Plonger
France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Mélanie Laurent
Scénario : Mélanie Laurent, Christophe Deslandes et Julien Lambroschini, d’après le roman de Christophe Ono-dit-Biot
Acteurs : Gilles Lellouche, Maria Valverde, Ibrahim Ahmed, Marie Denarnaud
Distribution : Mars Films
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : 29 novembre 2017
Note : 2/5
Rarement, un film a si bien porté son nom ! Trêve de (mauvaise) plaisanterie, il nous aura fallu du temps pour remonter des profondeurs abyssales de la prétention cinématographique, vers lesquelles nous emmène Mélanie Laurent dans son troisième long-métrage de fiction. Plonger, c’est d’abord comme regarder, impuissant, une bande-annonce qui dure des plombes, puis être propulsé dans un univers moins dépaysant que franchement affligeant. En effet, la quasi-totalité des clichés sur les crises conjugales, alimentées soit par les doutes d’une âme artistique à fleur de peau, soit par les variations hormonales propres à la grossesse, semble s’y être donné rendez-vous. Et même lorsque l’intrigue quitte enfin le décor suffocant de l’appartement et des galeries, où le travail de photographe du personnage principal féminin est disséqué sans ménagement, c’est pour mieux nous engoncer dans un autre étau, celui d’une enquête vaguement policière, dont la finalité dramatique est aussi peu claire que les intentions de la réalisatrice dans son ensemble. Le seul et unique rayon de soleil dans ce marasme formel et narratif est la présence de Maria Valverde. L’actrice au jeu sensuel réussit d’incarner tant soit peu cette femme au bord du gouffre existentiel, malgré tous les obstacles que le scénario tortueux et la mise en scène laborieuse mettent à travers son chemin.
Synopsis : César, ancien grand reporter de guerre, a rencontré Paz, une jeune photographe espagnole. C’est le coup de foudre entre eux. Leur relation paraît franchir une étape supplémentaire, lorsque Paz apprend qu’elle est enceinte. Mais ce changement des habitudes a un effet néfaste sur eux. Elle se sent épuisée et vidée de toute inspiration créatrice, tandis que lui ne sait pas comment rétablir le contact affectif avec cette femme qu’il aime pourtant toujours avec passion. Quelques mois après l’accouchement, Paz n’en peut plus et décide de quitter son compagnon et son fils.
Envie de pleurer toutes les deux minutes
Il nous semble que c’est Roman Polanski qui a dit que le spectateur décide au bout d’un temps très court, s’il aime un film ou s’il le déteste. Pour notre part, ce choix crucial s’est opéré longtemps avant que les sept premières minutes interminables de Plonger se soient écoulées. Car la façon extrêmement découpée et décousue dans le temps que Mélanie Laurent a adoptée pour nous présenter ses personnages a tout de l’inventaire involontaire de faux pas maniérés. Le montage y est des plus déconcertants, pas uniquement parce qu’il procède à un morcellement tellement excessif de ces débuts galvanisants de la relation entre Paz et César qu’aucune envie d’identification n’en découle, mais surtout à cause de l’absence criante de point de vue dans ces plans, qui ne se réfèrent même pas à l’esthétique clinquante du cinéma des années 1980. Les choses s’arrangent modérément par la suite, puisque la réalisatrice revient malgré tout à un découpage plus conventionnel, lorsqu’il s’agit de déconstruire méthodiquement ce couple. Hélas, l’ironie de cette inversion des formes de narration, chaotique au moment de la passion naissante et plus mesurée quand l’amour vole en éclats, ne confère aucune logique particulière, voire ingénieuse, au récit. Ce dernier se démarque au contraire en mal par son incapacité d’évoquer guère plus que des sursauts névrotiques. A l’image de son troisième acte à l’étranger, où le monde des plongeurs – auquel même un réalisateur de la trempe inconstante de Luc Besson a su arracher un peu de magie des profondeurs dans Le Grand bleu – ne contribue en rien à rendre cette histoire plus engageante.
La poussette du requin
Aucune compensation pour tant de désordre formel n’est malheureusement à espérer ici de la part du fond, lui aussi placé sous le signe de la prétention à l’état pur. Le personnage de Paz a ainsi beau profiter pleinement de l’interprétation lumineuse et intense de Maria Valverde – pour être franc, ce n’est pas grâce à elle que nous comprenons mieux cette artiste en proie au doute, mais au moins elle nous aide à supporter ses sautes d’humeur incessantes –, le récit s’articule de plus en plus autour de son pendant masculin, un Gilles Lellouche qui a souvent l’air de porter le malheur de la terre entière sur ses épaules. Sauf que la réalisatrice agence avec une telle désinvolture son parcours vers le deuil, successivement au figuré, puis au propre, qu’aucune consolation n’en est à espérer. Cet homme, seul et abandonné, dès que le passage en accéléré des moments d’épanouissement sentimental et sexuel laisse la place aux tracas du quotidien, demeure par conséquent au moins aussi opaque et antipathique que l’idéal féminin aux failles de plus en plus apparentes qu’il désire pourtant éperdument. Sa colère, qu’il a tendance à crier dans les circonstances les moins appropriées, ne débouche sur strictement rien, si ce n’est l’impossible réconciliation avec la nature sous son aspect le plus artificiellement innocent que l’on puisse imaginer. Un exemple tout à fait représentatif de la structure dramatique bancale que le scénario cherche à nous faire gober, séquence après séquence, serait la visite de César à l’entraînement de l’équipe de foot féminine, un prétexte nullement convaincant pour mettre des mots sur ses frustrations et réprimander par la même occasion celle qui cherche à les partager, aussi maladroite sa tentative d’empathie soit-elle.
Conclusion
Voici la première grosse déception de notre programme du Festival d’Albi ! Nous n’attendions certes pas grand-chose de la part d’un film à la prémisse avare en termes d’originalité. Mais le résultat final a tout de même de quoi nous laisser pantois. Espérons que Plonger restera un malheureux écart dans la filmographie de la réalisatrice Mélanie Laurent. La réputation de ses premiers films nous avait laissé appréhender un peu moins ce film, en fin de compte échoué sur les rives d’un cinéma sans âme, ni cœur.