Song for Marion
Grande-Bretagne : 2012
Titre original : Song for Marion
Réalisateur : Paul Andrew Williams
Scénario : Paul Andrew Williams
Acteurs : Terance Stamp, Vanessa Redgrave, Gemma Arterton, Christopher Eccleston
Distribution : Haut et Court
Durée : 1 h 33
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 15 mai 2013
Globale : [rating:4][five-star-rating]
Il faut l’avouer avec humilité : il existe des films dont le scénario est totalement conventionnel et presque toujours prévisible, dont la réalisation n’est pas follement originale, des films dans lesquels on voit les ficelles et pourtant, quoiqu’on fasse, on est quasiment obligé de marcher, voire même de courir. La recette ? Difficile à dire, sauf que la qualité du montage et celle de la distribution ont certainement une grande importance. Une particularité : beaucoup de ces films nous viennent de Grande-Bretagne. C’est le cas de Song for Marion, une comédie douce-amère pleine d’émotion de Paul Andrew Williams.
Synopsis :
Arthur et Marion, couple de retraités londoniens, sont profondément unis malgré leurs caractères dissemblables ; Marion est positive et sociable, Arthur est morose et fâché avec la terre entière. Aussi ne comprend-il pas l’enthousiasme de sa femme à chanter dans cette chorale férue de reprises pop décalées et menée par la pétillante Elizabeth. Mais peu à peu, Arthur se laisse toucher par la bonne humeur du groupe et par la gentillesse d’Elizabeth. Encouragé par cette dernière, qui a inscrit la chorale à un concours, Arthur réalise qu’il n’est jamais trop tard pour changer.
Arthur le renfermé
A plus de 70 ans, il est difficile de penser qu’Arthur Harris puisse finir par changer : marié à Marion, il aime profondément cette femme qui a le même âge que lui. Il l’aime mais ne fait rien pour le lui montrer réellement : amer, bougon, grincheux, fermé sur lui-même, désagréable avec tout le monde, il fait partie de ses hommes incapables d’exprimer le moindre sentiment. Incapables ou qui se croient obliger de l’être ! Lorsque Marion, atteinte d’un cancer et pour qui le temps qu’il reste à vivre se compte en mois, voire en semaines, insiste pour égayer ces derniers moments en participant à une chorale locale, loin de la soutenir il fait tout pour la décourager. En fait, il est intimement persuadé qu’il ne rend pas sa femme heureuse tout en considérant qu’il se doit d’être, avant tout, son protecteur. Si ses rapports avec son épouse manquent manifestement d’affection ostensible et de sourires complices, que dire de ceux qu’il entretient avec James, son fils : rien de ce qu’il fait ne trouve grâce à ses yeux, Arthur le dédaigne, Arthur le méprise. C’est du moins ce dont James est persuadé et il est vrai qu’Arthur ne fait rien pour lui faire penser le contraire. En fait, la seule personne avec qui Arthur arrive à avoir un rapport naturel, c’est sa petite fille : non seulement il l’aime, mais il arrive à lui montrer cette affection qu’il lui porte ! En fait, Arthur est un homme malheureux et qui rend les autres malheureux. Et Marion dans tout cela ? Elle, condamnée à mourir dans un très bref délai, c’est tout le contraire d’Arthur : elle est sociable, elle respire la joie de vivre. Contrairement à James, elle a réussi à transpercer l’armure d’Arthur, elle sait que, malgré les apparences, il y a un cœur qui bat derrière la carapace.
On peut toujours changer !
Pour écrire son film, Paul Andrew Williams s’est beaucoup inspiré d’événements survenus dans sa propre famille. C’est ainsi que le personnage d’Arthur doit beaucoup à un de ses grand-pères, tout aussi cadenassé qu’Arthur dans ses sentiments et qui s’est retrouvé totalement désorienté à la mort de son épouse. A partir de ce point de départ, il a tenu à montrer que, dans certaines conditions, ce qui paraît totalement irrémédiable peut se voir, finalement, modifier. Il a même tenu à le montrer à deux reprises : bien entendu, vous avez déjà compris que, in fine, Arthur va réussir à s’ouvrir, et d’une ! Et c’est même lui qui, la chorale s’étant vue refuser le doit de participer à un concours pour lequel tous ses vieux participants s’étaient beaucoup donnés, va prendre le taureau par les cornes afin qu’ils puissent démontrer leur talent, et de deux.
Beaucoup d’émotion
Que ce soit London to Brighton ou Bienvenue au cottage, des films entre thriller et film d’horreur un rien parodique, les films précédents de Paul Andrew Williams ne laissaient pas supposer qu’il puisse ainsi exceller dans un genre aussi différent, la comédie dramatique. Trois éléments importants contribuent à cette réussite : tout d’abord, un montage quasiment parfait, qui laisse du temps aux scènes pour s’épanouir tout en étant suffisamment serré pour ne pas laisser s’installer la redondance ou l’ennui ; ensuite, un casting haut de gamme : Terance Stamp, tout d’abord, à la présence presque permanente dans le film et qui trouve avec Arthur un de ses plus beaux rôles ; Vanessa Redgrave, bouleversante dans le rôle de Marion ; Christopher Eccleston, qui campe James, torturé par le comportement d’Arthur à son égard ; Gemma Arterton, enfin, qu’on avait appréciée dans Tamara Drewe de Stephen Frears et qui interprète ici le rôle d’Elizabeth, celle qui mène la chorale, enjouée, pleine d’entrain et dont le rôle va s’avérer primordiale dans l’évolution d’Arthur ; plus tous les membres de la chorale, que Paul Andrew Williams a trouvés dans une véritable chorale britannique. On terminera avec la musique, avec les chansons. En effet, Song for Marion est aussi un film musical, ce qui n’a rien d’étonnant s’agissant d’une œuvre mettant en scène une chorale ! On retiendra parmi les meilleurs moments la reprise savoureuse de « Let’s talk about sex » du groupe Salt-n-Pepa et surtout, les interprétations bouleversantes de « True Colors » par Vanessa Redgrave et de « Lullaby (Goodbye my Angel) » par Terance Stamp, deux interprétations qui donnent la chair de poule et dont on a le droit de penser qu’elles surpassent les versions originales de Cyndi Lauper et de Billy Joel.
Résumé
On peut rapprocher Song for Marion d’un certain nombre de films comme Les virtuoses, Calendar Girls et I Feel Good. Très récemment, Dustin Hoffman a choisi, dans Quartet, son premier film en tant que réalisateur, de réunir, comme Paul Andrew Williams, chant, musique et vieillesse. La différence, notable, réside dans l’émotion qu’on peut ressentir à la vision de ces 2 films : alors que, dans Quartet, il faut attendre la dernière minute pour se sentir ému, Song for Marion baigne du début à la fin dans l’émotion. Cela déplaira sans doute à certains spectateurs mais, dans la mesure où cette émotion n’est jamais forcée, jamais racoleuse, les autres se laisseront gagner par le charme de cette comédie dramatique et par la qualité de jeu des grands comédiens qu’elle met en scène.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=MxHbkjdabvU[/youtube]