Test Blu-ray 4K Ultra HD : From Beyond – Aux portes de l’au-delà

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From Beyond – Aux portes de l’au-delà

États-Unis : 1986
Titre original : From Beyond
Réalisation : Stuart Gordon
Scénario : Dennis Paoli, Brian Yuzna
Acteurs : Jeffrey Combs, Barbara Crampton, Ted Sorel
Éditeur : Sidonis Calysta
Genre : Horreur
Durée : 1h28
Date de sortie cinéma : 20 mai 1987
Date de sortie DVD/BR/4K : 7 juin 2024

Le Docteur Pretorius a inventé le Resonator, une machine qui permet de communiquer avec l’au-delà. Mais suite à un accident, son assistant est accusé de meurtre et n’a d’autre choix que d’activer à nouveau la machine. S’ensuivront de terribles conséquences…

Le film

[4/5]

Curieux destin que celui de From beyond – Aux portes de l’au-delà. Tourné dans la foulée du chef d’œuvre Re-animator, avec quasiment la même équipe artistique (prod, réal, acteurs, chef op’, effets spéciaux, musique) et en se basant également sur une nouvelle de H.P. Lovecraft, le film sortira à peu de choses près un an après son aîné. Sur le papier, tout était donc réuni pour que les inconditionnels des aventures d’Herbert West se retrouvent en terrain connu, et que le plaisir soit de nouveau au rendez-vous. Mais voilà, dans le petit monde du cinéma, contrairement à celui de L’agence tous risques, tous les plans ne se déroulent pas toujours sans accroc, et à sa sortie en 1986, From beyond – Aux portes de l’au-delà se prend une volée de bois vert critique, même de la part de la presse spécialisée. Même le mensuel Mad Movies, qui avait pourtant défendu bec et ongle Re-animator l’année précédente, et avait offert au nouveau Stuart Gordon la couverture de son numéro #42 (Juillet 1986), réservait un accueil mi-figue mi-raisin au film.

On a retrouvé pour vous…

La critique de From beyond – Aux portes de l’au-delà, signée Marc Toullec et publiée dans le numéro #45 de la revue Mad Movies (janvier 1987). On vous la présente dans son jus – tous droits réservés bien évidemment © Marc Toullec / Mad Movies.

« Barbara Crampton est une personne charmante. On le sait depuis Re-Animator. Depuis que ce cochon de Stuart Gordon l’a ligotée sur une table d’opération, depuis que sa caméra a bien montré qu’elle ne portait rien sous la veste de pyjama. On fantasme, mais Barbara, avec ses yeux bleus, ses cheveux blonds, son minois charmant, n’est pas vraiment le prototype de la bombe sexuelle qui fait péter l’érectomètre. Fille de docteur dans Re-Animator, elle est dans From Beyond docteur en psychiatrie. Lunettes, coiffure classique, jupe très comme il faut et personne au balcon. Frustrant. Pas pour longtemps vu les vertus aphrodisiaques du Résonator, un appareil bizarre qui stimule la libido et qui, accessoirement, libère quelques monstres-caramel mou de l’au-delà. Les monstres ne font pas le poids quand Barbara prise de picotements là où vous savez découvre dans une garde-robe particulière quelques pièces de cuir noir clouté. Bas, corset, cache-sexe… effet radical: la température monte. Barbara n’en peut plus et se rabat sur ce pauvre Jeffrey Combs épilé des pieds au sommet du crâne par un aspirateur flasque et gélatineux. Cut.

Le propos de Stuart Gordon touche pour beaucoup au cul. La blonde frigide se mue en nymphomane adepte du bondage. Tout ça parce que le savant fou du film, le docteur Prétorius, est un obsédé de première. Pas un vieux radoteur mais un mec de style viril qui adore enchaîner les nanas pour les bastonner. Catapulté dans l’autre monde par le résonateur, il envisage à son retour de livrer la planète à la plus grande partie de jambes en l’air du cosmos. Ses intentions seraient bien méritoires s’il ne s’agissait pas aussi d’en foutre plein la gueule aux partouzeurs. La domination du monde passe maintenant par le croupion. Thématiquement, ça pèse. Niveau fesse, From Beyond donne dans le salace, dans le symbole gros comme ça. Évidemment, Prétorius fait du rentre-dedans à la doctoresse qui repousse ses avances. Il l’agresse, tente un suçon baveux. Il se ramasse une veste. Crampton saisit un extincteur phallique et asperge le monstre d’un liquide poisseux et blanchâtre. Plus tard, la belle malmenée tranche d’un vigoureux coup de dents l’appendice tournicotant sur le front de Jeffrey Combs. Jolie et fine évocation de la castration. Très branché érotisme, From Beyond étale ce que le cinéma fantastique s’était contenté de suggérer jusque-la. Fini les héroïnes discrètement giflées. On en vient au viol explicite, à l’accouplement bestial entre la chair rose et une barbaque protéiforme. Le monstre aussi bandait.

