les plus importants du film, jusqu’à un dernier acte en apothéose.
Mais en dépit du casting de stars au générique de Mort ou vif, la véritable valeur ajoutée du film est bel et bien la réalisation de Sam Raimi, qui s’avère véritablement le clou du spectacle. Sa mise en scène, inventive et virevoltante, capture l’essence du western au-delà de tout ce que l’on avait pu voir avant lui. Très respectueux vis-à-vis du genre, il le réinvente d’une façon presque aussi totale et révolutionnaire que ne l’avait fait Sergio Leone un peu plus de trente ans avant lui. Zooms rapides, surimpressions d’images, gros plans, coupes sèches, angles bizarres, il parvient à amener à ses scènes de duels une tension extraordinaire, et parvient à canaliser son énergie pour créer un véritable crescendo dans le délire et la déconstruction des images, le summum intervenant naturellement dans l’acte final.
On n’ira pas par quatre chemins afin de crier à la face du monde notre amour immodéré pour le film de Sam Raimi : le plaisir ressenti aujourd’hui à la redécouverte de Mort ou vif tient littéralement de l’orgasme cinématographique. Non seulement le film peut s’enorgueillir d’une belle collection de talents à la fois devant et derrière la caméra, mais le fait est que Sam Raimi a injecté dans tant d’amusement jouissif, d’énergie et d’inventivité dans son western revisité que finalement, Mort ou vif n’aura qu’un seul défaut : celui de devoir finir par se terminer… Un vrai classique du western, encore trop méprisé de nos jours, et à réhabiliter de toute urgence.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4,5/5]
Si vous êtes équipé 4K, mais que vous n’avez pas encore eu l’occasion d’être réellement bluffé par l’upgrade potentiel d’un film de « catalogue » tourné en pellicule, on ne saura trop vous conseiller de vous ruer sur le Blu-ray 4K Ultra HD de Mort ou vif édité par L’Atelier d’Images. La démonstration technique n’en sera d’ailleurs que plus éclatante que le film de Sam Raimi n’avait jusqu’ici bénéficié que d’une édition Blu-ray assez médiocre, sortie chez Sony Pictures en 2009, qui ne rendait pas justice à ses qualités formelles éblouissantes. C’est tout le contraire avec cette édition, puisque le transfert UHD de Mort ou vif a été parfaitement restaurée et affiche une image au grain argentique préservé, mais nous donnant à voir un niveau de détail jusqu’alors jamais vu. L’étalonnage HDR10 nous permet également de bénéficier d’une image plus chaleureuse, avec des teintes orangées absolument sublimes, qui se voient encore appuyées par des contrastes au taquet et des lumières littéralement sublimées, rendant au film toute sa splendeur visuelle. Seuls bien sûr les quelques plans à effets (fondus enchaînés, mentions écrites) accuseront d’une légère baisse de définition. Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, et s’avèrent toutes deux très solides. La spatialisation est d’une grande finesse doublée d’une intense générosité, le dynamisme et la puissance sont au rendez-vous, avec un caisson de basses qui vrombira régulièrement au rythme des duels. Une belle redécouverte !
Du côté des suppléments, on ne trouvera rien d’autre que le film sur la galette Blu-ray 4K Ultra HD que la traditionnelle bande-annonce du film, aussi faudra-t-il insérer dans votre lecteur le Blu-ray de Mort ou vif, également disponible au sein du Combo édité par L’Atelier d’Images. Et à nouveau, cette nouvelle édition enterre littéralement celle de 2009, qui ne disposait d’aucun supplément. On commencera donc avec une présentation du film par Stéphane Moïssakis et Julien Dupuy (50 minutes). Les deux journalistes de Capture Mag, grands amateurs de Sam Raimi, reviendront sur tous les aspects de la production de Mort ou vif, du stade de l’écriture à sa sortie en passant par le contexte historique, les partis pris esthétiques, le casting, l’implication de Sharon Stone, les motifs visuels récurrents du film… Les deux intervenants évoqueront également l’échec du film dans les salles, tout autant que sa récente réhabilitation. Si l’ensemble est trop souvent ralenti par des extraits du film, cette présentation exclusive fournit un tel nombre d’informations pertinentes sur le film qu’elle s’avère assez incontournable.
On continuera ensuite avec une analyse d’une séquence, toujours assurée par les duettistes Stéphane Moïssakis et Julien Dupuy (10 minutes). Ils ont choisi la séquence de duel entre le Kid (Leonardo Di Caprio) et John Herod (Gene Hackman) séquence riche en effets de « trans-travelling » (une technique inventée par Hitchcock utilisant deux mouvements de caméra allant dans des directions opposées), créant un saisissant effet de vertige que les deux journalistes élargissent aux personnages du film. Intéressant.
On continuera ensuite avec un entretien avec le scénariste du film Simon Moore (audio, 20 minutes). Il y reviendra sur ses intentions en abordant l’écriture du film, ainsi que sur la personnalité de Sharon Stone et celle de Sam Raimi. Il abordera également la sortie de Mort ou vif, ainsi que l’accueil critique qui lui fut réservé. Malgré un petit problème de synchronisation des sous-titres, l’ensemble s’avère assez passionnant. Enfin, on terminera avec une featurette d’époque (6 minutes), qui nous montrera une poignée de moments volés sur le tournage entrecoupés d’entretiens avec Sam Raimi et quelques membres du casting, ainsi qu’avec une petite sélection de scènes coupées (5 minutes), souvent intéressantes, et qui permettront aux amoureux du film de prolonger un peu le plaisir.