Critique : Shanghai Belleville

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2027

Shanghai Belleville

France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Show Chun Lee
Scénario : Show Chun Lee et Pierre Chosson
Acteurs : Anthony Pho, Martial Wang, Carole Lo, Jacques Boudet
Distribution : Zootrope Films
Durée : 1h12
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 30 décembre 2015

Note : 3/5

Si le flux actuel de réfugiés syriens a déjà quitté le centre de préoccupations journalistiques suite aux attentats terroristes, celui plus diffus et durable d’autres migrants clandestins risque à plus forte raison de tomber dans l’oubli. D’où l’importance et partiellement l’intérêt d’un film comme Shanghai Belleville, qui dresse un beau petit monument cinématographique en honneur de ces laissés-pour-compte d’une société française en panne de mythes et de pouvoir de séduction. La réalisatrice Show Chun Lee y trouve souvent un ton équilibré et juste entre la misère sociale manifeste dans les quartiers populaires de la capitale et l’instinct de survie de ces hommes et de ces femmes déracinés pour diverses raisons. Aussi triste l’histoire du film puisse-t-elle paraître à première vue, il en émane une énergie lumineuse et une vigueur qui nous ont fait penser aux contes folkloriques débordant de désinvolture pour lesquels Cédric Klapisch fut jadis réputé.

Synopsis : Liwei arrive de la Croatie avec son petit frère. Tandis que ce dernier est pris en charge par les autorités afin de devenir un bon Français, son aîné survit tant bien que mal à Paris grâce à ses acrobaties et à quelques boulots au noir. Il y rencontre Mr Zhou, un homme tombé du ciel qui est à la recherche de sa femme Gine, venue en France quelques mois plus tôt et disparue sans laisser de trace. Quand Liwei et Zhou sont mis à la porte de leur appartement collectif faute de pouvoir payer le loyer, ils trouvent refuge chez la prostituée Anna, qui rêve d’épouser un homme français afin de mieux pouvoir soutenir financièrement son fils resté en Chine.

Un point de départ touchant

Il ne faut que quelques minutes à ce premier film pour nous engager émotionnellement dans son histoire. Après un bref trajet en train ensemble, deux adolescents asiatiques se quittent dans une gare de province. Le plus jeune d’entre eux s’adresse au chef de gare avec une note de détresse, manuscrite en un français approximatif. Pendant qu’il est embarqué de force par les gendarmes, appelant au secours dans une langue exotique qui ne ressemble en rien au chinois, son frère Liwei se cache à proximité, les larmes aux yeux. Cette séquence initiale nous paraît aussi simple que poignante. Elle évoque sans fioriture le genre de situation qui doit se dérouler par milliers de nos jours, un déchirement familial dont la banalité triste fend le cœur. Par la suite, pareil appel à l’empathie se fera plus rare, même si le chagrin sous une forme plus ou moins mélancolique accompagnera les personnages tout au long du récit. En tant qu’introduction, cette pirouette narrative campe pourtant admirablement un décor d’où il ne sera jamais facile de s’échapper. Dès lors, la mise en scène de Show Chun Lee alternera entre ces moments de détresse, plus ou moins explicitement exprimés, et une sorte de refuge poétique, en rapport soit avec l’eau, soit avec les prouesses physiques de Liwei, interprété par Anthony Pho, à la fois un bel homme et un acteur prometteur.

La comédie humaine jouée à plusieurs voix

L’intrigue de Shanghai Belleville ne tourne pourtant pas exclusivement autour de ce jeune aventurier dont l’idole est Bruce Lee. Elle épouse davantage une forme chorale dont les différentes parties convergent vers un projet commun agréablement cohérent. On pourrait certes trouver à redire au sujet des parenthèses oniriques ou de la chasse aux fantômes à laquelle s’adonne Zhou, mais dans l’ensemble, la structure narrative du film élabore un état des lieux largement dépourvu de misérabilisme. C’est plutôt un certain pragmatisme qui gouverne l’action des personnages matériellement et affectivement démunis. A moins que l’opportunisme ne leur ouvre des portes insoupçonnées, comme dans le cas du thé pris chez la mère du truand, adepte de chants traditionnels. Le balancement plutôt aéré entre la tragédie et la comédie fait indubitablement la qualité principale de ce film, né d’une longue période d’observation anthropologique entreprise par la réalisatrice. Enfin, la photographie de Thierry Arbogast, le chef opérateur attitré de Luc Besson, confère au film un cachet plastique des plus séduisants.

Conclusion

Aussi court soit-il, ce premier film fait le tour de la question des immigrés clandestins à Paris avec une sincérité et une adresse formelle tout à fait appréciables. Bien au-delà du charme évident de son acteur principal, il réussit à nous arracher à notre torpeur d’observateur de la misère pour une incursion presque optimiste dans le monde mi-merveilleux, mi-cauchemardesque de ces exclus de notre société privilégiée.

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