C’est simple, From Beyond героse sur deux éléments bien précis. Le premier tourne autour de la plastique de Barbara Crampton, tour à tour perverse et innocente. Et puis il y a les monstres. Des gros, des petits, des bestioles infernales de toutes les formes, qui changent de forme. En bref, des monstres qui assument avec zèle leur fonction de monstre. Ce sont des espèces d’anguilles aux mâchoires puissantes qui ouvrent le bal. Jolie séquence : on a l’impression que ces échappés de l’au-delà nagent autour de Jeffrey Combs. Les choses n’en restent pas là. Ce salaud de Prétorius réintègre une morphologie humaine et s’amuse follement à la modifier selon son caprice du moment. Ainsi, il fond littéralement, grossit, s’étale en largeur. Des grosses pattes de poulet lui poussent ; le cou s’étire et promène la tête à une distance appréciable des épaules. C’est fou се qu’il se marre, се bon vieux Prétorius. À peine complexé par un physique pour le moins fluctuant, il vise à la conquête de la jolie Barbara Crampton. Une vraie pâte à modeler, ce corps. Il suffit de penser à un nouvel appendice, et hop! le voilà. Une sorte de main géante à trois doigts se forme instantanément et vient caresser la jeune femme allongée.

Prétorius n’est pas l’unique vedette du show. Une grosse chenille (du style des vers de Dune) émerge dans la cave inondée. Elle avale Jeffrey Combs et le геcrache. Entre temps, celui-ci aura perdu toute pilosité sur le corps. Tout rose et lisse maintenant. Enfin, il n’a pas tout paumé. Lui reste un solide appétit de cerveaux. Il en trouve un dans une poubelle et le grignote. Mais sa méthode de ponction de la matière première mérite une mention : il applique la bouche contre l’œil et aspire bien fort. Toutefois, From Beyond ne manifeste que très peu le désir d’être un film gore. Bien sûr, le sang n’en est pas absent et loin s’en faut. Mais il en ressort surtout une suite de mutations délirantes, de transformations spectaculaires et assez peu sanglantes. Chercher Lovecraft là-dedans serait de surcroît bien inutile. Le scientifique taré est présent, son jeune assistant également et les monstres proviennent directement d’une autre dimension. А part ça, bernique pour la fidélité dans l’adaptation. Et comme tout le monde se moque éperdument de la trahison, vous comprendrez aisément que je ne vais pas me plonger dans l’œuvre du père du Nécronomicon pour mesurer l’étendue des dégâts. »

Dans les faits, la réception publique et critique de From beyond a en quelque sorte signé la fin de carrière anticipée de Stuart Gordon, qui ne retrouvera jamais réellement sa superbe d’antan, malgré quelques excellents films trop largement sous-estimés ces vingt dernières années (King of the Ants, Edmond). Mais comme le dit le proverbe, il n’y a que les trous de balle qui ne changent pas d’avis, et la cuvée Stuart Gordon 1986 a depuis été très largement réhabilitée. Le plus ironique est d’ailleurs que l’unique bonus présent sur le Blu-ray sorti en France en 2014 était signé Marc Toullec, et que dix ans plus tard, le livret intégré au Mediabook du Blu-ray 4K Ultra HD de From beyond – Aux portes de l’au-delà est à nouveau signé Marc Toullec ! Une preuve s’il en fallait une que l’ancien rédacteur en chef de Mad Movies a su évoluer avec son époque, mais également une preuve que le film de Stuart Gordon était peut-être en avance sur son temps…

La réhabilitation de From beyond – Aux portes de l’au-delà date probablement des alentours de l’année 2007, qui marqua la sortie américaine d’un DVD « uncut » réintégrant les quelques secondes laissées sur les bancs de la salle de montage. Comme l’expliquait Gordon himself en préambule sur le DVD, les coupes représentaient environ une minute de film, et avaient été nécessaires pour passer de la classification X à la classification R (interdit aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés d’un majeur). Mais dans l’absolu, et que l’on ait apprécié ou non le film au milieu des années 80, sa réhabilitation est sans aucun doute liée au fait que presque quarante ans ont passé depuis sa sortie. De fait, From Beyond réapparaît aujourd’hui après quarante ans d’outrages faits au cinéma fantastique et/ou horrifique, et surtout quarante ans d’effets numériques grotesques qui ont, en particulier dans les années 90, ont contribué à amoindrir la pérennité visuelle d’une bonne partie de la production affiliée au genre. Ainsi, en cette ère du « tout numérique », revoir un film faisant honneur aux prothèses caoutchouteuses bien dégueu et autres effets animatroniques conçus à même le plateau de tournage ne pourra QUE réjouir les amateurs de cinéma d’horreur. Dans le même état d’esprit, From Beyond est un film excessif, flirtant souvent avec le grotesque, mais s’avérant ô combien fascinant dans son mélange efficace d’horreur et de science-fiction. Le scénario part dans tous les sens, mais n’est jamais à court d’idées folles, et visuellement, l’ensemble porte évidemment la marque des films à venir de Brian Yuzna, surtout dans son côté suintant, visqueux et gluant qui préfigure avec quelques années d’avance les délires graphiques de son premier film en tant que réalisateur, Society. Comme d’habitude, Jeffrey Combs en fait des caisses mais sa prestation colle clairement à l’énergie fébrile du film. Peu importe ensuite si le résultat à l’écran s’avère un poil moins définitif que Re-Animator, puisque fun décomplexé et surenchère graphique sont au rendez-vous, ne boudons pas notre plaisir !

