Les Autres
États-Unis, Espagne, France, Italie : 2001
Titre original : The Others
Réalisation : Alejandro Amenábar
Scénario : Alejandro Amenábar
Acteurs : Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Alakina Mann
Éditeur : StudioCanal
Durée : 1h44
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 26 décembre 2001
Date de sortie DVD/BR/4K : 8 novembre 2023
Ile de Jersey, 1945. Dans une immense demeure victorienne isolée, Grace élève seule ses deux enfants. Atteints d’un mal étrange, ces derniers ne peuvent être exposés à la lumière du jour. Lorsque trois nouveaux domestiques viennent habiter avec eux, ils doivent se plier à une règle vitale : la maison doit être constamment plongée dans l’obscurité et aucune porte ne doit être ouverte avant que le précédente n’ait été fermée. Pourtant, l’ordre rigoureux instauré par Grace va être défié par des intrus…
Le film
[4/5]
La découverte d’Alejandro Amenábar remonte à 1997, grâce à son deuxième long-métrage, Ouvre les yeux, qui lui ouvrit en grand les portes d’Hollywood et lui permit, dès 2001, de signer avec Les Autres son premier film en langue anglaise. Pour autant, si le film d’Alejandro Amenábar est officiellement une coproduction entre l’Espagne, les États-Unis, la France et l’Italie, Les Autres s’inscrit avant tout au cœur d’une véritable « vague » de cinéma fantastique en provenance d’Espagne – un genre à part entière qui inonderait littéralement les salles du monde entier au début des années 2000, et dont les fers de lance étaient Alejandro Amenábar, Jaume Balagueró et Paco Plaza.
Comme son illustre ancêtre La Résidence (Narciso Ibáñez Serrador, 1969), Les Autres est l’occasion pour Alejandro Amenábar de nous proposer un huis-clos au cœur d’une immense maison victorienne, qui s’impose dès les premières minutes du film comme un personnage à part entière. Avant même de s’attarder sur les personnages, la caméra nous présentera la maison, en déambulant à travers ses couloirs obscurs. Les ombres épaisses et le manque de lumière s’imposent ainsi comme les premiers indices de la transformation de cette maison en un terrain de jeu effrayant. Habile technicien, secondé par le sens du cadre et de l’image de son directeur photo Javier Aguirresarobe, Alejandro Amenábar soigne l’ambiance de son entrée matière, créant une atmosphère qui permettra au spectateur d’anticiper l’émergence entre ces murs de quelque chose d’étrange, d’anormal et de profondément inquiétant.
Évidemment, cette entrée en matière permet également de dresser une poignée de passerelles mentales entre Les Autres et deux des plus prestigieux représentants du fantastique gothique des années 60, à savoir Les Innocents et La Maison du diable. Mais alors que le public s’attendait presque à voir flotter un fantôme ou à voir une ghoule immonde ramper dans les couloirs, la grande demeure victorienne nous révélera au contraire Grace (Nicole Kidman), une femme longiligne dont la stupéfiante sophistication old school évoquera forcément un je-ne-sais-quoi de Grace Kelly – une filiation évidente qui ne se limite pas à son prénom mais que l’on retrouve également dans les ramifications narratives du film, Les Autres étant en effet un film profondément Hitchcockien dans son déroulement ainsi que dans sa mise en forme.
Au début du film, l’arrivée de trois domestiques dans la maison permet donc au spectateur de faire connaissance avec Grace, qui s’occupe de ses deux enfants (James Bentley et Alakina Mann), atteints d’une maladie génétique rare qui les empêche de supporter la lumière. C’est ce qui explique pourquoi Grace garde la maison aussi sombre que possible, quitte à donner l’impression qu’elle est abandonnée. Sans en révéler trop sur l’intrigue, toute l’histoire que nous raconte Les Autres est structurée autour d’une mise en scène intelligente qui permet à Alejandro Amenábar de préparer le terrain, de faire grimper la tension en mêlant le réel et le surnaturel pour finalement emmener le spectateur pile là où il le désire.
Très confiant dans sa capacité à équilibrer une histoire originale, une habile réflexion sur les notions d’ombre et de lumière (au fond, plutôt que les enfants, n’est-ce pas Grace qui fuit la lumière et tente désespérément de se réfugier dans l’ombre ?) et une mise en scène visuellement irréprochable, Alejandro Amenábar nous livre avec Les Autres un film qui s’est imposé sans peine comme un classique immédiat. Le film s’est ainsi vu récompensé par plusieurs prix de par le monde, et notamment en Espagne : lors de la cérémonie des Goya en 2002, le film a remporté les prix du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleure photographie, meilleur montage, meilleurs décors et meilleur son. Qui dit mieux ?
