Ce dimanche 11 décembre 2016 s’est achevée la 6ème édition du PIFFF, manifestation désormais incontournable pour les fantasticophiles parisiens, récompensant d’un double prix l’excellent Grave (prix ciné+ frisson et prix du public), apparemment avec la moyenne la plus élevée de toutes les éditions. On ne peut que se réjouir qu’une proposition de cinéma aussi aventureuse (franco-belge qui plus est) soit à ce point appréciée à la fois du public et de professionnels, en espérant que sa sortie prochaine dans nos salles (le 15 mars par Wild Bunch) se fasse avec succès, même si l’on est en droit d’avoir de sérieux doutes sur ce dernier point. Quoi qu’il en soit, cette édition aura confirmé la place importante du festival pour les cinéphiles à la recherche d’expériences de cinéma sortant un peu du conformisme ambiant, la sélection s’étant avérée globalement satisfaisante, et ce même si l’on n’aura pas forcément eu de grosse révélation, les meilleurs films étant généralement à trouver dans les reprises de classiques en versions restaurées.
On aura ainsi eu le plaisir de revoir ou découvrir dans des conditions optimales l’hallucinatoire Twin Peaks : Fire walk with me, faisant énormément d’effet sur le grand écran du Max Linder, mais également le psychotronique Hardware, réalisé par Richard Stanley, gros morceau de fureur à la forme baroque, le toujours flippant Prince des ténèbres de John Carpenter et enfin le virtuose Opéra de Dario Argento, jamais sorti dans les salles françaises, ici dans une version intégrale qui aura fait un sacré effet pour les spectateurs ne l’ayant jamais vu (dont je faisait partie) et les autres.
Heureusement, il n’y avait tout de même pas que du côté des classiques que l’on pouvait trouver son bonheur, les longs métrages en compétition ou hors compétition étant pour certains loin d’être négligeables. En dehors de Grave (gros coup de cœur encore meilleur à la seconde vision et de loin le meilleur film de la compétition), on retient Realive, film de SF intimiste, s’attachant au thème de la cryogénisation sur un mode romantique et mélancolique, le tout parfaitement servi par une forme assez sublime évoquant une sorte de Terrence Malick débarrassé de ses considérations ésotérico-fumeuses, et en un peu plus modeste, ce qui n’enlève rien à l’émotion sincère qu’il dégage par fulgurances, et ce malgré un rythme en dents de scie, la faute à un montage pas toujours très habile, et à une seconde moitié un peu longuette, avec ses dialogues un peu plombants. Néanmoins, il s’agissait d’une bonne surprise, dont la romance au cœur de l’intrigue aura su toucher les cœurs d’artichaut, grâce à des acteurs attachants et concernés. Le film mériterait donc une petite sortie salles, surtout qu’il s’agit d’une coproduction entre la France et l’Espagne.
Autre bonne surprise venue de nulle part, The Unseen, variation intéressante sur le thème de l’homme invisible, qui malgré un rythme un peu languissant dans sa première partie, se montre de plus en plus dense au fur et à mesure de son déroulement, tout en gardant sa modestie, tant dans la forme que dans le fond. On regrettera une structure un peu bancale, donnant parfois l’impression de plusieurs mini intrigues raccordées les unes aux autres, mais l’originalité du traitement et les personnages attachants rendent le film plus que recommandable.
Pour le reste, les films étaient de qualité plus inégale, même si une fois encore il y avait peu de ratages intégraux, contrairement à l’étrange festival qui nous inflige systématiquement des bouses expérimentales quasiment irregardables. I am not a serial killer, chronique grise et glauque autour d’un sociopathe en puissance fasciné par le Mal et les tueurs en série, enquêtant dans son coin sur des meurtres commis dans son quartier, s’avère plutôt prenant malgré un rythme languissant, qui n’aura pas convaincu tout le monde mais qui personnellement, m’aura captivé durant une bonne partie du métrage, avant une conclusion certainement fidèle à son roman de base, qui a de quoi laisser un peu sceptique, avec son virement incongru dans le fantastique, tranchant avec l’ambiance triste et réaliste imprégnant le film. Le filmage en 16mm colle parfaitement à l’atmosphère, et l’on a plaisir à retrouver le génial Christopher Lloyd, dans un rôle éloigné de celui, mythique, de Doc Brown dans Retour vers le futur auquel on continue à l’identifier aujourd’hui.
The Autopsy of Jane Doe, le film d’ouverture, aura également déçu dans sa seconde moitié et son virage abracadabrant dans la sorcellerie, totalement à côté de la plaque par rapport à sa première partie angoissante et anxiogène, nous immergeant dans une morgue, avec ses scènes d’autopsies particulièrement gores, qui avaient de quoi faire tourner de l’œil aux spectateurs les plus aguerris au genre. Mais au final, le négatif l’emporte malheureusement sur les points positifs.
