Tel père, tel fils
Japon : 2013
Titre original : Soshite Chichi ni Naru
Réalisateur : Hirokazu Kore-eda
Scénario : Hirokazu Koreeda
Acteurs : Masaharu Fukuyama,Machiko Ono, Yoko Maki, Lily Franky
Distribution : Le Pacte
Durée : 2 h 01
Genre : Drame
Date de sortie : 25 décembre 2013
Globale : [rating:1][five-star-rating]
Indéniablement, la tâche s’avère difficile quand vous vous lancez dans l’écriture de la critique d’un film qui vous a profondément ennuyé alors que tous vos voisins, manifestement, se régalaient, alors que ce film a obtenu le Prix du Jury lors du Festival de Cannes 2013, alors que vous savez pertinemment que ce film va être couvert de louanges dans tous les médias. Face à cette situation, il y a au moins 2 façons d’être malhonnête. La première consiste à essayer de se montrer le plus neutre possible, de ne pas parler de l’ennui que vous avez ressenti et des raisons objectives qui ont généré cet ennui : en résumé, s’évertuer à se nier ! La seconde consiste à écrire ce que vous pensez du film, en laissant sous silence le fait que ce film que vous n’avez pas aimé a été apprécié par la grande majorité de ceux qui l’ont vu à ce jour. En fait, la seule façon d’être honnête consiste à interpeller comme suit le lecteur : cher lecteur, le texte que vous allez lire n’engage que son auteur et il y a de fortes chances que vous ne partagiez pas son jugement si vous allez voir Tel père, tel fils !
Synopsis : Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l’hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste…
Comment devient-on un véritable père ?
Il y a 25 ans Etienne Chatilez avait obtenu un énorme succès avec La vie est un long fleuve tranquille, tant auprès du public (4 millions de spectateurs!) que de la critique. Il y racontait les conséquences d’un échange de bébés à la naissance entre 2 familles de milieux sociaux très différents. C’est exactement le même sujet que traite le réalisateur japonais Hirokazu Koreeda dans Tel père, tel fils qui a obtenu le Prix du Jury lors du Festival de Cannes 2013. Aucune raison de l’accuser de plagiat, ne serait-ce que parce que ce phénomène d’échange de bébés à la naissance semble être relativement fréquent au Japon : 37 cas avérés d’échanges à la naissance entre 1957 et 1971 ! Il se trouve en plus que le réalisateur est père depuis 5 ans et que, depuis cette naissance, il s’interroge sur la paternité en général, et sur la sienne en particulier : cette histoire d’échange de bébés lui a paru, à juste titre une excellente façon, de s’interroger et d’interroger le spectateur sur les questions qui le taraudent : quel est le processus qui fait de soi un père ? Les liens du sang ? Le temps passé avec un enfant ?
Les enfants ont été échangés à la naissance : que faire quand on l’apprend ?
Leurs fils ont 6 ans lorsque les familles Nonomiya et Saiki sont prévenues par la maternité dans laquelle ils sont nés qu’ils ont été échangés à la naissance. Deux familles totalement à l’opposée l’une de l’autre : Ryota Nonomiya est un architecte renommé, totalement absorbé par son travail, obnubilé par la réussite professionnelle. En conséquence, il s’occupe très peu de son « fils ». Quant à son épouse Midori, elle est la femme japonaise telle qu’on l’imagine, obéissante, aux petits soins avec son mari. Eux et leur « fils » vivent en haut d’une tour, dans un appartement chic et sans âme. Très différente est la famille Saiki : le couple a 2 autres enfants et tient une petite boutique dans laquelle règne un joyeux désordre, dans un environnement encore un peu sauvage. Yudai, le père affiche ostensiblement sa tendance à la procrastination et il joue régulièrement au cerf-volant avec son « fils ». Une famille qui prend la vie du bon côté, dans laquelle on prend son bain … en famille. Que faire quand on apprend une telle situation ? Il semble qu’au Japon on privilégie le retour des enfants dans leur famille d’origine. C’est en tout cas la solution que choisissent ici les 2 familles. Une solution qui va initier une relation suivie entre 2 familles qui, sans cela, ne se seraient jamais rencontrées. Au départ, Ryota ne voit pas d’un œil serein Keita, son « fils », partir dans une famille qu’il considère comme étant d’un niveau largement inférieur à la sienne et il a du mal à accepter ce nouveau fils, son vrai fils, déjà profondément imprégné de la culture de l’autre famille. Toutefois, petit à petit, la rencontre d’un autre univers ne va pas manquer de l’interroger sur son existence et sur celle qu’il impose à son entourage. On peut considérer que le coup de grâce lui est porté lorsque son vrai fils s’aperçoit qu’il est incapable de réparer un jouet, réparation que son premier père aurait effectuée sans aucun problème. Dans la mesure où Midori subit également une évolution sensible, passant d’épouse docile à véritable mère, alors que la famille Saiki reste fidèle à sa philosophie de départ, on en déduit facilement vers quelle famille vont les préférences d’Hirokazu Koreeda en matière de comportement et d’éducation.
Comment arrive-t-on à gâcher un sujet en or ?
A la lecture de ce qui précède, on est en droit de s’attendre à une chronique douce-amère, à un film mêlant humour et émotion sur un sujet important, avec en sus la peinture d’une société montrée avec un maximum de diversité dans la mesure où les 2 familles que ce film nous présente sont aux antipodes l’une de l’autre. On est en droit … Le problème, c’est qu’aux manettes se trouve Hirokazu Koreeda. Avec lui, tout est prévisible dès le début et les plans sont systématiquement trop longs. Tel père, tel fils dure 121 minutes, et, parmi ses films précédents, Still Walking durait 1 h 55, I Wish 2 h 08, Nobody knows 2 h 21 ! Résultat : face à ces plans qui insistent plus ou moins lourdement au lieu de rebondir allégrement d’une séquence à l’autre, certains spectateurs en arrivent à décrocher et se sentent gagner petit à petit par un ennui de plus en plus profond. Par contre, on peut accorder un satisfecit à Hirokazu Koreeda en ce qui concerne la distribution : Masaharu Fukuyama, qui interprète le rôle de Ryota, est un des chanteurs les plus populaires du Japon mais c’est également un excellent comédien. Machiko Ono est une actrice qu’on a déjà rencontrée à deux reprises chez Naomi Kawaze. Yoko Maki, qui joue Yukari Saiki, est devenue en quelques années une actrice très populaire au Japon. Quant à Lily Franky, Yudai dans le film, c’est un touche-à-tout, à la fois écrivain, photographe, dessinateur, auteur de chansons et comédien.
Résumé
Il y a des réalisateurs qui font de véritables pépites avec des sujets a priori sans grand intérêt, Koreeda persiste à nous proposer des monuments d’ennui à partir de sujets intéressants et forts ! Il se trouve que Koreeda, comme Yasujirō Ozu, a fait de la famille son sujet de prédilection et certains en profitent pour comparer ces 2 réalisateurs japonais. Faut-il rire de cette comparaison ou faut-il en pleurer ?
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