Test Blu-ray 4K Ultra HD : Meurtre dans un jardin anglais

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Meurtre dans un jardin anglais

Royaume-Uni : 1982
Titre original : The Draughtsman’s Contract
Réalisation : Peter Greenaway
Scénario : Peter Greenaway
Acteurs : Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 février 1984
Date de sortie DVD/BR/4K : 30 juin 2023

L’an 1694, en Angleterre – Virginia Herbert demande à Neville, jeune peintre et paysagiste réputé, de réaliser douze dessins liés au domaine de son mari, riche propriétaire terrien. En contrepartie, elle s’engage à le payer en or… et en nature ! Le mari étant absent, Neville accepte le marché. Mais il comprendra bientôt qu’on l’a utilisé pour servir un tout autre but…

Le film

[4/5]

Meurtre dans un jardin anglais vient de sortir au format Blu-ray 4K Ultra Haute-Définition sous les couleurs du Chat qui fume, éditeur habituellement davantage tourné vers le cinéma de genre et d’exploitation. Voilà qui peut certes paraitre étonnant, mais finalement, ça ne l’est peut-être pas plus que le fait que cette chronique consacrée à la sortie du film constitue également la toute première critique d’un film de Peter Greenaway publiée sur critique-film.fr ! On ne peut donc que féliciter Le Chat qui fume de proposer à son public de rester ouvert à tous les cinémas, comme il l’avait déjà fait par le passé en éditant des films d’Andrzej Zulawski ou de Lino Brocka.

Sorti sur les écrans britanniques en 1982, Meurtre dans un jardin anglais était le premier film « narratif » de Peter Greenaway, et l’a directement propulsé au premier rang du cinéma d’Art et Essai international. Si on est en droit de lui préférer le fascinant Triple Assassinat dans le Suffolk (1988) ou le cruel Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989), ce film est tout de même régulièrement considéré comme « le » chef-d’œuvre de Peter Greenaway, peut-être en raison de la façon pleine d’esprit avec laquelle il aborde – sans en avoir l’air – l’éternelle question de l’affrontement entre classes sociales, qui ici accouchera d’un dénouement absolument radical et inattendu.

Situé dans une Angleterre du XVIIe siècle au cœur de laquelle la noblesse est dépeinte de façon subtilement exagérée (du point de vue des caractères comme de celui de l’opulence), Meurtre dans un jardin anglais commence par un repas mondain qui marque la rencontre entre Mme Herbert, une épouse aristocrate (Janet Suzman) et Mr Neville, un jeune peintre-paysagiste à succès (Anthony Higgins). Celle-ci charge l’artiste de dessiner douze dessins du domaine de son mari, actuellement absent. D’abord peu enclin à gâcher son talent pour une série de dessins qu’il estime indignes d’intérêt, Mr Neville finira par accepter en échange d’une rémunération, du gîte et du couvert, et d’une faveur sexuelle pour chacun des douze dessins qu’il réalisera.

Mais au fur et à mesure que le dessinateur avancera dans sa tâche, il s’enfoncera chaque jour un peu plus dans les intrigues sournoises de cette maison de campagne apparemment idyllique, notamment par le biais des fréquents accrochages avec Mr Talmann (Hugh Fraser). Mais si la première demi-heure de Meurtre dans un jardin anglais laisse penser que le film prendra des allures de satire des mœurs teintée de domination, d’érotisme et de rapports de classe, Peter Greenaway surprend le spectateur en bifurquant par la suite vers un étrange whodunit, stylisé et teinté de mystère, quand de curieux détails apparaissent dans les dessins de Mr Neville – des détails qui pourraient révéler qu’un meurtre a été commis dans le domaine…

Au-delà de la réflexion sur l’Art – et la question de savoir si un artiste peint ce qu’il voit ou ce qu’il ressent – Meurtre dans un jardin anglais tisse également un discours de classe assez acerbe, dans le sens où il nous donne à voir une poignée d’aristocrates convaincus que leurs propriétés sont le principal indicateur de leur statut social, et que tous leurs actes – même les plus abjects – découlent de cette conviction. Pour autant, cela ne fait jamais du film de Peter Greenaway un drame d’époque chiant et aride – le comportement sans morale des personnages permet en effet au cinéaste d’injecter dans le récit une bonne dose d’humour noir, et les objets inhabituels qui apparaissent dans les dessins de Neville sur le domaine ajoute à l’intrigue une part de mystère très intéressante.

Le sexe tient également un rôle important dans l’intrigue de Meurtre dans un jardin anglais, mais il n’a rien de « récréatif » : il fait bel et bien partie des jeux de pouvoir et d’influence à l’œuvre dans le film. Les parties de jambes en l’air font en effet partie de « contrats » liés entre différents personnages du film, et ne servent qu’à humilier et à asseoir un pouvoir sur l’autre – un pouvoir illusoire dans le sens où il n’est pas économique dans un monde entièrement régi par l’argent.

