Les séances de rattrapage du dimanche ont permis de voir les 3 derniers films du Panorama des Festivals.
Le grand cahier
Le Grand Cahier est un film hongrois réalisé par Janos Szasz d’après le roman homonyme d’Agota Kristof, premier volet de la « trilogie des jumeaux ». Le film, comme le roman, est la description très noire de l’évolution de deux jumeaux de 13 ans emmenés par leur mère dans un village en pleine campagne, chez sa propre mère qu’elle n’a pas vue depuis 20 ans, une vieille femme méchante, avare et sale surnommée la sorcière par son entourage. L’action se déroule à la fin de la seconde guerre mondiale, et la mère est persuadée que ses fils auront plus de chance de survivre dans ce village perdu que dans la ville. Très vite, il s’avère toutefois que, même dans cette campagne, les conditions de vie sont épouvantables, le froid et la faim s’étant abattus sur tout un peuple et les deux jumeaux en arrivent à considérer qu’ils ne pourront survivre qu’en devenant les plus durs possibles, que s’ils abandonnent toute parcelle d’humanité. Ce film, profondément pessimiste, nous ramène à une question récurrente en matière de cinéma : quels termes utiliser lorsqu’on veut porter un jugement sur un film (et, plus généralement, sur une œuvre artistique) ? Concernant Le Grand Cahier, difficile d’affirmer qu’on a « aimé » un tel film : les personnages sont tous déplaisants, on ne ressent d’empathie pour aucun d’entre eux, comment faire pour « aimer » ? Pour celles et ceux qui sont entrés dans le film, une expression comme « film d’une grande puissance » apparaît plus adaptée. On pourra aussi reconnaître que la photo est très réussie. Il faut dire qu’on la doit à Christian Berger, directeur de la photographie sur de nombreux films de Michael Haneke, dont Le Ruban Blanc. Il est toutefois également possible de prétendre que l’on n’est pas entré dans ce film, qu’on s’y est ennuyé et qu’on a regretté d’y retrouver un certain nombre de clichés maintes fois utilisés au cinéma : l’officier allemand est forcément homosexuel, le prêtre se doit de n’être pas très clair côté sexe, … Le Grand Cahier arrivera sur nos écrans le 5 février prochain.
Mère et fils
En février dernier, le Jury de la 63ème édition du Festival du Film de Berlin, présidé par Wong Kar-Wai, a décerné sa plus haute récompense, l’Ours d’Or, au film roumain Mère et Fils de Călin Peter Netzer. Surprenant ? Oui et non. Surprenant oui, car ce film souffre d’un certain nombre de défauts. Deux de ces défauts sont importants : tout d’abord, le fait que le film ne s’épanouisse vraiment que dans sa dernière demi-heure, avec l’arrivée, alors, de scènes qui interpellent avec force le spectateur, ce qui n’était pas le cas précédemment ; ensuite, le choix, poussé à l’extrême, consistant à adopter une façon de filmer très (trop!) cinéma vérité. Cela est particulièrement vrai (Et désagréable! Et fatigant !) au début du film où on a l’impression que la personne qui tient la caméra est un débutant qui n’arrive à cadrer ce qu’il doit cadrer qu’après avoir longuement tâtonné, un coup trop à droite, puis trop à gauche, puis trop en bas, puis trop en haut. Heureusement, ensuite, le cameraman arrive à maîtriser son outil et il parvient même, à la fin du film, à cadrer parfaitement et du premier coup une très belle scène vue dans le rétroviseur d’une voiture ! Surprenant non, car ce que nous raconte le film est intéressant : les rapports difficiles entre une mère beaucoup trop protectrice et son fils, sur fond de responsabilité du fils dans la mort d’un enfant lors d’un accident de voiture et de société gangrenée par la corruption. Une espèce de mélange entre The Major, le film russe sorti récemment, et Lola, le film du philippin Brillante Mendoza. Luminita Gheorghiu, qu’on commence à bien connaître, est excellente dans le rôle de la mère. Quant aux amateurs d’opéra, ils reconnaîtront peut-être, dans un tout petit rôle, la chanteuse lyrique Leontina Vaduva. Sortie du film : le 15 janvier 2014.
Le Sac de farine
Le Sac de farine est le premier long métrage de la Directrice de casting et comédienne Kadija Leclere. Le sujet traité a déjà fait l’objet de nombreux films mais il est abordé ici sous un angle assez neuf, ce qui renforce l’intérêt que peut lui trouver le public occidental : il s’agit de la condition féminine dans les pays du Maghreb. L’action commence en 1975, avec l’enlèvement, par son père biologique, de Sarah, une fillette de 8 ans qui vivait en Belgique dans un foyer d’accueil catholique et qui va se retrouver chez la sœur de son père, dans un village niché aux pieds de l’Atlas, dans le Maroc profond. Dans l’école qu’elle va dorénavant fréquenter, pas de cours d’histoire, de mathématiques ou de géographie pour les petites filles, mais seulement du tricot, de la broderie et de la couture. On va la retrouver 10 ans plus tard, à un âge où le mariage devient le sujet de préoccupation n°1. Mais Sarah ne s’en laisse pas conter et même si elle n’est pas insensible aux charmes de Nari, qui mène la révolte des étudiants contre le coût exorbitant des études, même si elle aimerait renouer des liens avec sa mère qui vit dans une maison isolée, seule avec sa folie, elle n’a qu’une idée en tête : retourner en Belgique et reprendre ses études. Le Sac de farine permet de retrouver un certain nombre de comédiens aux origines variées : la comédienne française Hafsia Herzi dans le rôle de Sarah, la comédienne palestinienne Hiam Abbass dans le rôle de sa tante et le comédien belge Mehdi Dehbi dans celui de Nari. Il y a aussi Smaïn dans un petit rôle, celui du père de Sarah. Ce film fort intéressant sera sur nos écrans le 5 février prochain.