La troisième édition du Paris International Film Festival s’est achevée ce dimanche 24 novembre après six jours de projections, avec 21 longs-métrages et 19 courts-métrages présentés.
Petits jeux presque sans conséquences
PIFFF 2013 : le palmarès
C’est la comédie noire, très noire Cheap thrills de E.L. Katz, avec ses cruels jeux ‘ entre amis ‘ qui remporte l’Oeil d’or du meilleur long-métrage décerné par le public. Le récit d’une mauvaise journée pour Craig qui vient de recevoir la dernière menace d’expulsion du sinistre logement où il vit avec femme et bébé avant de se faire virer de son boulot. En voulant noyer ses problèmes d’argent dans l’alcool dans un bar louche, il va retrouver Vince, un ami d’enfance perdu de vue et dont la vie est encore plus misérable que la sienne. Ils vont attirer l’attention d’un couple apparemment mal assorti, la jolie blonde Violet et le quinquagénaire débonnaire Colin qui vont les attirer dans un jeu de cap’ ou pas cap’ jamais innocent et qui va virer au jeu de massacre bien coupable. La question ne sera pas de savoir où l’on serait prêt à aller pour cinq millions de dollars, mais pour des sommes bien plus dérisoires : 5 puis 50 puis 500 dollars, surtout lorsque les lendemains semblent sans espoir et que l’on ne veut pas perdre la face. L’humour acerbe et la cruauté tragique font de ce premier long-métrage du scénariste de Home Sick d’Adam Wingard en 2007 une réussite, à défaut d’être fantastique, le troisième F du PIFFF pour rappel. La conclusion laisse un goût amer et le dernier plan, d’une noirceur extrême, est impressionnant dans la justesse de ce qu’il démontre, et sans lourdeur. Un tour de force porté par un excellent quatuor : Pat Healy (Compliance) est Craig, encore plus détruit qu’il ne pensait l’être avant d’entrer dans le bar. Sara Paxton, déjà sa partenaire dans The Innkeepers de Ti West est la peu diserte mais néanmoins inquiétante Violet, Ethan Embry est Vince au bout du rouleau qui va devoir revoir la définition du mot ‘ amitié ‘ et l’acteur connu pour ses emplois comiques David Koechner (Champ dans le premier Ron Burgundy dont on attend le deuxième volet l’été prochain en France) est le trop riche Colin. Un changement d’emploi radical et un choix très malin pour surprendre le spectateur, que l’on connaisse ou pas ses prestations plus clairement humoristiques.
Un producteur jamais cheap toujours thrilling
Le film est produit par Travis Stevens, qui commence déjà à imprimer sa marque dans le genre fantastique, sous toutes ses formes via sa société Snowfort Pictures créée en 2010. On lui doit déjà A Horrible Way To Die d’Adam Wingard, The Thompsons des Butcher Brothers, le documentaire Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich, le film de home invasion revu et corrigé The Aggression Scale de Steven C. Miller, avec Ray Wise et Dana Ashbrook ou Big Ass Spider excellent film de monstres de Mike Mendez. Quels rapports entre ces films ? Aucun vraiment, sinon le goût de la belle ouvrage et un respect du genre, où l’on peut faire peur, rire et toucher, parfois dans un même film mais toujours dans un bel équilibre, né d’un précieux travail de réécriture et d’une attention à la véracité des situations vécues par les personnages, mêmes les plus improbables. Le prix a été remis à la distributrice française de Luminor Films Distribution qui a souligné que ce prix était un bel encouragement pour ce producteur totalement indépendant. Aucune date de sortie n’a été annoncée, mais l’exploitation en salles semble exclue, ce que l’on ne peut, là encore, que regretter.
Suite du palmarès
Œil d’or – prix du public – du court-métrage international : The man who could not dream de Kasimir Burgess et James Armstrong (Australie). Le récit de la vie ennuyeuse d’un enfant à qui l’on a interdit de rêver et qui, devenu adulte, tente de prendre sa revanche. La mise en scène est agréablement stylisée, notamment dans l’utilisation des décors anti naturalistes et des effets spéciaux décalés mais l’émotion espérée n’est guère présente. Le héros n’est pas vraiment attachant. Ni le choix de ses acteurs (enfant puis adulte) ni la narration en voix-off de Geoffrey Rush n’aident à l’empathie. Techniquement réussi, mais pas très vivant.
Œil d’or – prix du public – du court-métrage français : Jiminy d’Arthur Môlard qui reçoit aussi le Prix du jury du court-métrage français et le prix du juryCiné+ Frisson du court. Si ce court est moins ‘ beau ‘ que le court australien, il est plus réussi car plus il raconte une histoire plus concrète et définie, ce qui manque à bien des courts autant ceux présentés au PIFFF 2013 qu’ailleurs. Le synopsis : dans un futur proche, la plupart des êtres humains se sont faits implanter une puce électronique dans le cerveau. Cette puce, qu’on appelle un « criquet », leur donne des conseils sur les meilleures décisions à prendre et leur permet de passer en « mode automatique » quand ils le souhaitent. Benjamin Brenière tient le rôle principal, celui de réparateur de ces criquets lors d’une journée charnière dans sa vie et Denis Lavant est un schizophrène. On n’est pas trop surpris là, même s’il le fait très bien. C’est Denis Lavant tout de même !
Prix du jury Ciné+ Frisson du long-métrage : L’Étrange couleur des larmes de ton corps de Bruno Forzani et Hélène Cattet (France-Belgique). Pas vu, j’ai choisi un autre genre de cinéma expérimental, celui de l’américaine Su Friedrich, pour des courts-métrages passionnants et exigeants présentés à l’Espace 1789 de Saint-Ouen. Le film sortira en salles en mars 2014.
Pas de jury professionnel cette année, le prix du public existant déjà les années précédentes, cela fait un prix en moins pour honorer les quelques films en lice. Et autre point regrettable, toujours pas de prix d’interprétation, et donc rien pour les jolies performances des pom-pom girls de All cheerleaders die de Lucky McKee (la critique), du quatuor de Cheap Thrills, de Jeremy Gardner dans The Battery (la critique) voire l’ours en peluche dans l’autiste Animals de Marçal Flores, même si l’on peut préférer Mr Oizo, son quasi jumeau.
Après la remise des prix, première française de l’efficace Wolf creek 2 de Greg Mclean, suite du film sorti en 2005, et toujours avec l’inquiétant John Jarratt, même s’il commence à se Freddy Krueger-iser avec un excès de vannes distrayantes. Étonnamment, aucun distributeur pour le moment et s’il est moins surprenant que le premier volet, il reste d’un très bon niveau…
La troisième édition de ce festival perdu quelque part entre ses grands aînés que sont L’étrange Festival et le FEFFS à Strasbourg en septembre et le Festival de Gérardmer en janvier permet de constater une nouvelle fois qu’il existe un public pour le cinéma de genre. Le taux de remplissage était en effet élevé, avec 7 550 entrées sur 23 séances en 6 jours, en hausse par rapport à l’an dernier. Le directeur artistique Fausto Fasulo a notamment précisé lors de la cérémonie de clôture avoir été rassuré par les séances très fréquentées de 14h pourtant en semaine ainsi que le bon accueil réservé aux séances cultes. Malgré des projections qui n’étaient qu’en DCP voire en Bluray, on ne peut que s’en réjouir.
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