Pirates des Caraïbes La Vengeance de Salazar
Etats-Unis, 2017
Titre original : Pirates of the Caribbean Dead Men Tell No Tales
Réalisateurs : Joachim Rønning et Espen Sandberg
Scénario : Jeff Nathanson et Terry Rossio
Acteurs : Johnny Depp, Javier Bardem, Geoffrey Rush, Brenton Thwaites
Distribution : Walt Disney Studios France
Durée : 2h06
Genre : Fantastique
Date de sortie : 24 mai 2017
Note : 2,5/5
Les pirates sont de retour, sous le commandement du plus loufoque d’entre eux, Jack Sparrow ! Ces retrouvailles ont-elles pourtant été indispensables, au vu des quatre films précédents, guère capables d’assurer plus que le service minimum, c’est-à-dire de faire tourner en boucle une recette invariablement couronnée de succès commercial ? Il n’y a eu aucune impatience en effet de notre part, après l’ennui profond que nous ont procuré les aventures précédentes des pirates de Disney, ordonnées sans verve il y a six ans par Rob Marshall. Inutile de crier au miracle ou de scruter la moindre innovation avec Pirates des Caraïbes La Vengeance de Salazar, un film de commande qui remplit celle-ci avec une efficacité toute relative, fidèle à un univers qui nous avait d’emblée paru creux et superficiel. En dehors d’un divertissement familial largement inoffensif, admettons-le cohérent dans la stratégie des productions Disney de brusquer le plus petit nombre, rien de très consistant n’y est à mettre sous notre dent de cinéphile tant soit peu exigeant. Ce sont au contraire toujours les mêmes rengaines de malédictions légendaires, d’antagonismes plus ou moins manichéens, de passages obligés mille fois revisités, qui ponctuent un récit dont la vocation principale semble être la promotion du cinéma en relief, a priori aussi mal en point que cette série plutôt à bout de souffle.
Synopsis : Depuis son enfance, le jeune Henry croit fermement en sa capacité de délivrer son père Will Turner du sortilège qui le condamne à hanter les océans à bord du voilier fantôme le Hollandais volant. Il pense être prêt du but de sa quête, quand le bateau sur lequel il travaille comme matelot est attiré dans le triangle maudit et son équipage anéanti par le spectre du capitaine Salazar, qui le laisse indemne pour qu’il puisse conter l’histoire de son exploit. Or, Henry cherche avant tout à retrouver le capitaine Jack Sparrow, en possession d’un compas qui le mènerait vers le trident de Poséidon, la seule arme magique susceptible de rompre le mauvais sort de son père. Il trouve une compagne improbable en la personne de Carina Smyth, une jeune orpheline férue de science, qui est poursuivie par les autorités britanniques pour sorcellerie. Ensemble, ils suivent la trace de Jack Sparrow, toujours aussi imprévisible, car constamment intoxiqué, et surtout depuis peu en panne d’équipage et de bateau.
Mayonnaise et guillotine
Tenir le même niveau de qualité tout au long d’une série de films, qui court sur près de quinze ans et contient plus qu’une ou deux suites de circonstance n’est pas une mince affaire. Dans l’Histoire du cinéma, les exemples où pareille entreprise mercantile a tôt ou tard capoté sont légion, tandis que les exceptions d’une réussite sans cesse renouvelée se comptent sur la moitié d’une main, puisque seuls James Bond, la bande de Fast & furious et quelques super-héros disparates peuvent éventuellement y prétendre. Le cas des Pirates des Caraïbes déroge pour l’instant à la règle, puisque même les épisodes les plus soporifiques ont trouvé leur public, sans doute demandeur d’une bonne sieste de deux heures et demie. La première tentative des réalisateurs norvégiens Joachim Rønning et Espen Sandberg de s’imposer à Hollywood reprend en quelque sorte le flambeau, grâce à un petit souffle de vigueur qu’ils ont su apporter aux péripéties rocambolesques, qui couraient sérieusement le risque du coma anémique. Ce qui n’empêche pas leur quatrième film réalisé en tandem d’être extrêmement avare en moments mémorables, tels le braquage d’une banque qui se finit ironiquement en queue de poisson, une exécution farfelue qui ressemble plus à une attraction de foire hilarante qu’à une fin de vie macabre et la renaissance pas vraiment monumentale du Black Pearl. Pour le reste, ce sont les fils fatigués d’une narration impersonnelle qui tirent le récit vers sa conclusion pompeuse, y compris la brève séquence post-générique.
Moineau et Moïse
Le souci principal du monde des Pirates des Caraïbes, nullement corrigé par ce film calibré jusqu’à l’énième effet 3D, est son incapacité flagrante d’intéresser sincèrement le spectateur aux enjeux dramatiques qui sont censés animer les actions de personnages hautement interchangeables. Avec le fanfaron en état d’ébriété Jack Sparrow comme seul et unique centre d’intérêt, tout ce que le scénario est en mesure d’agencer autour de ses exploits ne fait ainsi figure que de remplissage anodin, en attendant le prochain numéro faussement acrobatique du véritable héros de la saga. Ici, ce déséquilibre narratif tout à fait préjudiciable clame comme proies faciles à la fois le couple romantique, aussi peu convaincant sous les traits de Brenton Thwaites et Kaya Scodelario qu’autrefois sous ceux de Orlando Bloom et Keira Knightley, ressortis pour l’occasion d’un oubli profond, et le méchant de service, un Javier Bardem sensiblement moins charismatique et inquiétant sous une couche épaisse d’effets spéciaux que lors de son affrontement incomparablement plus mémorable avec l’agent 007 dans Skyfall de Sam Mendes. Quant à Johnny Depp, qui doit peut-être considérer ce rôle en or en tant que malédiction personnelle, il s’investit sans états d’âme dans les frasques de son personnage emblématique, lui aussi en quelque sorte au point mort. Comme d’habitude à mi-chemin entre le bouffon et le messie involontaire, Jack Sparrow tient difficilement à flot un film, qui rapportera certainement beaucoup d’argent à Disney à travers le monde, mais qui n’est guère apte à rétablir notre confiance en un univers stérile depuis beaucoup trop de temps.
Conclusion
Les admirateurs indécrottables de Jack Sparrow vont probablement adhérer sans réserve à ses cinquièmes aventures, qui épousent sans l’ombre d’une quelconque originalité la formule éprouvée des films précédents. Pour tous les autres, il s’agit au mieux d’un divertissement aussitôt vu, aussitôt oublié, faute de quelque aspect particulier que ce soit. Même la participation d’une actrice normalement abonnée aux films plus artistiques comme Golshifteh Farahani dans le rôle anecdotique d’une sorcière n’a ainsi réussi à nous arracher de notre torpeur blasée que tout ce qui a trait à l’univers des Pirates des Caraïbes nous inspirera encore et toujours.