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4,5/5]

From beyondAux portes de l’au-delà vient donc de ressortir au format Blu-ray 4K Ultra HD sous les couleurs de Sidonis Calysta, dix ans après une première édition Blu-ray encodée en 1080i, qui nous proposait qui plus est le montage original du film, censuré de ses plans parmi les plus craspecs et raccourci d’environ une minute. Et comme dans le cas de la galette 4K de Lifeforce que l’on a abordé il y a quelques semaines, il semble que l’éditeur ait entendu les récriminations des consommateurs et ait décidé de rectifier le tir à tous les niveaux : le film de Stuart Gordon nous est donc cette fois bel et bien proposé dans sa version non censurée. Les différences sont certes peu nombreuses mais bien réelles, et le film retrouve enfin la fameuse séquence dite « de l’œil », durant laquelle un Jeffrey Combs possédé arrache l’œil d’un médecin avec ses dents, avant de le cracher par terre et de lui sucer le sang par le trou laissé béant.

Coté master, From beyond – Aux portes de l’au-delà bénéficie vraiment d’une nouvelle jeunesse en 4K : rappelons qu’il s’agit d’un film très coloré, et cette version Blu-ray 4K Ultra HD (HDR10) respecte la patine visuelle du film, ses éclairages intenses et bizarres, et mettant en avant le travail de l’équipe sur les effets spéciaux visuels et les maquillages. Le niveau de détail est excellent, les textures admirablement rendues, les couleurs sont explosives et les noirs profonds. Du côté des pistes sonores, VF et VO nous sont proposées en DTS-HD Master audio 2.0 parfaitement stables et propres, qui rendent honneur à la folie douce du métrage, allant même peut-être jusqu’à l’accentuer un peu en ce qui concerne l’impayable version française, assurée par Denis Boileau, Joël Martineau et par l’excellent Sady Rebbot.

From beyond – Aux portes de l’au-delà ressort chez Sidonis Calysta dans un sublime Mediabook limité à 2000 exemplaires, comprenant le film au format Blu-ray 4K Ultra HD, le film au format Blu-ray, et un livret de 48 pages signé Marc Toullec, qui reviendra dans le détail sur la production et le tournage du film, ainsi que sur sa réception et son « héritage ». Sur la galette à proprement parler, on trouvera également une poignée de suppléments fort sympathiques : on commencera par un entretien avec Barbara Crampton (14 minutes), qui permettra à l’actrice de revenir sur son parcours, sur ses débuts en tant que comédienne à la télévision et au cinéma. Elle abordera également son amour pour le cinéma d’horreur, la célébrité grâce à Re-Animator, ainsi que sa volonté d’apporter quelque chose de différent à son personnage dans From Beyond, qu’elle considère comme le plus intéressant de toutes ses collaborations avec Stuart Gordon. Elle se remémorera le tournage de certaines scènes.

On continuera ensuite avec un entretien avec Stuart Gordon (21 minutes), qui prend la forme d’une session de questions-réponses avec le public à l’issue de la projection du film. Le regretté cinéaste, accompagné de sa femme Carolyn Purdy-Gordon, évoquera l’implication de son épouse dans le film, certaines thématiques abordées par From beyond, l’influence de Lovecraft, le travail avec Brian Yuzna, le casting du film ou encore la réutilisation de certains des décors utilisés sur Dolls – Les Poupées. On embrayera par la suite avec un entretien avec Richard Band (5 minutes), qui permettra au compositeur de revenir sur les subtilités de sa composition pour ce film, et de nous expliquer comment il voulait que sa musique emmène le spectateur dans les différents domaines que le film allait explorer. Enfin, après avoir fait un petit détour par la traditionnelle bande-annonce, on terminera avec une intéressante featurette dédiée aux effets spéciaux de From Beyond (21 minutes), avec des interviews de John Naulin, Gabe Bartalos et Anthony Doublin. Ils évoqueront leur expérience sur Re-Animator ainsi que sur From Beyond, et partageront leur plaisir à travailler avec Stuart Gordon, avant de revenir sur la création des différents effets spéciaux et maquillages du film, et du fait qu’il a fallu beaucoup de bave pour le projet.

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