D’un strict point de vue visuel, Meurtre dans un jardin anglais s’avère un film assez somptueux, bien photographié, plein de couleurs et de costumes extravagants. Les compositions de plans sont soignées et remarquables, et les scènes se déroulent souvent en longs plans-séquences, et les mouvements de caméra ne sont utilisés que dans les moments clés de l’intrigue. La musique, signée Michael Nyman, est également assez notable, dans le sens où elle nous propose un style moderne et minimaliste avec une orchestration en phase avec l’époque représentée à l’écran.

En deux mots, si Meurtre dans un jardin anglais pourra s’avérer déroutant dans la façon dont Peter Greenaway tord son intrigue afin de lui faire prendre une direction franchement inattendue, le film n’en demeure pas moins une œuvre captivante, abordant la dynamique des classes sociales d’une façon pour le moins tranchante et magistrale. L’humour est certes assez cynique et très noir, mais fonctionne en parfaite harmonie avec l’atmosphère développée par le cinéaste au fil de son récit –cette tonalité atypique contribue à donner à Meurtre dans un jardin anglais un cachet assez unique.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Meurtre dans un jardin anglais est donc d’ores et déjà disponible au format Blu-ray 4K Ultra HD sous les couleurs du Chat qui fume, et comme d’habitude, on commencera en louant la rigueur éditoriale sans cesse renouvelée du Chat, qui prend toujours grand soin, avec l’aide de son graphiste attitré Frédéric Domont, de nous proposer des éditions visuellement très classe – ici un digipack trois volets surmonté d’un fourreau et contenant à la fois le Blu-ray et le disque KatKa du film.

Côté master, le transfert est issu d’une restauration 4K menée par le British Film Institute. La restauration a vraiment fait des miracles sur le film de Peter Greenaway, et cette version 2160p nous propose vraiment une clarté et un niveau de détail impressionnant. La forte granulation du 16mm a été respectée, et le film est proposé en HDR Dolby Vision, ce qui nous permet de bénéficier de couleurs et de contrastes parfaitement saturés, et de niveaux de noir francs et profonds ; les tons de la peau sont naturels et ne tirent jamais sur le rose. En dépit d’une très légère perte de précision sur les scènes en basse lumière, l’ensemble est globalement magnifique. Même constat d’excellence côté son, puisque le film nous est présenté dans deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 parfaitement solides (VF/VO), avec des dialogues toujours parfaitement clairs et un bon équilibre musique / dialogues.

Pour ce qui est des suppléments, il faudra se rabattre sur la galette Blu-ray disponible dans le Combo édité par Le Chat qui fume. On commencera par une introduction de Peter Greenaway (10 minutes), dans laquelle le cinéaste évoquera la place du film dans sa carrière, la nature autobiographique de certains éléments de l’histoire, la volonté d’une approche visuelle basée sur la symétrie, le personnage de l’homme-statue qui semble commenter les événements, l’aspect whodunit de l’intrigue… On continuera ensuite par un entretien avec Michael Nyman (7 minutes), qui reviendra sur son travail avec Peter Greenaway ainsi que sur ses compositions pour Meurtre dans un jardin anglais. On poursuivra ensuite avec une série d’entretiens d’époque avec Janet Suzman, Peter Greenaway et Anthony Higgins (5 minutes) ainsi qu’avec un module, également d’époque, nous présentant les coulisses du tournage (6 minutes) se basant, pour l’essentiel, sur la méticuleuse préparation d’une scène en particulier. On terminera ensuite avec la traditionnelle bande-annonce, qui s’accompagnera d’une série de scènes coupées (11 minutes) assez anecdotiques, et probablement écartées du montage final pour des questions de rythme.

Vous le savez si vous suivez l’éditeur depuis quelques années : avec Le Chat qui fume, quand il n’y en a plus, il y en a encore, et on quittera les suppléments intrinsèquement liés à Meurtre dans un jardin anglais pour enchainer avec un documentaire intitulé The Greenaway Alphabet (1h10, présenté en Haute-Définition et VOST) qui nous proposera un portrait du cinéaste et de son attachement tout particulier aux Arts. Il y reviendra également sur ses thèmes de prédilection, les grandes questions philosophiques qui le taraudent, et évoquera rapidement sa filmographie. Enfin, l’éditeur nous propose également de découvrir trois courts-métrages de Peter Greenaway, à savoir H for House (9 minutes, 1976), A Walk Through H (43 minutes, 1978 – HD) et Insight : Zandra Rhodes (15 minutes, 1981 – HD). Les trois films sont proposés en VO. Pour vous procurer cette édition Combo Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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