Revu sur MUBI : J’ai tué ma mère

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© 2009 Clara Paladry / Mifilifilms / Rézo Films Tous droits réservés

A chaque nouvelle extension de la durée du confinement, on tire notre chapeau devant les vaillants parents, qui devront s’occuper quelques semaines de plus de l’éducation et de l’enseignement de leur progéniture. Quel magnifique exploit pédagogique de jongler entre ses différentes casquettes privées et professionnelles en ayant constamment ses gamins dans les pattes … à moins que ce ne soit un cauchemar sans fin ! Pour vous rassurer, chères mères et chers pères si durement éprouvés, dites-vous que cela aurait pu être pire, que vous auriez pu vous trouver en résidence assignée avec un ado de la trempe de Xavier Dolan. De surcroît, Xavier Dolan dans son premier film, J’ai tué ma mère qui restera encore en ligne sur la plateforme par abonnement MUBI jusqu’à dimanche, c’est à dire un horrible narcissisme ambulant, convaincu de la supériorité de ses névroses et de son style affecté. Eh oui, nous ne sommes pas encore prêts à faire la paix avec ce faux jeune prodige, qui nous avait profondément déçus avec son film suivant Les Amours imaginaires, l’un des films les plus prétentieux qui soient.

Pourtant, ses débuts derrière la caméra au tendre âge de vingt ans ne sont pas complètement indignes d’intérêt. L’aspect le plus agaçant de ce film qui avait fait sensation à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2009, c’est en fait le réalisateur lui-même dans le rôle d’un fils ignoble. Ce petit péteux, affreusement imbu de lui-même, ne manque pas une occasion pour provoquer sa mère, ni pour crier à la face du monde son malaise d’adolescent gay très, très, mais vraiment très mal dans sa peau. Puis, derrière la caméra, Xavier Dolan se montre tout aussi appliqué, afin d’illustrer cette auto-flagellation à travers un style cinématographique particulièrement empoté. Les cadrages soit-disant artistiques, les flashs mentaux et les ralentis, tous ces dispositifs peu subtils sont employés avec une insistance presque aussi insupportable que le ton pleurnichard sur lequel le réalisateur nous fait part de son calvaire d’adolescent trop chic pour sa mère si ringarde.

© 2009 Clara Paladry / Mifilifilms / Rézo Films Tous droits réservés

En dehors de la cohérence esthétique de J’ai tué ma mère, aussi discutable soit-elle, le principal atout du film se situe du côté de la justesse avec laquelle le réalisateur dresse le portrait des personnages féminins. Tandis que les hommes n’y sont guère plus que des caricatures, des bourreaux du cœur soit trop gentil dans le cas de François Arnaud, soit trop ténébreux dans celui de Niels Schneider, les repères plus ou moins concrètement maternels se distinguent par leur complexité. En guise de début prometteur de sa collaboration fructueuse avec le réalisateur sur quatre films supplémentaires à ce jour, Anne Dorval est assez impressionnante en mère imparfaite, incapable de gérer le soudain manque d’affection de son fils, devenu du jour au lendemain un étranger dans ce foyer mono-parental sur le point d’imploser. Quant à Suzanne Clément, elle allait devenir une présence semi-régulière dans l’univers cinématographique de Xavier Dolan, après avoir ancré le récit survolté de ce film-ci tel un pôle de calme et de normalité dans une tempête de tics vaniteux.

La deuxième chance accordée à J’ai tué ma mère ne nous a toujours pas convaincus du talent de son réalisateur, le regard saisissant qu’il porte sur les personnages féminins mis à part. Elle nous a par contre rappelé que nous avions omis à lui donner le bénéfice du doute pour ses films ultérieurs, après la catastrophe sans appel de son deuxième. La réputation flatteuse dont jouissent certains de ses films suivants, comme Laurence Anyways et Mommy, aurait dû nous laisser dans un état prudemment appréhensif, au lieu de les rejeter en bloc. Restons donc vigilants et l’esprit grand ouvert face aux prochaines occasions de rattrapage des films d’un réalisateur au style certes poussif, mais à la voix pas nécessairement à proscrire.

© 2009 Clara Paladry / Mifilifilms / Rézo Films Tous droits réservés

1 COMMENTAIRE

  1. J’avais détesté ce film lorsque je l’ai vu à Cannes en 2009 : un réalisateur hypernarcissique, poseur, maniéré, profondément antipathique et d’une totale malhonnêteté par rapport à sa mère. Les films postérieurs ne m’ont pas fait changer d’avis sur Xavier Dolan. Je constate que, petit à petit, la critique « branchée » est en train de l’abandonner.

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