Berlinale 2016 : Soy Nero

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Soy Nero

Allemagne, France, Mexique, 2016
Titre original : Soy Nero
Réalisateur : Rafi Pitts
Scénario : Rafi Pitts et Razvan Radulescu
Acteurs : Johnny Ortiz, Michael Harney, Ian Casselberry, Aml Ameen
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 2h01
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 21 septembre 2016

Note : 3/5

Traverser sans entraves les barrages entre deux pays, comme ce ballon de volley lors d’une partie mexico-américaine des deux côtés de la frontière. Profiter sans crainte des joies de la civilisation humaine, au lieu de courir à couvert dans le no man’s land entre les murs qui séparent deux peuples, pendant que ces derniers fêtent la nouvelle année, chacun de son côté. Le nouveau film de Rafi Pitts, présenté en compétition au 66ème Festival de Berlin, sait pertinemment ponctuer son propos d’images à la valeur symbolique forte. Soy nero est un film à thèses, qui dispose néanmoins d’une certaine vigueur pour évoquer le chemin de croix d’un jeune immigré mexicain. Chaque étape du périple de Nero Maldonado s’y distingue nettement de l’autre, dans le mouvement usant d’un éternel recommencement. La lueur d’espoir d’être enfin accepté comme un citoyen américain à part entière s’éteint cruellement au cours du film, même si le plan ultime soulève plus d’incertitudes qu’il ne clôt de manière convaincante le récit morcelé.

Synopsis : L’adolescent Nero a été expulsé des Etats-Unis, où il avait grandi dans la clandestinité. Depuis, il tente par tous les moyens de quitter le Mexique de ses ancêtres pour s’installer définitivement à Los Angeles. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, il réussit à franchir la frontière et est pris en stop par le vétéran Seymour. Arrivé chez son frère aîné Jésus, qui habite une demeure luxueuse, Nero doit se rendre à l’évidence que le seul moyen pour lui d’acquérir la nationalité américaine est de s’engager dans l’armée.

Fier d’être américain

Le rêve américain traditionnel n’est plus qu’une chimère ici, d’après laquelle le jeune héros court sans jamais l’atteindre. L’aspect irréel du but visé se répercute ainsi périodiquement, d’abord lors de la mise en garde étrange du premier chauffeur, puis le long des couloirs démesurés, truffés de bêtes exotiques empaillées, dans la villa du frère, et enfin d’une façon particulièrement nihiliste en pleine guerre contre les djihadistes. Nero a beau croire dur comme fer en la légitimité et la faisabilité de son projet de naturalisation par voie des dangers inhérents au service militaire, ses rencontres pendant cette démarche laborieuse ne font strictement rien pour l’encourager. Elles instaurent au contraire le sentiment oppressant du désespoir auquel le protagoniste répond avec une résignation de plus en plus explicite. La structure narrative des trois volets principaux du récit procède immuablement selon un mode opératoire similaire, qui fait succéder à l’illusion de la sécurité une terrible déception. A force, Nero n’est plus dupe, mais il n’a pas vraiment le choix, pris au piège entre deux identités, dont aucune ne lui convient pleinement.

Menottes à vie

La mise en scène de Rafi Pitts est la plus redoutable, lorsqu’il s’agit d’instaurer un climat de doute et d’incertitude. Le côté traître des apparences se tisse tel un fil rouge au cours du film, dans cette alternance impitoyable entre le sentiment fugace d’être enfin arrivé sain et sauf à destination et le pénible réveil à la réalité des choses. Le propos du film est alors marqué par un pessimisme sans doute un peu tendancieux, qui a cependant l’avantage de faire progresser sans ciller l’intrigue vers son dénouement en guise de bouclage du cercle vicieux. La cause revendiquée très tardivement, en hommage à ces prétendants à la fameuse carte verte qui accomplissement vaillamment leur service militaire pour se retrouver en fin de compte expulsés comme des malpropres, n’ajoute alors rien d’essentiel au film, ni ce plan final sous forme de réplique et dont le sens nous paraît assez difficile à cerner. La force réelle de la narration s’est manifestée déjà beaucoup plus tôt, à travers le regard sans concession sur le destin légèrement trop exemplaire d’un de ces millions de déracinés, qui errent sur les routes de pays inhospitaliers.

Conclusion

Le thème des réfugiés s’impose actuellement dans le relais médiatique de la vraie vie comme dans son reflet cinématographique. Le festival de Berlin 2016 en tient compte avec des films à la hauteur de ce défi majeur de notre époque, comme Soy Nero qui joue habilement sur la sensation profonde du déracinement, duquel naissent des réflexes aussi déplaisants qu’une méfiance accrue et l’impression de courir sans répit après un rêve qui ne se réalisera jamais.

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