Démons
Italie : 1985
Titre original : Dèmoni
Réalisation : Lamberto Bava
Scénario : Dario Argento, Lamberto Bava, Dardano Sacchetti…
Acteurs : Urbano Barberini, Natasha Hovey, Karl Zinny
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h28
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 1 octobre 1986
Date de sortie BR/4K : 5 avril 2022
Un mystérieux homme masqué distribue dans le métro des invitations pour la projection d’un film d’horreur. La fiction va bientôt se confondre avec le réel lorsque les spectateurs vont subir le même sort que les personnages à l’écran…
Les films
[3,5/5]
Grosse actu en vidéo pour les Bava père et fils : après la sortie ces jours-ci de plusieurs grands classiques issus de la carrière de Mario Bava (Le Masque du démon, La fille qui en savait trop et Caltiki le monstre de l’espace), son fils Lamberto Bava est également mis à l’honneur, avec les sorties successives de La Maison de la Terreur et de son diptyque Démons / Démons 2.
Après La Maison de la Terreur, disponible depuis peu sous les couleurs du Chat qui fume, c’est donc aujourd’hui à Démons / Démons 2 de bénéficier d’une ressortie en France, grâce à Carlotta Films. Et qui dit ressortie dit forcément upgrade technique, et pour le coup, Carlotta prend tout le monde de court en sortant les deux films d’horreur branques de Bava fils au format Blu-ray 4K Ultra HD.
Démons et Démons 2 sont marqués par le sceau de la collaboration entre Lamberto Bava et Dario Argento, qui assurait ici les postes de co-scénariste et de producteur. Ce sont aussi sans conteste les films les plus connus du fils de Mario Bava, et ceux lui ayant permis de s’affranchir de l’ombre de son père, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Démons commence par une séquence d’introduction prenant place dans le métro de Berlin, et fonctionnant comme un écho lointain avec celle de Suspiria. La mise en place est poétique, angoissante sans raison apparente, nous présentant le personnage principal, Cheryl (Natasha Hovey) selon une mécanique du récit tenant clairement de l’onirisme cher à Dario Argento. L’héroïne déambule paniquée dans les couloirs d’un métro entièrement vide, se retrouve face à un personnage étrange (Michele Soavi) évoquant le Fantôme de l’Opéra, et quand elle se retrouve enfin à l’air libre, c’est pour mieux se diriger vers un endroit mystérieux – un cinéma rénové appelé Metropol – semblant être apparu en pleine rue comme sorti des entrailles de la Terre.
La suite du film en revanche permettra à Lamberto Bava de se démarquer clairement des diverses influences ayant jusque-là marqué son cinéma : celle d’Argento et celle de son père Mario Bava. Dans l’absolu, il se rapprochera avec Démons davantage d’une vision « américaine » de l’horreur, proche par exemple d’un Gremlins réalisé l’année précédente par Joe Dante, l’humour en moins, le gore en plus. Parce qu’on ne va pas se voiler la face : une fois les personnages installés dans le cinéma et la psychologie des principaux protagonistes rapidement esquissée, Démons s’imposera comme un véritable festival de séquences gore, de monstres et de morts en pagaille, ne suivant aucune réelle logique narrative ni aucun fil conducteur, mais visant surtout à en mettre plein les yeux du spectateur.
