Test Blu-ray 4K Ultra HD : Dar l’Invicible

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Dar l’Invicible

États-Unis : 1982
Titre original : The Beastmaster
Réalisation : Don Coscarelli
Scénario : Don Coscarelli, Paul Pepperman
Acteurs : Marc Singer, Tanya Roberts, Rip Torn
Éditeur : ESC Éditions
Genre : Aventures, Heroic Fantasy
Durée : 1h52
Date de sortie cinéma : 27 avril 1983
Date de sortie DVD/BR/4K : 26 mars 2025

Les aventures et les exploits de Dar, surnommé « l’Invincible », parce qu’il possède le pouvoir de commander les bêtes et qu’il est accompagné dans sa quête par une panthère noire et un aigle qui le protège tous deux…

Le film

[4/5]

Le succès international de La Guerre des étoiles – alias Star Wars – en 1977 a ouvert grand les portes à un certain cinéma de « l’imaginaire », qui bénéficierait dorénavant de moyens conséquents afin de séduire des générations de jeunes gens biberonnés aux comics et à la science-fiction depuis les années 50. Tous les grands studios se lanceraient donc dès lors dans la grande aventure du Space Opera ou de l’Heroic Fantasy, avec des films tels que Le Seigneur des Anneaux (Ralph Bakshi, 1978), Le Trou noir (Gary Nelson, 1979), Flash Gordon (Mike Hodges, 1980), Le Dragon du lac de feu (Matthew Robbins, 1981), Dark Crystal (Jim Henson / Frank Oz, 1982), Conan le barbare (John Milius, 1982) et, bien sûr, le film qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir Dar l’Invincible (Don Coscarelli, 1982).

Évidemment, pour de nombreux de ces films produits au début des années 80, le succès ne répondra pas forcément à l’appel. Peter Jackson et Game of Thrones n’avaient en effet pas encore contribué à rendre le genre plus que bankable, et l’Heroic Fantasy tout comme la SF étaient encore largement considérés comme des sous-genres destinés soit aux enfants, soit à un public de geeks – ce qui à l’époque n’avait pas du tout la coloration cool et populaire dont elle peut se draper aujourd’hui, mais au contraire une connotation volontiers puérile, voire même un peu gogole sur les bords. Pour autant, quand Dar l’Invincible sort dans les salles françaises en 1983, il enregistre rien de moins que 912.000 entrées : c’est 70.000 de plus que La Ballade de Narayama (Palme d’or 1983), mais également quasiment le double du box-office hexagonal d’Evil Dead (Sam Raimi), et presque le triple de celui de Creepshow (George A. Romero).

Qu’est-ce qui explique donc que Dar l’Invincible soit quant à lui complètement retombé dans l’oubli ? Hé bien, pour être tout à fait honnête, on ne se l’explique pas réellement, si ce n’est peut-être par le manque d’intérêt des français pour le genre de l’Heroic Fantasy. Beaucoup de films de Sword & Sorcery sortis tout au long des années 80 sont ainsi complètement retombés dans l’oubli de nos jours. Mais pour un Conan le Barbare dont tout le monde se souvient, qui en revanche se souvient de longs-métrages tels que Voltan le Barbare (Terry Marcel, 1980), Bandits bandits (Terry Gilliam, 1981), Le Dragon du lac de feu (Matthew Robbins, 1981), La Dernière licorne (Jules Bass et Arthur Rankin Jr, 1982), L’Épée sauvage (Albert Pyun, 1982), Thor le guerrier (Tonino Ricci, 1983), Yor le chasseur du futur (Antonio Margheriti, 1983), Conquest (Lucio Fulci, 1983), Tygra la glace et le feu (Ralph Bakshi, 1983), Deathstalker (James Sbardaletti, 1983), Le Guerrier et la Sorcière (John C. Broderick, 1984) ou encore L’Épée du vaillant (Stephen Weeks, 1984) ?

Certains vieux croulants ayant découvert le cinéma par le biais de la VHS dans les années 80 vous affirmeraient peut-être aujourd’hui que dans leurs jeunes années, ils préféraient les aventures de Dar l’Invincible à celles de Conan le Barbare. La raison de cette inclinaison n’est pas uniquement liée à la scène de nudité totalement gratuite servant à introduire le personnage de Tanya Roberts, mais concerne plus largement tous les excès et les bizarreries du film de Don Coscarelli, qui n’hésite jamais à verser dans l’horreur – et ce dès l’entame du récit – voire même dans la cruauté pure et simple, en dépit d’une intrigue que l’on pourrait globalement qualifier de « familiale ». Même si bien sûr le film de Coscarelli est moins violent, sérieux et solennel que le Conan de John Milius, Dar l’Invincible saupoudre son récit d’une poignée de détails un peu craspec. On pense par exemple à ce chien mourant à l’écran, ou au méchant du film, Maax (Rip Torn), qui n’hésite pas à sacrifier un enfant en le jetant dans les flammes ! Autant d’éléments qui auraient pu inciter la censure américaine à classifier le film en « R ». Mais non, Dar l’Invincible était seulement classifié « PG », et donc « tous publics » en France, ce qui en faisait une espèce de Cheval de Troie vaguement pervers au sein d’un genre globalement destiné aux enfants.

Bien sûr, l’autre élément immédiatement accrocheur au cœur de l’intrigue de Dar l’Invincible est le fait que le héros, Dar (Marc Singer, un visage immédiatement reconnaissable par le public de l’époque, puisqu’il deviendrait l’année suivante un des héros de la série V), possède le pouvoir de communiquer avec les animaux, et traverse les paysages désolés et arides typiques du genre Heroic Fantasy en compagnie d’un aigle, de deux furets et d’une panthère noire, qui se trouve en réalité être un tigre teint en noir par la production – un subterfuge malheureusement parfois un peu visible à l’écran, les rayures du tigre transparaissant lors de certaines séquences. Sur le papier, cela paraît un peu con, et on vous rassure : à l’écran, ça l’est tout autant. Mais il n’y a rien d’étonnant à ce que le public ado et/ou pré-ado ait finalement toujours préféré le côté fun et orienté comic book de Dar l’Invincible à la solennité et le manque de rythme de Conan le Barbare.

Qu’il s’agisse de l’enchainement de péripéties ou des dialogues, tout dans Dar l’Invincible évoque la bande dessinée : on pense notamment à cette séquence mettant en scène des espèces de chauves-souris humanoïdes, ou à ces méchants aux yeux lumineux et aux armures garnies de piques dans le dernier acte du film. Aux côtés de Marc Singer, les ados des années 80 avaient pu découvrir Tanya Roberts, que les cinéphiles avaient déjà pu repérer dans Tourist Trap / Le Piège quelques années plus tôt, et qui débarque dans le récit par le biais d’une séquence absurde de bain dans une cascade, digne des pages d’un numéro de Playboy années 80, avec un Marc Singer qui la regarde caché derrière les buissons, à la façon de John Belushi épiant les douches dans American College. En 1984, Tanya Roberts serait la tête d’affiche de Sheena, reine de la jungle, une sorte d’équivalent de Dar l’Invincible avec une femme dans le rôle-titre, et aurait finalement son heure de gloire en 1985 en devenant « James Bond Girl » dans Dangereusement vôtre, aux côtés de Roger Moore. Du côté du casting, on notera également la présence de Rip Torn, surtout connu du grand public pour son rôle du directeur Z dans la saga Men in Black.

En deux mots, si vous aimez l’Heroic Fantasy et les bandes dessinées, on peut supposer que vous aimerez Dar l’Invincible. Le film n’est peut-être pas une grande réussite, mais il repose sur une formule qui fonctionne bien. Le film a d’ailleurs été réalisée avec soin, nous livrant une épopée riche en images impressionnantes et en idées farfelues. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé : plus de quarante ans après sa sortie, le film de Don Coscarelli a toujours sa poignée d’inconditionnels à travers le monde. Ce n’était pas le cas d’Andre Norton, autrice de la saga littéraire « The Beast Master » entamée en 1959. Selon elle, le scénario de Don Coscarelli et Paul Pepperman n’était pas suffisamment fidèle à son roman : elle avait même demandé à ce que son nom soit retiré du générique du film. Cela n’a pas empêché Dar l’Invincible de continuer à déchainer les imaginations, et de donner naissance à deux suites (Dar l’invincible 2 : La Porte du temps en 1991 et Dar l’Invincible 3 : L’Œil de Braxus en 1996) ainsi qu’à une série TV, BeastMaster, le dernier des survivants (1999-2002), probablement mise en boite suite au succès des séries Hercule (1995-1999) et Xena la Guerrière (1995-2001).

Le Coffret Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Jusqu’ici totalement inédit en DVD et Blu-ray, Dar l’Invincible vient donc de débarquer en France, au format Blu-ray 4K Ultra HD, sous la bannière d’ESC Éditions. L’éditeur est allé rechercher le master 4K utilisé en 2020 par les américains de chez Vinegar Syndrome, et dans l’ensemble, on peut vraiment parler de belle réussite, en dépit de quelques plans malheureux n’ayant pu être totalement nettoyés. Le piqué est précis, le grain argentique a été préservé, et du côté des couleurs, les teintes jaune / orange de la photo de John Alcott (Barry Lyndon) sont superbement rendues à l’image, d’autant que la galette bénéficie d’un étalonnage HDR10 qui booste les couleurs et les lumières de l’ensemble. Cependant, il y a un revers à la médaille : si le film de Don Coscarelli est indéniablement très beau d’un strict point de vue formel, la précision du master met en évidence les défauts du film, qu’il s’agisse des effets de maquillage (on peut voir la colle et le caoutchouc des prothèses), ou de la « panthère noire » de Dar – certains plans laissent ainsi transparaitre les rayures du tigre teint en noir pour les besoins du film. Mais ces défauts gâchent-ils l’expérience du spectateur ? Cent fois non ! On pourrait même dire que d’une certaine manière, ils ajoutent au charme naïf de Dar l’Invincible. Côté audio, VO et VF sont encodées en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, et proposent des mixages essentiellement basés sur les voix. La VO dispose quant à elle également d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1, qui rend un bel hommage à la musique du film signée Lee Holdridge, et bénéficie bien entendu de davantage d’ampleur, et d’une spatialisation globalement assez sympathique.

Du côté des suppléments, le Blu-ray 4K Ultra HD du film ne dispose que de la traditionnelle bande-annonce, accompagnée d’un commentaire audio de du réalisateur Don Coscarelli et du producteur/coscénariste Paul Pepperman, et d’une introduction par Antoine Desrues (2 minutes). Mais le vrai morceau de choix se situe sur le Blu-ray du film : il s’agit d’un passionnant making of rétrospectif (1h24) intitulé « Les Chroniques de Dar l’invincible », originellement produit pour la sortie du film chez Vinegar Syndrome en 2020. Divisé en six chapitres, ce documentaire donnera la parole à Don Coscarelli et Paul Pepperman, mais également aux acteurs Marc Singer, Tanya Roberts, John Amos et Josh Milrad, ainsi qu’à divers membres de l’équipe technique : le producteur adjoint Frank K. Isaac Jr. et le maquilleur Mark Shostrom, le dresseur d’animaux Boone Nar, la costumière Betty Pecha Madden ou encore le compositeur Lee Holdridge. On y reviendera sur toute l’histoire du projet, de sa genèse au processus de casting (Coscarelli voulait Demi Moore et Klaus Kinski), en passant par les soucis sur le tournage, notamment avec les animaux et les enfants. Le cinéaste évoquera les difficultés rencontrées sur le tournage, notamment avec le producteur Sylvio Tabet, ou pour les acteurs, obligés de tourner à moitié nus alors que les températures ne s’y prêtaient pas forcément. La post-production est également évoquée, Coscarelli expliquant que le montage cinéma n’était pas fidèle à sa vision. Cela n’aura cela dit pas empêché Dar l’Invincible de devenir un véritable film-culte, notamment grâce à ses multiples diffusions sur le câble, et notamment sur HBO.

On notera que Dar l’Invincible nous est proposé dans deux éditions distinctes. L’édition « classique » contient le film en 4K + le Blu-ray. L’édition « Collector Héroïque » contient, en plus d’une poignée de Goodies qui feront forcément plaisir aux fans du film, un Blu-ray supplémentaire rempli de bonus. On trouvera tout d’abord une nouvelle version du film, avec des trucages retouchés sous la supervision de Don Coscarelli (1h59, VO/VF Dolby Digital 2.0). On continuera ensuite avec une présentation du genre « Heroic Fantasy » par Antoine Desrues (32 minutes). Synthétique et très riche en exemples, cette présentation a le mérite de remettre le film de Don Coscarelli dans son contexte historique. On enchaînera ensuite avec un documentaire dédié à la Saga des Dar l’invincible (55 minutes). Les intervenants sont les acteurs Marc Singer, Tanya Roberts et Josh Milrad, le concepteur de production Conrad E. Angone, et bien sûr Paul Pepperman et Don Coscarelli. Des anecdotes sur la genèse et le tournage du film sont partagées, et on reviendra rapidement sur les deux suites du film ; on espère qu’ESC Éditions sera en mesure de nous proposer de redécouvrir ces deux nanars de luxe – mais très sympathiques dans leur genre – dans un avenir proche. On terminera le tour des suppléments par une poignée de films super 8 d’époque (28 minutes) tournés par Don Coscarelli sur le plateau ; comme il s’agit d’archives muettes, ces images nous sont proposées avec commentaire audio de Don Coscarelli et Paul Pepperman. On trouvera aussi une scène coupée (2 minutes), muette également, et une intéressante galerie de photos (9 minutes).

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