Pour le dernier film de notre incursion pendant une semaine d’essai gratuit dans l’offre très riche et passablement variée sur la plateforme Disney+, nous avons opté pour une production qui n’a été associée à Disney qu’après coup, par voie de l’acquisition de la Fox en mars 2019. Car L’Escadron Red Tails porte avant tout la marque de fabrique de son producteur exécutif George Lucas, qui avait dû se battre pendant près d’un quart de siècle pour voir les exploits des aviateurs afro-américains de l’Académie de Tuskegee portés sur grand écran. Il avait par ailleurs été devancé par le téléfilm « Pilotes de choix » de Robert Markowitz, diffusé sur HBO en 1995 et disponible en France sur le replay d’OCS. Tandis que ce dernier revient assez sobrement sur le dur processus de sélection des futurs pilotes au cours de leur entraînement sur le sol américain, ce film de guerre-ci prend en quelque sorte la relève, à travers les premières missions en terrain ennemi, en Italie au plus fort de la Seconde Guerre mondiale en 1944.
L’un des personnages héroïques de L’Escadron Red Tails le dit si bien, la guerre n’est pas un jeu. Pourtant, le film ressemble beaucoup plus à une partie de jeu vidéo, truffée d’effets spéciaux onéreux, qu’à un récit historique à la hauteur des enjeux sociaux et militaires qu’il raconte. La dimension aventureuse de l’engagement des hommes y est largement soulignée, au détriment des aspects moins plaisants et guère ludiques de la vie réelle en temps de guerre. C’est à ce niveau là que le gommage de la narration selon George Lucas devient le plus apparent. Et c’est également en ce sens que le point de vue relativement aseptisé, par le biais d’innombrables rendez-vous manqués avec la mort, rejoint l’idéologie pathologiquement optimiste des productions Disney.
En tant que redressement tardif des torts infligés à la population afro-américaine, le scénario ne fait pas non plus preuve d’ingéniosité, ni d’adresse. Son propos est empreint d’une certaine lourdeur à la fois pour promouvoir les prouesses en altitude des aviateurs et pour dénoncer la lenteur de leur appréciation de la part d’un état-major, encore largement régi par un découpage ségrégationniste de la société. Afin de rendre plus personnelles les premières, le casting rassemble de façon quasiment exhaustive toute la génération de jeunes espoirs du cinéma afro-américain du début des années 2010.
Ce qui ne veut pas dire que la mise en scène du débutant Anthony Hemingway ose demander plus à Nate Parker, David Oyelowo et Michael B. Jordan que de naviguer le long des lignes caricaturales de leurs personnages plutôt pauvres en traits authentiques. Les officiers hauts gradés ne s’en sortent pas vraiment mieux, puisque ni Bryan Cranston en méchant raciste de service, ni Terrence Howard et Cuba Gooding Jr. – le seul rescapé du film des années ’90 – en supérieurs exemplaires ne participent à rendre le ton du film plus subtil.
Les moyens techniques employés dans ce film sont de toute évidence considérables. Néanmoins, à ses batailles aériennes qui se veulent spectaculaires, mais qui répètent au fond, encore et encore, le même dispositif manichéen, on préfère la sobriété plus dramatique, voire tragique de « Pilotes de choix ». L’emphase mélodramatique de ce film-ci, toujours à deux doigts de devenir bancale, est peut-être le mieux symbolisée – a priori involontairement – par la musique de Terence Blanchard. Alors que le compositeur ne cesse de nous impressionner lors de ses collaborations avec son réalisateur attitré Spike Lee, sa partition présente n’atteint jamais la cadence convaincante entre les ambitions contradictoires du récit, à savoir le pathos patriotique, l’héritage racial pour le moins problématique des États-Unis et une approche esthétique plus moderne.