A ce titre, on pourrait presque affirmer que Démons s’avère avant tout une tonitruante bande-démo dédiée au talent du maquilleur Sergio Stivaletti. L’intrigue du film de Lamberto Bava tient en effet du prétexte pur et simple, et n’évite pas une certaine stupidité. Terriblement basique et linéaire, le récit se contente simplement d’enchaîner les scènes « gore », avec des meurtres extrêmement graphiques et des espèces de morts-vivants à l’apparence assez unique, dégueulant autant de vert que de rouge et arborant un look et des couleurs typiques des années 80, comme si le spandex fluo était devenu une partie intégrante de leur aspect répugnant. Pour autant, si Sergio Stivaletti a probablement du vraiment s’éclater sur le plateau à imaginer des moyens innovants de réduire des corps en bouillie, on ne saurait non plus complètement réduire Démons à son défilé d’effets spéciaux, dans le sens où Lamberto Bava développe tout de même une bonne atmosphère, poussant loin le bouchon du mauvais goût et parvenant à maintenir un rythme solide à partir de simples courses-poursuites à travers un lieu clos, souvent accompagnées d’une bande sonore Heavy Metal comprenant des morceaux de légendes du rock telles que Accept, Motley Crüe, Billy Idol, Saxon ou encore les allemands de Scorpions. La bande originale quant à elle a été composée par le tout aussi légendaire Claudio Simonetti.
Entre les cris et les grognements, Démons parviendra donc mine de rien à s’imposer comme ce qui restera le point d’orgue de la carrière de Lamberto Bava, dans le sens où c’était le premier de ses films au cœur duquel il se démarquait clairement de l’héritage paternel pour nous donner à voir « sa » conception du cinéma d’horreur, autrement plus frontale et démonstrative, tout en glissant dans son intrigue une référence appuyée à un certain « masque du démon » avec lequel Mario Bava avait signé son premier chef d’œuvre.
Démons 2
Italie : 1986
Titre original : Dèmoni 2… L’Incubo ritorna
Réalisation : Lamberto Bava
Scénario : Dario Argento, Lamberto Bava, Dardano Sacchetti…
Acteurs : David Edwin Knight, Nancy Brilli, Coralina Cataldi-Tassoni
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h31
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 25 mars 1987
Date de sortie BR/4K : 5 avril 2022
Dans un immeuble, une jeune fille fête son anniversaire. Au même moment, la télévision diffuse un film d’horreur sur une invasion de démons. L’un d’eux va s’extraire du poste pour semer la terreur parmi les invités, puis dans l’immeuble tout entier…
Succès international oblige, Lamberto Bava remettrait le couvert un an plus tard avec Démons 2, toujours sous la houlette de Dario Argento. Cette fois, comme le laissaient suggérer les dernières images du premier film, les démons ont quitté le Metropol, et prennent d’assaut un immeuble. Pour le reste, c’est exactement pareil : on commencera en dessinant à la truelle les contours de plusieurs personnages de jeunes gens s’amusant lors d’une grande Birthday Party typique des bandes horrifiques 80’s – vous savez, celles durant lesquelles les parents sont partis, et où l’on pourra s’adonner à tous les plaisirs.
Sauf que l’héroïne de Démons 2, Sally (Coralina Cataldi-Tassoni), est une ado du genre un peu boudeuse, voyez, et qu’elle finira par s’enfermer dans sa chambre afin de mater un film d’horreur dans lequel une bande de jeunes réveillent un démon, et bien sûr, comme dans le premier film, ce dernier sortira de l’écran, faisant de Sally la première zomblarde / démone du film, la Patiente 0, la Pangoline qui va créer à cause d’un léger problème de règles abondantes toute une nouvelle vague de monstres fluo et dégueu, toujours assurés par le talent de Sergio Stivaletti.
Désireux de casser un peu la monotonie du huis-clos du premier film, qui se limitait globalement à la salle de cinéma du Metropol et à ses quelques passages secrets (sic), Lamberto Bava investit ici tout un immeuble, ce qui, sur le papier, lui allouait un espace de jeu un peu plus grand, avec des décors un peu plus variés. Dans l’absolu, cela ne change pas grand-chose au jeu de massacre, et Démons 2 s’avérera au final assez semblable au premier épisode, impression encore renforcée par le fait que deux des acteurs du premier film réapparaissent ici, dans des rôles complètement différents : Bobby Rhodes, qui incarnait Tony le mac dans Démons, devient donc Hank, patron d’une salle de sport, et Pasqualino Salemme, qui jouait le chef des punks dans le premier film, hérite d’un rôle de gardien d’immeuble. Deux beaux exemples de réinsertion sociale !
Du côté de la B.O, on délaisse un peu le Hard Rock FM pour le rock alternatif, ce qui implique naturellement une poignée de groupes un peu plus pointus, tels que Dead Can Dance, The Cult, les Smiths, Art of Noise, Fields of the Nephilim ou encore Peter Murphy (ex-Bauhaus), qui contribuent à leur manière à pousser tous les curseurs un peu plus loin, un peu à la manière de l’ampli de Spinal Tap qui monte jusqu’à 11 au lieu de s’arrêter à 10. Encore plus de meurtres craspec, encore plus de gore, encore plus de gogols fluo courant dans des escaliers, mais l’effet de surprise en moins.
Bénéficiant d’un budget probablement un peu supérieur à celui qui lui avait été alloué sur le premier film, Sergio Stivaletti s’en donnera à nouveau à cœur joie, et créera avec son équipe certains des débordements gore les plus réjouissants de tout le cinéma des années 80. Il pourra également se faire plaisir avec des créatures tout à fait inédites, telles par exemple qu’un chien-démon ou encore un bébé-démon. Plutôt à l’aise malgré le bordel ambiant, flirtant régulièrement avec l’hystérie, Lamberto Bava parvient également à nouveau à gérer son film sans réel problème de rythme, nous livrant avec Démons 2 un joyeux nawak de sang, de tripes et d’effets gore.
On notera par ailleurs que le look des démons créés par Sergio Stivaletti pour le diptyque Démons / Démons 2 fera quelques émules, puisqu’on retrouvera des créatures arborant des maquillages assez similaires dans des films tels que La Nuit des Démons (Kevin Tenney, 1988), La Nuit des Démons 2 (Brian Trenchard-Smith, 1994) ou encore Le Couvent (Mike Mendez, 2000).
Le coffret 2 Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Planquez-vous ! Démons et Démons 2 viennent à nouveau de débarquer en France, dans un superbe boîtier métal Steelbook sous les couleurs de Carlotta Films. Les films sont tirés de nouvelles restaurations 4K, et sont cette fois proposés sur support Blu-ray 4K Ultra HD. Sans surprise, en comparaison avec les horribles DVD jusqu’ici disponibles sur le marché français, les deux films retrouvent ici une nouvelle jeunesse : l’image a été étalonnée en HDR10 et Dolby Vision, et cette nouvelle présentation Ultra Haute-Définition apporte une dimension supplémentaire au spectacle nous ayant été concocté – en double dose – par Lamberto Bava et Dario Argento. Le grain cinéma a été parfaitement préservé, mais n’empêche jamais au piqué et au niveau de détail de s’avérer impressionnant, même dans les moments les plus sombres. Les niveaux de noir sont profonds et les contrastes affirmés. Le résultat à l’image est d’autant plus éclatant que Démons a toujours été un film particulièrement coloré – sa palette se voit ici considérablement boostée ici grâce au passage en HDR : les scènes sont littéralement inondées d’une intense variété de couleurs primaires et de néons, qu’il s’agisse de l’intérieur du théâtre Metropol ou de l’extérieur des rues de la ville. Le grain est un peu plus accentué sur Démons 2, mais cette nouvelle présentation Ultra HD gère remarquablement bien le grain, qui ne paraît jamais trop envahissant. En deux mots comme en cent, ces deux présentations vidéo sont tout simplement magnifiques. Côté son, les films sont proposés en version anglaise et italienne en DTS-HD Master Audio 5.1 et DTS-HD Master Audio 2.0, tandis que la version française ne dispose que d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0. Il existe de nombreuses différences entre les versions anglaise et italienne, du point de vue des dialogues, mais également de la musique et des effets sonores. Les pistes 5.1 et 2.0 offrent une belle ampleur, notamment en ce qui concerne les fantastiques partitions de Claudio Simonetti (Démons) et Simon Boswell (Démons 2), et les divers effets sonores, en particulier ceux qui concernent les démons eux-mêmes, sont largement soutenus. La VF en stéréo est extrêmement active et parfaitement équilibré. Du très beau travail.
Du côté des suppléments, Carlotta Films nous offre un ensemble extrêmement complet de bonus passionnants. On commencera avec un entretien avec Lamberto Bava (36 minutes), qui permettra au réalisateur de revenir sur sa rencontre avec Dario Argento, sur le script d’origine, les modifications apportées à l’histoire, le tournage, le rythme et le fait de tourner dans un espace clos etc. Il terminera en évoquant les premières projections et le succès du film. On continuera ensuite avec un entretien avec Dario Argento (16 minutes), qui abordera son rôle dans les deux films de la saga, et la grande liberté qu’il avait volontairement laissé à Lamberto Bava. Il évoquera également l’apparition de sa fille Asia Argento dans Démons 2 et sa carrière d’actrice et de cinéaste. La galette de Démons contient également deux bandes-annonces ainsi qu’une présentation du film par Romain Vandestichele (25 minutes). Auteur avec Gérald Duchaussoy du livre « Mario Bava, le magicien des couleurs », que l’on avait déjà abordé à l’occasion de la sortie en Blu-ray des Trois Visages de la Peur, il reviendra de façon très sérieuse et analytique sur le film, dressant des passerelles avec les œuvres de Mario Bava et de Dario Argento. C’est passionnant, rythmé et toujours pertinent – la preuve s’il en fallait une que l’on peut parfaitement analyser le plus sérieusement du monde un film que beaucoup considèrent juste comme un sympathique nanar.
Le Blu-ray 4K Ultra HD de Démons 2 n’est pas en reste du côté des suppléments, puisqu’on y trouvera un deuxième entretien avec Lamberto Bava (16 minutes), qui cette fois abordera l’influence qu’a pu avoir son père Mario Bava sur son travail et sur ses exigences, notamment en matière de suites. Concernant Démons 2, il évoquera les enjeux dramatiques forts liés à une intrigue traitant de la télévision, et évoquera les tentatives avortées afin de réaliser un troisième opus, qui ont finalement accouché du film Sanctuaire de Michele Soavi, qui n’avait finalement plus de lien avec les deux films précédents. On trouvera également un entretien avec Roy Bava (35 minutes). De son vrai nom Fabrizio Bava, il s’agit du fils de Lamberto Bava, qui fut stagiaire assistant-réalisateur sur Démons et second assistant-réalisateur sur Démons 2. Il se remémorera le tournage des deux films, les effets spéciaux, son père, Dario, Asia Argento. On continuera ensuite avec un entretien avec Simon Boswell (27 minutes), compositeur de la musique du film, qui expliquera avoir été chargé de faire passer la bande-son d’une ambiance Heavy Metal à une ambiance plus pop / New wave au cachet plus « britannique ». Il se rappellera avoir été demander à Morrissey l’autorisation d’utiliser une chanson des Smiths. C’est avec plaisir que l’on retrouvera ensuite une nouvelle présentation du film par Romain Vandestichele (19 minutes), qui reviendra avec toujours autant de pertinence sur les différences stylistiques entre les deux films du diptyque Démons / Démons 2, et notamment sur le fait que les personnages du film, habitants d’une tour ultra-moderne, soient tous ouvertement décrits comme profondément antipathiques et individualistes. Il reviendra également sur les acteurs du film, ses aspects les plus réjouissants, ainsi que sur le doublage français. Enfin, outre les traditionnelles bandes-annonces, on trouvera une analyse des deux films par Alexandra Heller-Nicholas (27 minutes), qui se basera essentiellement sur les rapports entre les personnages, les lieux ainsi que les « technologies » au cœur des deux films.