Rengaine
France : 2010
Titre original : Rengaine
Réalisateur : Rachid Djaïdani
Scénario : Rachid Djaïdani
Acteurs : Acteurs
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h15
Genre : Comédie dramatique, documentaire
Date de sortie : 14 novembre 2012
Globale : [rating:4/5][five-star-rating]
Sur la durée d’un festival, lorsqu’on a la chance de voir des films dont on ne sait rien, dont on n’a vu aucune bande-annonce, dont le réalisateur vous est inconnu, il arrive qu’on se trouve confronté à de véritables surprises : elles peuvent être mauvaises, elles peuvent être très bonnes. C’est ainsi que la projection de Rengaine à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes a été une très bonne surprise pour la plupart des spectateurs, au point de se voir attribuer le Prix FIPRESCI (Fédération Internationale de la Presse Cinématographique) de cette section parallèle.
Synopsis:
Paris, aujourd’hui. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une jeune Maghrébine. Cela serait si simple si Sabrina n’avait pas quarante frères et que ce mariage plein d’insouciance ne venait cristalliser un tabou encore bien ancré dans les mentalités de ces deux communautés : pas de mariage entre Noirs et Arabes. Slimane le grand frère, gardien des traditions, va s’opposer par tous les moyens à cette union…
Une existence riche
Père algérien, mère soudanaise, élevé dans une cité des Yvelines, tel pourrait être le début du portrait de Rachid Djaïdani, portrait dans lequel on pourrait voir apparaître le squelette de son premier long métrage de fiction, Rengaine. Toutefois, ce mini-portrait est extrêmement réducteur tant, à 38 ans, le réalisateur donne l’impression d’avoir déjà vécu plusieurs vies : des débuts dans le cinéma comme vigile sur le tournage de La Haine, la boxe, des petits rôles au cinéma et à la télévision, une tournée mondiale dans la troupe de Peter Brook, l’écriture de 3 romans avec passage chez Bernard Pivot, la réalisation d’un documentaire moyen métrage. Et puis, depuis 9 ans, la volonté farouche de réaliser un film de fiction. Un projet que Rachid Djaïdani va réussir à mener à son terme en dehors des sentiers balisés du cinéma, sans producteur, avec très peu de moyens sinon ses tripes et l’aide de quelques amis. Bien qu’il n’y ait jamais eu de scénario au départ, Rengaine tourne autour d’un thème qui renvoie au mini-portrait du début : une forme de racisme entre noirs et maghrébins des cités avec un interdit très fort concernant les mariages entre membres de ces 2 communautés. D’autant plus si, comme dans Rengaine, la famille de Sabrina est musulmane et celle de Dorcy chrétienne.
Une fable tonique, instructive et drôle
Rachid Djaïdani ne s’en cache pas, c’est un conte qu’il a tourné, c’est-à-dire une histoire dans laquelle tous les détails ne doivent pas être pris au pied de la lettre même si le fond, lui, est quasiment documentaire. C’est ainsi qu’on est très dubitatif sur le fait que Sabrina puisse avoir 40 frères, mais, que l’ « aîné », plus encore que les autres, soit prêt à tout pour empêcher le mariage de sa sœur avec Dorcy, on y croit. Au point de tomber dans le panneau lors d’une scène d’anthologie que l’on s’interdit de raconter aux futurs spectateurs. Comme on croit au discours de la mère de Dorcy quand elle clame ne pas vouloir entendre parler du mariage de son fils avec Sabrina, d’origine africaine, certes, mais blanche ! Pas de scénario, beaucoup d’improvisation, 200 heures de rushes ramenés à 75 minutes, voilà un film qui, d’après le réalisateur, devait beaucoup, au départ à ses rencontres avec Mathieu Kassovitz et Peter Brook et a reçu, durant les 9 années qu’a duré le tournage, certaines influences du cinéma de Godard et de celui de Cassavetes, 2 cinéastes que Rachid Djaïdani ne connaissait pas, ou très mal, au départ. Concernant la durée du film, on peut faire deux remarques : le tournage en numérique est une bénédiction pour les réalisateurs manquant de matière sonnante et trébuchante, le prix d’une prise supplémentaire étant devenu dérisoire. Par contre, cette facilité technique peut parfois être un calvaire pour le spectateur : heureusement, il y a encore des réalisateurs intelligents qui comprennent que, même si la matière dont ils disposent est immense, il faut savoir jusqu’au bout, avec l’aide de monteurs de talent, opérer des coupes drastiques pour ne proposer aux spectateurs que les images nécessaires, sans gras inutile. C’est ce que Rachid Djaïdani et les chefs monteur Svetlana Vaynblat, Julien Boeuf et Karim El Dib ont parfaitement réussi en nous mettant sous les yeux un film tranchant, vif, sans temps mort, bourré d’énergie, un film uppercut, un film de boxeur. Un film dans lequel le réalisateur a su aussi ajouter assez souvent un ingrédient supplémentaire et important: le rire. En fait, si l’on tient absolument à trouver un défaut à Rengaine, on consentira à admettre que le tournage caméra à l’épaule s’avère parfois un peu trop agité.
Une belle brochette d’interprètes
C’est par l’interprète de Dorcy, apprenti comédien dans le film, que Rachid Djaïdani a commencé son casting : il avait répéré Stéphane Soo Mongo dans des films et des interviews et ce comédien, qui avait déjà une certaine notoriété il y a 9 ans, a très vite accepté de participer à cette entreprise plutôt utopique au départ. Pour le rôle de Sabrina, c’est Sabrina Hamida, sa femme, qu’il a choisie. Quant à Slimane, le frère aîné de Sabrina, il est interprété par Slimane Dazi qui n’était pas comédien il y a 9 ans quand a commencé le tournage de Rengaine, mais qui s’est bien rattrapé depuis, en interprétant de nombreux seconds rôles au cinéma et à la télévision. On retrouve aussi la mère de Stéphane dans le rôle de la mère de Dorcy, coiffeuse dans la vie, coiffeuse dans le film. Fable imprégnée de réalité, disions nous !
Résumé
Rengaine est bien plus qu’un film de plus sur les jeunes des cités : ce Roméo et Juliette tourné dans le Paris d’aujourd’hui est tout simplement un « grand petit film », énergique, inventif, une œuvre qui apporte un souffle nouveau dans le paysage cinématographique de notre pays. C’est par la grande porte qu’arrive Rachid Djaïdani dans cet univers.
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