K-Shop, film britannique réalisé par un certain Dan Pringle, nous offre un mélange des genres un peu déstabilisant, étant donné qu’il débute comme un film d’exploitation ultra violent, avec son vengeur transformant en kebab les vermines du quartier, avec de virer au film social, un peu trop ambitieux pour son propre bien, malgré une interprétation très convaincante de l’acteur principal, Ziad Abaza. Les 2 heures de projection paraissent un peu disproportionnées, mais tout n’est pas à jeter néanmoins, et on peut affirmer qu’il s’agit d’un film maladroit mais prometteur de la part de son réalisateur.
Dans le genre exploitation gratinée, on peut évoquer rapidement l’hallucinant The Greasy Strangler, réalisé par Jim Hosking. Hallucinant dans quel sens, difficile à dire. Disons qu’il s’agit de la rencontre particulièrement dégénérée entre le cinéma de John Waters et une certaine bande dessinée indépendante américaine, avec ses anti héros à la fois désespérants de médiocrité et attachants. Très drôle au début, avec son humour gras et dégueulasse, le film s’épuise rapidement, avant de devenir franchement éprouvant dans sa dernière partie, s’éternisant au-delà du raisonnable. Les blagues les plus courtes sont vraiment les meilleures.
Enfin, notons que cette édition aura été l’occasion de voir sur grand écran deux films Hong-kongais, de bonne qualité qui plus est. The Mermaid, retour de Stephen Show au cinéma, qui aura explosé le box office chinois, devenant en seulement 2 semaines le plus gros succès du box office chinois, nous aura de plus été présenté dans sa version 3D. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a été gâté, cette dernière s’avérant véritablement immersive, avec ses nombreuses échelles de plans prouvant définitivement qu’un film pensé en 3D sera toujours plus impressionnant que les multiples conversions dont nous aura abreuvés Hollywood, jusqu’à saturation totale. Pour ce qui est du film en lui-même, il s’agit d’une jolie fable, hilarante et charmante, relecture locale de la petite sirène, évitant la plupart du temps cet humour gras du bide dont est coutumière la comédie locale. C’est donc une séance particulièrement joyeuse que l’on aura vécue avec ce film.
L’autre film HK était Keeper of darkness, histoire de fantômes aux ruptures de ton étonnantes pour le public français, passant sans complexe du fantastique poétique et magique, à des scènes de violence graphique absolument pas adaptées à un jeune public, en passant par un final WTF, d’une mièvrerie tellement insensée que l’on se demande franchement s’il s’agit de seconde degré ou pas. Quoi qu’il en soit, on passe un très bon moment devant un film qui évite même les CGI tout pourris, ceux-ci s’avérant plutôt réussis, et qui cache même en son sein quelques zones d’ombre un peu déviantes, totalement inenvisageables ailleurs que dans le cinéma HK.
Comme à son habitude, le festival nous aura gratifié d’une clôture en forme de feu d’artifice (on se souvient de Détention en 2011, Wolf Creek 2 en 2013 et Green Room en 2015), qui aura su donner le sourire aux spectateurs, avec le jouissif et pervers Safe Neighborhood, présenté comme un mix de Maman, j’ai raté l’avion et Scream, et qui redéfinit de façon maline et ludique les codes du slasher, mais également du home invasion. Rien de mieux pour terminer un festival, que ce type de pelloche décomplexée et festive, qui tombait à pic à l’approche des fêtes de fin d’année, l’action se déroulant à Noël.
L’ensemble du festival se sera donc déroulé sans accrocs, dans une ambiance agréable, l’enceinte du mythique cinéma Max Linder s’avérant plus conviviale que le Rex l’année dernière. Espérons que l’avenir du festival soit radieux, et se fasse encore pour longtemps dans cette magnifique salle. Vivement l’année prochaine !
Le palmarès complet
LES PRIX DU PUBLIC : OEIL D’OR
> Oeil d’Or long-métrage : Grave de Julia Ducournau
> Oeil d’Or court-métrage français : Pospy de Julien Homsy
Dans cette adaptation d’une histoire courte de Stephen King, l’addiction au poker conduit à des méthodes de remboursement très risquées…
> Oeil d’Or court-métrage international : Curve de Tim Egan (Australie)
Une jeune fille se réveille au sommet d’une surface lisse surplombant un abîme. Aucune prise, elle doit survivre.
Grand prix du jury du court-métrage français : Margaux de Joséphine Hopkins, Rémy Barbe et Joseph Bouquin
Margaux, une jeune fille de 15 ans, découvre son pouvoir de séduction et tente de fuir une créature monstrueuse qui hante son quotidien.
LES PRIX DU JURY CINÉ+ FRISSON
> Prix spécial Ciné+ Frisson – long-métrage : Grave
> Prix spécial Ciné+ Frisson – court-métrage : Dénominateur Commun de Quentin Lecocq
Ted est un glandeur qui gagne sa vie en testant des médicaments. Une pilule révolutionnaire va le révéler à lui-même.