Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur
France, Espagne : 1973
Titre original : El Secreto de la momia egipcia
Réalisation : Alejandro Martí
Scénario : Julio Salvador, Vincent Didier
Acteurs : George Rigaud, Teresa Gimpera, Michael Flynn
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h32
Genre : Horreur, Érotique
Date de sortie cinéma : 19 avril 1973
Date de sortie Blu-ray : 1 août 2022
En Angleterre, au XIXème siècle – Plusieurs jeunes femmes ont disparu ces derniers temps dans le village jouxtant le château du comte de Dartmoor, scientifique féru d’occultisme, reclus dans son domaine avec John, son fidèle serviteur. Or, selon les rumeurs, la cause de ces disparitions serait liée au châtelain. Sous prétexte d’assister le scientifique, James Barton se présente à lui en qualité d’égyptologue…
Le film
[3,5/5]
Pour les plus lettrés d’entre nous, Le Sang des autres, c’est d’abord un roman existentialiste de Simone de Beauvoir, sorti en 1945 et adapté au cinéma en 1984 par Claude Chabrol. Mais ce titre a récemment (re)pris une nouvelle signification pour tous les amateurs de bis, grâce à la redécouverte par Le Chat qui fume d’un gros bis qui tache exploité sous plusieurs titres lors de sa sortie dans les salles en 1973, et qui vient de débarquer au format Blu-ray 4K Ultra HD sous le titre Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur.
On pourra s’interroger longuement sur ce qui aura pu motiver les distributeurs français du début des années 70 à renommer cette coproduction franco-italienne, dont le titre original est El Secreto de la momia egipcia (on ne vous fera pas l’affront de vous le traduire), par une référence explicite à l’ouvrage de Simone de Beauvoir. Peut-être auront-ils perçu au cœur de cette histoire inspirée tout à la fois de Dracula (le comte vivant reclus dans son château, les disparitions de jeunes filles…) que de Frankenstein (les expériences scientifiques afin de ranimer la momie) une réflexion déguisée sur les thématiques au cœur du roman d’origine, à savoir les enjeux politiques de la résistance et le fait d’assumer la responsabilité de ses propres actions.
En se creusant un peu la tête, on pourrait sans aucun doute dresser une série de parallèles entre le roman et Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur, notamment sur l’éternelle question de savoir si « la fin justifie les moyens », et si la survie de certains vaut la peine de tuer son prochain. Ainsi, la momie incarnée par le film par Michael Flynn devra tuer pour survivre – telle un vampire, la créature doit se nourrir de sang, et par conséquent tuer des « innocents ». On notera par ailleurs que la créature torturera et violera ses victimes avant de se repaître de leur sang, un peu comme on bat un morceau de viande afin de l’attendrir. De fait, on pourrait dresser un parallèle entre les exactions de la momie et les dommages collatéraux des actes de terrorisme commis par la résistance en temps de guerre…
Pour autant, on fera plutôt le choix de considérer Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur comme un pur représentant du cinéma Bis du début des années 70. L’époque était à la libération des mœurs et au relâchement de la censure, et le réalisateur du film Alejandro Martí – qui signe son œuvre sous le pseudonyme de Ken Ruder – en profitait ici pour agrémenter son intrigue de séquences très dénudées qui feraient la joie de tous les cinéphages avides de cinéma d’exploitation. On notera d’ailleurs que s’il n’a réalisé que très peu de films, Alejandro Martí faisait globalement preuve d’une belle maîtrise technique. Le film est certes bourré de maladresses et de raccords pas toujours des mieux torchés, mais on dénote tout de même chez le cinéaste espagnol un sens du cadre assez remarquable : quelques plans du film se révèlent vraiment de toute beauté, et justifient parfaitement le désir de la part du Chat qui fume de faire découvrir ce film au plus grand nombre au format Blu-ray 4K Ultra HD.
Dans le même état d’esprit, on ne pourra que souligner la « vision », l’œil de cinéaste d’Alejandro Martí, qui ponctue Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur de clins d’yeux aux grandes heures du cinéma muet (ouvertures/fermetures à l’iris), le tout étant véritablement sublimé par la superbe photo de Raymond Heil. Malheureusement, on notera également que le film souffre un peu de son aspect très répétitif, et qu’on pourra trouver le temps long durant son dernier acte ; néanmoins, le film conserve encore aujourd’hui de très beaux restes, et on ne pourra que saluer Le Chat qui fume de nous permettre de découvrir près de cinquante ans après sa sortie ce film totalement inconnu au bataillon, ayant de plus la particularité notable d’être une coproduction française !
Le Blu-ray
[5/5]
Mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ? On en termine donc aujourd’hui avec la vague estivale de sorties estampillées Le Chat qui fume : on vous encourage chaudement à lire également nos articles consacrés à La Mort a souri à l’assassin, Nue pour l’assassin, Mais qu’avez-vous fait à Solange ?, Meurtre par intérim, Lady Frankenstein et La Nuit érotique des morts-vivants. Autant de curiosités indispensables qui devraient vous convaincre – si ce n’est déjà fait – de la place incontournable qu’est parvenu à se faire Le Chat qui fume dans le cœur des cinéphiles français depuis son tout premier Blu-ray en 2014.
Comme d’habitude avec l’éditeur, cette édition Blu-ray 4K Ultra HD du Sang des autres ou la volupté de l’horreur débarque dans un sublime Digipack trois volets, surmonté d’un fourreau cartonné. La composition graphique est signée de l’excellent Frhead Domont, et l’édition 4K du film nous est proposée dans un tirage limité à 1000 exemplaires. Côté master, le film bénéficie d’un somptueux upgrade 4K : la restauration a fait place nette de toutes les tâches et autres imperfections liées au temps, et le Blu-ray 4K Ultra HD nous propose aujourd’hui un piqué précis tout en conservant le grain d’origine et une stabilité exemplaire. Les textures sont solidement gérées, de même que les couleurs et les noirs, d’une belle profondeur. La photo nocturne de Raymond Heil est littéralement sublimée, la profondeur de champ ne pose pas de souci, bref, le boulot a été fait – et bien fait – pour que nous puissions (re)découvrir Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, on pourra faire le choix de visionner le film soit en version française, soit en version anglaise, toutes deux mixées en DTS-HD Master Audio 2.0, en mono d’origine évidemment. Les dialogues sont clairs, les ambiances plutôt bien préservées, sans souffle. On a une préférence la version française, plus naturelle et plus ample. De légères imperfections sonores subsistent néanmoins.
Du côté des suppléments, Le Chat qui fume est parvenu, au fil de ses recherches concernant le film, à dégotter les négatifs de trois versions du film d’Alejandro Martí / Ken Ruder. Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur avait en effet été tourné en trois versions plus ou moins « sexy », qui devaient permettre aux distributeurs de proposer le film dans un montage s’harmonisant avec les impératifs liés à la censure au sein des pays où le film serait exploité. On aura donc droit à une poignée de séquences inédites non sexy (12 minutes), qui mettent en scène les comédiennes entièrement habillées, de séquences à demi-sexy (6 minutes), où elles apparaissent topless, et enfin celles issues du montage sorti dans les salles françaises sous le titre de Perversions sexuelles (2 minutes), qui comportait deux scènes érotiques supplémentaires placées en début de film, lors de la ressortie sous le titre Perversions sexuelles. On terminera le tour de la section bonus sur les bandes-annonces des trois versions du film. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !