1984
Royaume-Uni : 1984
Titre original : Nineteen Eighty-Four
Réalisation : Michael Radford
Scénario : Michael Radford
Acteurs : John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton
Éditeur : Rimini Éditions
Genre : Horreur
Durée : 1h51
Date de sortie cinéma : 14 novembre 1984
Date de sortie DVD/BR/4K : 18 décembre 2024
Manipulant et contrôlant les moindres détails de la vie de ses sujets, Big Brother est le chef spirituel d’Oceania, l’un des trois États dont la capitale est Londres. Le bureaucrate Winston Smith travaille dans l’un des départements. Mais un jour il tombe amoureux de Julia, ce qui est un crime. Tous les deux vont tenter de s’échapper, mais dans ce monde cauchemardesque divisé en trois, tout être qui se révolte est brisé…
Le film
[4/5]
Écrivain engagé et témoin de son époque, George Orwell (1903-1950) a principalement marqué les mémoires grâce à deux œuvres publiées après la Seconde Guerre mondiale : « La Ferme des animaux » et « 1984 », roman dans lequel il créait le concept de « Big Brother », depuis passé dans le langage courant de la critique des techniques modernes de surveillance et de contrôle des individus. L’adjectif « Orwellien » est également fréquemment utilisé en référence à l’univers totalitaire imaginé par cet écrivain britannique.
Dans 1984, l’adaptation cinématographique du roman, sortie sur les écrans en… 1984, le scénariste / réalisateur Michael Radford livrait au lecteur une critique sans concession du totalitarisme et des dérives des grandes puissances, qui pourrait se résumer à l’adage selon lequel « plus un gouvernement est puissant, plus vos libertés se réduisent ». A l’époque de sa sortie, le film avait notamment marqué les mémoires en raison de sa bande originale, en partie signée Eurythmics, groupe phare des années 80 composé d’Annie Lennox et de Dave Stewart.
Pour la petite histoire, la musique des Eurythmics avait été imposée par le coproducteur Richard Branson, contre l’avis du réalisateur Michael Radford qui avait commandé une musique au compositeur Dominic Muldowney. Lors de la sortie de 1984 dans les salles, on pouvait entendre aussi bien les musiques de Muldowney que celles des Eurythmics. En revanche, la version « director’s cut » du film utilise presque uniquement la musique de Muldowney. Le Blu-ray 4K Ultra HD de 1984 édité par Rimini Éditions nous donne le choix entre les deux bandes originales.
Tourné quelques années avant la fin de l’URSS, 1984 possédait à l’époque de sa sortie une résonance politique certaine, mais le récit imaginé par George Orwell semble malheureusement intemporel, et trouve aujourd’hui des échos non plus uniquement en Russie, mais dans de nombreux autres pays, au cœur desquels les citoyens sont assommés par les interdictions. Dans 1984, Big Brother interdit à ses citoyens d’aimer, de désirer et de prendre du plaisir, et cette version cinéma est vraiment portée par les prestations charnelles et remarquables de John Hurt (Alien, Elephant Man) et de Suzanna Hamilton (Out of Africa).
Mais en plus de l’adaptation, le gros point fort de 1984 réside dans la classe absolue de son Production Design (décors, costumes…) : le film de Michael Radford réussit parfaitement à représenter à l’écran la noirceur étouffante de l’état totalitaire que George Orwell décrivait dans son roman. Et si la description du futur est pour le moins minimaliste, Radford et directeur de la photographie Roger Deakins ont trouvé des tonalités déprimantes qui conviennent parfaitement à l’avenir dystopique imaginé par Orwell. Ainsi, l’Océania est une cité grise où le noir et le blanc se livrent un combat perpétuel pour tenter d’exister, et le monde idéal de Julia et Winston respire la campagne verdoyante d’un été apaisant où Winston peut courir cul nu le plus tranquillement du monde.
Mais de nos jours, l’aspect le plus intéressant – mais également le plus drôle et/ou le plus déprimant, en fonction de votre état d’esprit – de 1984 est l’utilisation de la novlangue, une déconstruction du langage, reformatée et approuvée par le Parti. La fonction de ce nouveau langage est de protéger et de préserver une idéologie. Et d’une façon étonnante, la novlangue telle qu’elle est décrite dans le film de Michael Radford contient de nombreux parallèles avec le wokisme forcené et le « politiquement correct » qui visent aujourd’hui l’identification traditionnelle liée aux deux sexes. Le film pousse d’ailleurs le bouchon encore un peu plus loin, en évoquant l’effacement volontaire de l’orgasme de l’esprit prolétarien.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4/5]
1984 est sorti le mois dernier au format Blu-ray 4K Ultra HD, dans un coffret édité par Rimini Editions incluant également le film au format Blu-ray et un livret de 40 pages « George Orwell et 1984 » avec 6 articles / archives du hors-série Le Point – Grandes biographies consacré à George Orwell en 2022. Côté transfert, c’est plutôt réussi avec une image qui nous est proposée en Dolby Vision + HDR10 mettant parfaitement en valeur le travail minutieux sur l’image effectué par le réalisateur Michael Radford. Les couleurs volontairement désaturées signées Roger Deakins sont respectées à la lettre, les contrastes sont francs et affirmée, et la profondeur de champ permet de bien discerner les différents éléments du décor. En deux mots, le transfert est impeccable de précision… Mais – car il y a un mais – l’image, qui partait d’un master 4K de chez MGM, a été à nouveau restaurée par le laboratoire TCS, afin, on le suppose, d’atténuer les défauts de la pellicule : taches, rayures, bruit vidéo… Reste maintenant à être sûr de différencier un grain prononcé d’un vilain bruit vidéo, et sur ce point précis, de nombreux observateurs se cassent les dents depuis l’avènement du format Blu-ray. Alors certes, Rimini n’a jamais tellement aimé le grain, et l’avait violemment proscrit de certains de ses transferts passés (Carnage, Le Flic ricanant…), mais en l’état, grain ou pas grain, le rendu visuel de cette galette 4K UHD de 1984 s’avère tout de même extrêmement impressionnant. Côté son, comme on l’a déjà indiqué plus haut, on commencera avec deux pistes en VO et DTS-HD Master Audio 2.0 : l’une avec la musique de Eurythmics, l’autre avec la musique de Dominic Muldowney. Dans les deux cas, les dialogues sont clairs et les effets bien répartis : deux pistes équilibrées. Le VF est également proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, et nous permettra une bonne immersion au cœur du film, avec des effets répartis de façon homogène, et peu de différence de niveau entre les dialogues et les environnements sonores.
Dans la section suppléments, on trouvera trois sujets inédits tout spécialement mis en boite par Rimini et Bubbel Pop pour cette édition. On commencera par un entretien avec Michael Radford (35 minutes), qui a la grande élégance de s’exprimer en français. Il évoquera la préparation du film, le travail avec Roger Deakins, la lumière et les décors, qui contribuent à rendre son adaptation différente du roman de George Orwell tout en lui restant fidèle dans l’esprit. Il se remémorera également de quelques anecdotes de tournage assez folles, telles que celle de la tombola pour gagner une Mercedes, organisée par le producteur auprès des figurants pour récolter de l’argent destiné à… payer les figurants !
On continuera ensuite avec une présentation du film par Laurent Aknin et Caroline Vié (24 minutes). Travaillant à l’époque en tant qu’envoyée spéciale sur le tournage par les équipes de L’écran Fantastique, la très sympathique Caroline Vié évoquera ses souvenirs de sa visite sur le plateau : les décors sinistres et inquiétants, les effets spéciaux (les Télécrans, le supplice du casque au rat…). De son côté, Laurent Aknin reviendra sur les différentes adaptations du roman de George Orwell, puis plus précisément sur le film de Michael Radford. Il reviendra sur la performance de John Hurt et de Richard Burton, ainsi que sur l’esthétique années 40 qui permet finalement à 1984 de traverser les années sans prendre une seule ride. Ensemble, ils reviendront sur le choix de la musique d’Eurythmics, imposé par Richard Branson et Virgin, ou encore sur les similitudes entre 1984 et le Brazil de Terry Gilliam, qui sortirait l’année suivante. Enfin, on terminera le tour de ces suppléments inédits par un entretien avec François Brune (38 minutes), spécialiste de George Orwell, qui présentera rapidement le romancier britannique et ses deux œuvres majeures, La Ferme des animaux et 1984, qu’il présente comme « deux faces d’une même vision ». Il s’attardera ensuite sur de nombreux éléments narratifs et/ou thématiques du roman, mais n’évoquera pas le film de Michael Radford. On aura également droit à la traditionnelle bande-annonce, qui nous permet de voir quelques plans du film « avant désaturation ».