Même avec une vingtaine d’années de recul, on ne peut que saluer l’éblouissante réussite que constitue Les Autres, et reconnaître l’influence que le film a eu sur le cinéma fantastique espagnol tout autant que sur la carrière de son actrice principale. Bien sûr, le film n’est peut-être pas parfait – la performance de Nicole Kidman tend parfois à prendre le pas sur l’évolution narrative du récit, qui stagne un peu dans son milieu – mais le fait est qu’en dépit de sa construction, Les Autres s’avère suffisamment riche thématiquement et formellement pour supporter des visionnages répétés, chaque nouvelle vision du film révélant la présence d’indices que l’on n’avait pas forcément repérés auparavant, et qui prendront tout leur sens durant la séquence finale. Remarquable !
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4,5/5]
Les Autres d’Alejandro Amenábar vient donc tout juste de sortir au format Blu-ray 4K Ultra HD grâce à StudioCanal, qui lui offre pour l’occasion un écrin absolument sublime. On s’en félicite d’autant plus que la version Blu-ray du film, sortie en 2009, était épuisée depuis quelques années, et s’échangeait à prix d’or sur le marché de l’occasion.
Côté master, Les Autres a bien entendu fait l’objet d’une restauration 4K maniaque, et StudioCanal nous propose ici la restitution la plus fidèle possible du film d’Amenábar, qui n’a jamais été aussi beau. Cela passe bien sûr par une préservation maniaque du grain d’origine, qui s’affiche ici avec une finesse assez époustouflante, et à une gestion des noirs et des couleurs qui nous apparaît comme tout simplement éblouissante. L’upgrade 4K est assez net, et on le remarque d’autant plus que les quelques plans à effets (fondus enchainés) marquent de petites baisses de définition, ce qui est tout à fait normal. En ce qui concerne le son, le film est proposé en Dolby Atmos en VO, qui sera décodé en Dolby TrueHD 7.1 si votre système n’est pas compatible. La piste est très intense et dynamique, avec une poignée de passages véritablement tonitruants dans leur genre. Comme sur la version Blu-ray de 2009, la version française des Autres nous est proposée en DTS-HD Master Audio 5.1, et le mixage est très efficace, avec des effets Surround étonnants (bruits de pas au plafond qui passent d’une enceinte à l’autre, craquements, voix…). L’équilibrage entre les dialogues et les effets sonores / la musique est très satisfaisant.
Du côté des suppléments, StudioCanal nous propose tout d’abord un passionnant making of rétrospectif (51 minutes). Également disponible sur l’édition Criterion du film, sortie fin octobre aux États-Unis, ce documentaire tourné en 2023 nous propose de revenir sur la genèse des Autres en compagnie d’Alejandro Amenábar, du producteur Fernando Bovaira et des acteurs Nicole Kidman et Christopher Eccleston. Le cinéaste y reviendra sur l’écriture de son film, qui devait originellement se dérouler au Chili, sur le choix de tourner en langue anglaise, ainsi que sur la personnalité et le professionnalisme de Nicole Kidman, qui n’était pas prévue dans le rôle principal au moment de l’écriture. On y abordera également le tournage et la vision d’Amenábar, pour terminer sur la pérennité du film et son succès dans les salles. On continuera ensuite avec une autre featurette inédite, consacrée à la musique du film (5 minutes), composée par Alejandro Amenábar lui-même. Sur le Blu-ray 4K Ultra HD, on trouvera également un making of d’époque (22 minutes), plus consensuel que le précédent, mais qui aura l’avantage de nous permettre d’écouter les propos tenus par Alejandro Amenábar et Nicole Kidman il y a un peu plus de vingt ans. Pour le reste des suppléments, il faudra se rabattre sur l’édition Blu-ray du film, également disponible dans le boitier de cette nouvelle édition estampillée StudioCanal. On y retrouvera les suppléments de l’édition de 2009, à savoir une petite featurette sur les effets spéciaux (4 minutes), une autre sur la maladie Xeroderma Pigmentosum (9 minutes), dont souffrent les enfants dans le film, et un court sujet nous donnant à voir Alejandro Amenábar sur le plateau (8 minutes). On terminera enfin avec une sympathique galerie de photos (tournage, dessins de production, storyboards…).